Assurance
Thomas Buberl, directeur général du groupe Axa, est aux commandes du géant de l’assurance depuis un an. Nouveau positionnement marketing, transformation, relation client… Tour d’horizon de ses principaux chantiers.

Vous venez de lancer votre nouvelle plateforme de marque, quel est l'objectif ?

Axa est, depuis 8 ans, la 1ère marque mondiale d’assurance. Notre marque est perçue comme celle d’un assureur fort, robuste et fiable. Mais tout notre positionnement marketing était très focalisé sur l’ancien monde, la stabilité. Une posture trop technique, moins humaine. Aujourd’hui, il s’agit de faire évoluer le leadership de la marque pour entrer en relation avec le client final, être plus transparent, plus simple. Nous voulons créer une marque connectée avec nos clients de manière innovante, et nous avons reformulé notre mission : « permettre à chacun de vivre une vie meilleure ».

Comment allez-vous donner ce nouvel élan à Axa ?

  Pour accompagner l’évolution de notre entreprise, et le passage de payeur (de factures) à partenaire, nous avons construit une nouvelle stratégie de marque avec trois axes : faire connaître Axa au-delà du secteur de l’assurance, promouvoir de nouvelles relations avec les clients, accroître la dimension humaine dans ce que nous sommes et ce que nous faisons. Notre plan pour renforcer le leadership de notre marque s’appuie avant tout sur l’interne : transformer le groupe en profondeur afin de modifier aussi la perception par les publics externes. Quel que soit le mode d'interaction, avec nos agents, conseillers de call center ou en ligne, il faut développer une relation où l’aspect humain sera plus important.

Quels sont les premiers signes de cette évolution ?

  Le premier élément visible de cette stratégie est le rafraîchissement de l’identité de marque avec une nouvelle identité visuelle qui va nous aider à faire connaître cette ambition. Le switch rouge (trait diagonal rouge), au coeur de notre identité de marque depuis 30 ans, va maintenant devenir l’élément visuel clé qui va cristalliser notre mission. Le switch sera déployé d’une manière complètement nouvelle, audacieuse et très visible dans toutes nos communications, avec un nouveau style d'image, un ton de voix, une identité sonore différente…. Illustration avec la dernière campagne TV lancée par Axa France, dans laquelle nous nous focalisons sur des solutions qui permettent aux entrepreneurs de poursuivre leur activité malgré une situation de crise.

 

Qu’est-ce que cela change dans la relation clients ?Les attentes des consommateurs ont évolué : les pratiques d’Amazon en matière de relation clients deviennent des standards, y compris dans un secteur formel, sophistiqué, comme l’assurance. Il faut supprimer tous les documents inutiles ou toute complexité injustifiée. La clé est d’être là où sont les clients : nous avons déjà lancé notre service client sur Facebook ou Twitter dans plusieurs entités. 56% des personnes interrogées préfèrent les messages plutôt que des appels du service client. D’ailleurs, Axa France a lancé Facebook Messenger l’année dernière et les résultats sont impressionnants : 81% des questions sur les réseaux sociaux proviennent de Messenger et nous avons réduit de 53% les commentaires négatifs sur la page Facebook Axa France. Notre dernière initiative, c’est le retour client transparent: nous publions en direct sur nos sites les réactions de nos clients par rapport à la gestion de leur sinistre. Et nous allons étendre ce dispositif à l’achat ou au renouvellement d’un contrat.

Comment réinventer le métier d’assureur ?

Nous allons continuer à favoriser l’émergence de nouvelles relations avec nos clients, au-delà du modèle d'assurance traditionnel. Le digital ce n’est pas une stratégie mais un moyen pour communiquer davantage, créer une relation plus humaine. Notre spectre d’activité va s’élargir : de la prévention au bien-être jusqu’à l’autonomie en fin de vie. Un bon exemple de cette évolution : ce que nous avons fait avec la téléconsultation médicale, disponible pour les clients 7 jours sur 7, 24h sur 24. Dans 80 % des cas, les problèmes sont réglés par téléphone et vidéo. La télémédecine est déjà lancée aux Etats-Unis, à Singapour, en Espagne et en France, et couvre 6 millions de personnes avec de très bons retours (95% des clients sont satisfaits). Notre ambition est de rendre disponible ce genre de services pour tous les clients d’Axa dans le monde. Nous réfléchissons à d’autres pistes pour mettre en place des couvertures très simples. La Blockchain peut nous aider à cela, par exemple pour assurer les retards d’avions. La Blockchain peut notamment permettre d‘indemniser immédiatement et directement, sans intervention humaine et dès l’atterrissage, un assuré dont l’avion s’est posé plus tard que prévu.

Les assureurs n’ont jamais été autant en contact avec leurs clients…

Oui, mais il ne s’agit pas juste de multiplier les relations, il faut créer des interactions qui ont du sens. Chaque année, 20 % de nos clients sont victimes de sinistres et eux sont très satisfaits de nos services. Mais, nous devons aussi être là pour les 80% d’entre eux qui n’ont pas de sinistre. Comment applique-t-on le «customer first» avec eux? Ils reçoivent leur facture en fin d’année avec parfois une augmentation. On doit s’adresser à eux, inventer de nouveaux services.

Est-ce qu’il y a un risque de désintermédiation dans l’assurance et de disparition des agents généraux?

Je ne crois pas du tout à la disparition des agents généraux. La relation avec le client final est de plus en plus hybride: une prise de contact digitale, qui se termine avec un conseiller. Le client arrive par Axa.fr et s’il veut parler avec un agent, par exemple pour évaluer ses besoins d‘assurance santé, on le met en relation. Ce mode hybride représente aujourd’hui 50 % du marché et il est en train de s’imposer. Axa doit être l’orchestrateur de la relation client mais l’agent joue un rôle très important. Il doit y avoir un apport mutuel, par exemple quand Axa travaille sur la data, l’intelligence artificielle… nous le partageons avec les agents généraux. Nous les intégrons dans cette révolution.

Comment Axa travaille avec les start-up ?

Nous nous appuyons sur l’Axa Lab, installé dans la Silicon Valley et à Shanghai et sur Axa Strategic Ventures qui a investi dans 26 start-up de la fintech/insurtech. Nous avons aussi Kamet, un start-up studio pour faire éclore des idées de business, de start-up. C’est dans ce studio qu’est développé un service de télémédecine très disruptif qui sera disponible pour les personnes très mobiles à l’international. Par ailleurs, une petite cellule planche aujourd’hui sur la santé et le bonheur au travail, le cyber-risque… Quand l’équipe parvient à un minimum viable product (produit de qualité suffisante), elle se structure et va développer le service, comme une start-up autonome, en partenariat avec Axa.

Les Gafa sont-ils des concurrents pour Axa ?

Beaucoup d’entreprises les voient comme les concurrents de demain, nous préférons les considérer comme des partenaires d’aujourd’hui. Si l’assurance n’est pas encore touchée par la plateformisation, cela va arriver. Les Gafa s’intéressent à certains segments de l’assurance, comme la santé. Nous travaillons aujourd‘hui avec trois des quatre Gafa et avec Alibaba.

Voiture connectée, maison connectée… en quoi l’IOT (internet des objets) révolutionne l’assurance ?

L’IOT va révolutionner l‘assurance si elle sert à améliorer la vie des clients, à la rendre plus facile. Si les objets ont juste un rôle de prof qui donne une punition au client de temps en temps, en lui disant par exemple, qu’il ne conduit pas bien, je n’y crois pas. Il peut y avoir des applications, par exemple, pour mieux mesurer le stress au bureau et travailler ensemble pour le réduire. Ou encore pour accompagner les personnes âgées. Chez Axa, nous planchons sur la maison connectée avec l’EPFL (Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne), qui travaille sur un bouton connecté à poser sur le frigo, qui avertit si les enfants sont bien rentrés à la maison. Les champs d'application sont sans limite !

En janvier dernier, la presse a évoqué le rachat de votre concurrent Generali par Axa...

Nous n’y avons jamais pensé. Aujourd’hui nous voulons créer une relation avec le client final, avec davantage de fréquence dans les contacts, transformer les réseaux d‘agents et développer de nouveaux services autour de la couverture d’assurance… En quoi le rachat d‘un grand acteur traditionnel nous ferait progresser dans ces domaines ?

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