Tribune
Avec la multiplication des contenus publiés sur le digital, les annonceurs craignent pour leur image. Pourtant, les initiatives se multiplient autour de la brand safety, ce qui à terme pourrait bien permettre aux marques de sortir de leur retenue pour se concentrer sur leur puissance créative.

Le numérique a donné naissance à un nouveau cycle de consommation de contenu. La pénétration des périphériques mobiles dans les foyers a accru le besoin d’articles, de vidéos, de posts, et ce à n'importe quel moment de la journée. En conséquence de cette délinéarisation, les micro-moments d’attention publicitaire se sont démultipliés. Les annonceurs, habitués à une grille de programmes ou à un chemin de fer décidés en amont, ont vu leurs cadres de référence bouleversés. A condition de les rassurer sur la capacité des médias digitaux à maintenir un écosystème de contenu exemplaire, les marques peuvent se saisir de ces opportunités pour se connecter de façon plus personnelle avec leurs audiences, en jouant avec la granularité et la flexibilité inhérentes au digital.

Qui dit nouvelles opportunités peut aussi dire nouveaux risques. Via une publicité placée au mauvais endroit ou au mauvais moment, la marque peut être associée à un environnement nuisible à son image. C’est le concept même de brand safety. Si on en entend beaucoup parler aujourd’hui autour des écosystèmes digitaux, ce concept n’est pour autant pas neuf. Depuis que la publicité existe, les annonceurs s’assurent auprès des régies que leur communication est entre de bonnes mains. Déjà dans le paysage audiovisuel traditionnel, il est arrivé que les «aléas du direct» poussent le sponsor d’un programme éditorial à passer un coup de fil peu agréable à son contact commercial. C’est de bonne guerre.

Crainte du bad buzz

La délinéarisation et l’explosion du volume de contenu chez les éditeurs digitaux a exacerbé l’angoisse des marques. Identifier, isoler, et enfin répondre à un éventuel contenu inapproprié, semble plus difficile qu’ailleurs, encore plus si l’on considère le dernier paramètre propre aux plateformes sociales, à savoir l’interaction en masse des communautés. Un seul être vous comprend mal, et tout s’emballe. C’est l’image même de la mèche qui peut être à l’origine d’une traînée de poudre, jusqu’au paralysant bad buzz. Nous l’entendons souvent : les marques se sentent dans l’impossibilité de tout ramener à du «déjà connu» quand il s’agit de communiquer sur les plateformes. Aux dépens de l’audace publicitaire, une culture de l'extrême prudence et de la mesure ultra-exigeante a vu le jour : les KPIs ou les reportings n’ont jamais été aussi nombreux que dans les stratégies digitales, ce malgré la difficulté à objectiver l’impact du contenu environnant sur le propos d’une publicité.

Et pourtant, en parallèle, des avancées majeures se dessinent. Le numérique est encore jeune. Ses acteurs apprennent en marchant de leurs erreurs passées, lesquelles ont certes coûté cher. Certains scandales ont profondément entamé la confiance à la fois des audiences et des annonceurs envers les plateformes. En conséquence, un travail de reconnaissance des erreurs ainsi qu’un dialogue sain s’est créé. L’opinion publique challenge l’écosystème digital sur la sécurité et la brand safety, ce qui a poussé chacun à agir dans le bon sens. Grands acteurs du digital, marques et éditeurs de contenu progressent ensemble pour garantir la meilleure expérience média possible. Chacun assume sa responsabilité.

Initiative commune des acteurs du digital

L’exemple qui illustre le mieux cette progression est l’initiative commune des acteurs de l’industrie digitale au sein du GARM (la Global Alliance for Responsible Media) : alignement des standards de sécurité, concertation sur l’atteinte d’objectifs communs, en passant par une transparence accrue sur les résultats grâce à la mise en place de reporting agrégés. La plupart des plateformes sociales, au même titre que certains annonceurs, s’investissent avec le GARM pour proposer un écosystème de contenu digital plus mûr. Cet engagement s’accompagne souvent de moyens colossaux déployés dans leurs propres équipes, à l’instar de quelques dizaines de milliers de personnes chez les plateformes pour travailler sur la modération proactive des contenus, ou encore, chez les annonceurs, d’une formation plus soutenue sur les équipes de community management pour gagner en réactivité. De plus, les experts de la publicité veillent chaque jour à la clarification et la pédagogie en matière de brand safety, comme le SRI (Syndicat des régies internet), qui s’assure auprès des annonceurs et des agences que leurs campagnes ne promeuvent pas des contenus jugés indésirables.

Les plateformes ont la responsabilité de veiller à ce que l'écosystème de contenu soit sain dans sa globalité. Au-delà de cela, elles se doivent aussi d'aider leurs partenaires à connaître leurs utilisateurs, de comprendre quand et comment les audiences consomment du contenu, et ce qui est pertinent pour elles. Dans le cas d’une communication publicitaire, et sur la base de cet échange en transparence avec la plateforme, la marque prend ensuite le relai pour proposer une sollicitation pertinente. C’est cette combinaison de responsabilités qui permettra de faire passer l'écosystème digital dans l'âge de raison, et de proposer un contrat de lecture social media ultra-pertinent pour les utilisateurs.

À l'âge de la maturité digitale, les marques pourront de plus en plus se concentrer sur leur puissance créative et sortir de leur retenue. Tourner le dos aux contenus aseptisés, reprendre des risques, assumer des partis pris forts sans craindre la traînée de poudre. Certaines commencent déjà à le faire. L’audace croissant avec l’expérience, elle semble faire son retour en grâce sur les plateformes et marquer un grand come-back de la créativité.

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