Les médias qui suivent au plus près les deux candidats à l'élection présidentielle américaine sont étroitement surveillés par les équipes de campagne. Histoire de protéger l'image, soigneusement construite, de leur champion.

Les «garçons dans le bus» sont sous surveillance. Encore plus aujourd'hui qu'en 1972, lorsque le livre The Boys on the bus de Timothy Crouze racontait le suivi médiatique de la campagne présidentielle de Richard Nixon contre George Mc Govern. Aujourd'hui, les «boys» accompagnant Barack Obama et Mitt Romney dans les Etats clés sont soigneusement contrôlés par les managers de campagne. Ces derniers que Marie Grabe, professeur de télécommunications à l'université Indiana, appelle les «manipulateurs d'image» passent leur journée à «alimenter les journalistes en courriers électroniques et textos pour leur suggérer de nouvelles approches.C'est une relation fascinante, explique-t-elle. Le journaliste essaie de garder ses distances, mais en même temps il a besoin de se rapprocher du candidat.» Pour décrocher une interview, mieux vaut écrire un article positif sur le politicien. Si le reporter se montre trop critique, «il sera puni», assure Marie Grabe. Le directeur de campagne lui interdira l'accès au candidat.


La présentation est extrêmement importante. «68% des Américains votent d'après l'image, 16% seulement d'après le programme», dit Marie Grabe. Les équipes du candidat passent donc leur temps à vérifier «le contexte visuel», explique Alan Schroeder, professeur de journalisme à l'université Northeastern. La tenue vestimentaire du politicien, les cadrages, tout est  soigneusement étudié. Quelques «happy few», journalistes télé notamment, ont droit à une interview. «Mais elles ne doivent pas être trop longues, précise le professeur, car plus le temps passe, plus le politicien aura tendance à dire une bêtise.» «Les directeurs de campagne ont peur du face-à-face», assure Matthew Dickinson, professeur de sciences politiques du Middlebury College. A la discussion spontanée, trop risquée, «on préférera le off, comme le pratiquait très bien le candidat John McCain en 2008.» Mais certains moments de la vie du candidat seront protégés. «Pas question de le suivre lorsqu'il rencontre des donateurs ou quand il se prépare pour le prochain débat télé", raconte Rick Edmonds, chercheur au Poynter Institute, une école de journalisme.

Impression de changement

Du point de vue des communicants, les reporters sont trop versatiles. «Il y a quatre ans, les journalistes préféraient Barack Obama», analyse l'expert en marketing Gil Peretz, auteur du livre Obama's Secrets. Le sénateur de Chicago apportait une bouffée d'air frais dans le paysage et il écrivait une page d'histoire en étant le premier Noir capable d'accéder à la Maison Blanche. «Mais le président a trop promis, poursuit Gil Peretz. Les media sont déçus, et ils favorisent aujourd'hui le candidat républicain dont les messages courts, souvent répétés, créent une impression de changement.»


Or cette impression est primordiale. D'où la tentation d'éliminer l'intermédiaire journaliste pour s'adresser directement aux électeurs. Le débat télévisuel est considéré comme l'outil le plus puissant de la campagne. Il est vu par près de 70 millions de spectateurs sur le petit écran, puis relayé par Facebook, Twitter, You Tube... Si l'on en croit les retombées du premier débat entre Barack Obama et Mitt Romney, l'intervention télé peut faire bouger les sondages de 4 à 6 points.


Le média télé domine toujours. Les grands réseaux nationaux ABC, NBC et CBS «touchent un public plus âgé, moins partisan», détaille Matthew Dickinson. La télé câblée en revanche s'adresse à des spectateurs plus jeunes et militants. «Fox News est connu pour ses penchants conservateurs, MSNBC se veut plus à gauche», constate le professeur du Middlebury College. La couverture faite par les blogs, Twitter ou Huffington Post par exemple est elle aussi «jeune et engagée», poursuit Matthew Dickinson.


Ce paysage médiatique élargi a fait naître de nouveaux besoins. La vérification des déclarations des uns et des autres est devenue un sport national. Et le journalisme citoyen, échappant aux appareils politiques, se développe. C'est ainsi qu'a été filmé sur un portable le fameux épisode des 47%, quand Mitt Romney décrivait en petit comité près de la moitié des électeurs américains en assistés ne payant pas d'impôts.

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