Pas moins de 77% des marques pourraient disparaître dans l’indifférence générale. Issu de l'étude Meaningful Brands, réalisée par Havas en 2019, ce résultat, à force d’être partagé, répété, s’est transformé petit à petit en une assertion incontestable. Les consommateurs s’étaient détachés des marques. Ils avaient (re)pris le pouvoir et préféraient s’en tenir aux recommandations de leurs pairs et/ou de ces superhéros influenceurs pour décider du sort des marques.
Et puis, le temps, inattendu, de la crise du Covid-19 est arrivé. Cette crise est sans précédent, son ampleur est majeure, son caractère est inédit, et ses conséquences restent très évolutives. Dans ce moment d’incertitude absolu, les marques ont refait surface positivement. Dans le mot marque, on l’oublie souvent ou on ne l’entend plus : il y a «marquer». Marquer les esprits, marquer sa différence, marquer son époque. Marquer de son empreinte aussi, car la marque est, on l’oublie souvent aussi, un nom propre et pas un nom commun.
La crise a permis de jauger les marques
Alors, comme cette crise nous a permis à tous individuellement, comme dans toutes les épreuves de la vie, de peser les présents et les absents, les engagés et les distants, les profonds et les superficiels, les utiles et les autres, elle a permis de la même manière d’évaluer les marques, de les jauger à un moment essentiel, face à l’essentiel.
Nous les avons regardées comme des êtres humains, comme des êtres faits de chair et de sang, comme des êtres sociaux aussi, qui peuvent faire commerce d’humanité, d’utilité et de solidarité. Nous les avons vues passer de la fabrication de parfums à celle de gel hydro-alcoolique, de vendeur d’électroménager à donateur de tablettes numériques à des hôpitaux, de fabricant de pneus à inventeur de masques réutilisables 100 fois... Les exemples sont innombrables. Au passage, les frontières entre marque entreprise, marque employeur et marque commerciale ont disparu pour laisser place à une seule marque pleine et entière.
Le regain de la confiance
Les marques ont pris, tout d’un coup, en raison et grâce à cette crise, du sens. Ce fameux sens que les consommateurs leur réclamaient depuis un moment. Elles ont d’une certaine manière «rendu» aux consommateurs ce qu’ils leur avaient donné depuis tant d’années. Elles ont regagné la confiance, le bien le plus précieux dans la relation qu’elles entretiennent avec les gens.
Mais cette crise a aussi montré que les marques n’avaient pas vraiment laissé quiconque indifférent. Un sondage hebdomadaire de l'institut CSA a établi un classement des marques qui manquaient le plus aux Français. Ce n’est pas tant le classement qui était intéressant que la notion de manque. Nous sommes en effet attachés à certaines marques. Nous les rencontrons un jour et nous partageons un moment de vie plus ou moins long avec elles. Parfois, nous aurions envie qu’elles restent plus longtemps à nos côtés. Elles nous manquent en effet.
Le retour du Figolu, par exemple. L’annonce officielle de la remise sur le marché (pendant le confinement) de ce gâteau à la figue, disparu sous sa forme originelle depuis cinq ans, a été remarquée et même saluée dans un tonnerre de joie. Et pourtant, il n’a rien de fédérateur ce biscuit, il est même plutôt clivant : il y a ceux qui aiment et ceux qui détestent. Mais peu importe, car cette marque sonne, pour certains, comme un réconfort. Vivement le retour de Groquik !
Alors dans ce «monde d’avec», comme l’a qualifié Mercedes Erra dans une tribune publiée par Influencia («monde d’avec» et non «monde d’après» pour qualifier la société à la sortie du confinement), il va falloir compter sur les marques. Le monde «d’avec les marques» en fait.