Tribune
En tant que marques nées sur le digital, les Digital Native Verticale Brands ne manquent pas d'arguments pour résister à la crise. A commencer par leur maîtrise de la distribution.

La crise du Covid-19 est duale (a minima). Crise sanitaire, elle est aussi une crise économique et probablement une crise sociale voire sociétale. Mais le plus important est qu’elle n’est pas terminée. Évoquer la façon dont les marques DNVB (digital native verticale brands) s’en sortiront à moyen ou long terme est donc sans doute encore un peu prématuré, mais à court terme, elles ne manquent pas d’arguments pour résister à ladite crise.

D'abord, l’accélération de l’adoption du e-commerce joue en leur faveur. Celle-ci se joue en deux temps. Lors du confinement, les Français ont modifié leurs habitudes d’achat, fermeture des magasins «non essentiels» et situations des plus tendues dans les commerces alimentaires obligent. Internet est devenu le canal de référence, souvent unique, pour l’achat de biens physiques pour des dizaines de millions de personnes en France.

Durant la période post-confinement, passé l’effet de choc et de surprise de cette période hors norme, l’adoption de l’achat à distance a persisté, voire s’est intensifié selon les secteurs. Trois raisons principales spécifiquement liées à la crise permettent d'expliquer ça : la crainte du contact, en particulier dans les espaces clos comme les magasins, les difficultés d’approvisionnement de nombreuses enseignes dont la supply chain souvent mondialisée a été sévèrement impactée et à l’offre de facto restreinte et incertaine, et enfin l’expérience d’achat fort peu agréable et potentiellement anxiogène en boutique, compte tenu des mesures sanitaires prises, notamment quand il faut «essayer» les produits.

Et c’est là où l’ADN «DN» (digital native) des DNVB entre en jeu : en étant nativement en ligne, elles sont, comme les pure players, naturellement mieux armées pour «capter» les requêtes Google en rapport avec leurs offres ; elles sont mieux conçues pour rendre l’expérience d’achat fluide et originale ; elles sont (théoriquement) mieux préparées pour absorber de forts chocs de commandes tant par leur lien vital avec la composante logistique que par leur maîtrise de la chaîne d’approvisionnement.

L’effet chaud-froid du pouvoir d’achat des Français.

Qui dit crise, dit en général chômage et perte du pouvoir d’achat. Mais plusieurs effets sont ici atypiques. D’un côté, les mesures d’aide de l’État français ont permis un relatif maintien des salaires d’une grande partie des Français privés d’activité (et pour le moment un maintien des emplois). De l’autre, plusieurs dépenses des particuliers ont été annulées ou reportées du fait de l’arrêt ou des fortes restrictions des transports de biens et des personnes à travers le monde. La résultante : un combo d’effet de thésaurisation forcée et d’incertitude à la dépense.

Si le débat sur une deuxième vague sanitaire fait le bonheur des chaînes d’informations, la certitude d’un tsunami économique (qui pour rappel arrive justement après le choc) devient de plus en plus évidente, l’État ne pouvant maintenir l’économie sous perfusion ad vitam aeternam. Aussi, certains, prudents ou déjà affectés économiquement, vont chercher à réduire leurs dépenses en achetant moins cher (ou tout simplement moins) tandis que d’autres, plus optimistes et/ou chanceux, vont utiliser ce relatif accroissement de pouvoir d’achat en dépensant plus, ciblant une qualité supérieure et/ou une production plus raisonnée et/ou plus nationale qui peut s’avérer plus coûteuse.

Dans les deux cas, le V de verticalité des DNVB est un atout. En effet, la DNVB travaille avec ses propres ateliers ou en direct avec des industriels selon son propre cahier des charges, puis maîtrise la distribution (initialement 100% en ligne avec parfois une ouverture vers les magasins physiques). La maîtrise de la chaîne de valeur permet justement de réduire les coûts intermédiaires et d’offrir ainsi des produits moins chers que les acteurs traditionnels. L’exemple typique est celui des DNVB de matelas comme Emma. Pour les autres, la maîtrise de la chaîne de fabrication se traduit par des choix stratégiques de positionnement dont elles estiment que les consommateurs seront prêts à assumer le surcoût potentiel. On pense ici à l'exemple iconique du Slip Français, dont le fondateur insiste sur le «juste prix» qui privilégie le «Made in France».

Le changement du mode de consommation.

Parmi la multitude d’expressions nouvelles et «punchlines» nées avec cette crise, il y a celle du «monde d’après». Laissons de nouveau aux amoureux des débats le loisir d’en définir tant le sens que les contours pour nous concentrer sur une réalité déjà présente avant la crise et que cette dernière a sensiblement amplifiée : le rapport à la consommation, en particulier des jeunes générations.

Sens, valeurs, engagement, (éco-)responsabilité… Ces mots qui faisaient parfois sourire il y a 10 ou 20 ans en entreprise deviennent authentiquement clés pour le recrutement en start-up. Or, les DNVB sont au départ des start-up. Et cette notion forte d’alignement d’aspirations personnelles avec l’activité professionnelle a indéniablement structuré les équipes des DNVB à un point où la marque devient l’incarnation de leurs valeurs communes.

C’est ici la force d’une DNVB : le B de Brand. La marque est clé. Elle est tout : le produit (souvent un «classique» qu’elle a réinventé, retravaillé en offrant qualité et transparence là où on ne s’était parfois jamais posé la question), le service associé (on passe d’une notion de service client qui réagit aux demandes dans une logique SAV, à une notion d’expérience client avec une équipe proactive et qui vous accompagne de bout en bout) et l’engagement (ce en quoi croit la marque et l’équipe derrière, ce sur quoi elle communique sans «jouer de la flûte» car les consommateurs se laissent de moins en moins séduire - certains diront berner - par les discours marketing orientés sur l’usage). En achetant des Allbirds ou des Veja, par exemple, vous n’achetez pas des chaussures (que) pour marcher et/ou pour le style : vous achetez des baskets durables, équitables, écologiques. Vous voulez être «aligné» dans votre démarche d’achat avec vos convictions personnelles.

Les DNVB partent avec une longueur d’avance sur le terrain de la «nouvelle» consommation post-Covid car, sans oublier qu’elles font du business, elles cherchent dans leur grande majorité à maximiser le bénéfice qu’elles offrent à leurs clients et à leurs salariés. Ce n’est pas un hasard si la tendance B-Corp gagne du terrain pour «officialiser» ses engagements de société «B» comme Bénéfique. 

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