L’association En Avant Toute(s) s’allie au tout nouveau studio de production MenuXL pour lancer la campagne de sensibilisation « Ceci n’est pas un message d’amour ». Celle-ci met en lumière l’emprise numérique, souvent ignorée, dans les relations amoureuses. Et ramène le sujet sur la table.

Certains messages peuvent en cacher d’autres. « Je te veux rien que pour moi », « Tu es à moi »… En première lecture et avec beaucoup de précaution, ces messages pourraient passer pour un élan d’affection mais en réalité ils peuvent vite se révéler toxiques. C’est en tout cas le propos défendu par l’association féministe inclusive En Avant Toute(s) qui lutte contre la fin des violences faites aux jeunes, femmes et LGBTQIA + dans un film intitulé « Ceci n’est pas un message d’amour ». À ses côtés, MenuXL, un tout nouveau studio de production hybride, fondé par quatre anciens d’agence : Lorraine Billot (BETC), Jim Tran (Fred & Farid), Robin Demoucron (Mediamonks) et Patrice Chatelus (Fred & Farid), est venu prêter main forte. « Via le bouche-à-oreille, l’association nous a interrogés au mois d’octobre pour un dispositif global prêt au mois de décembre. C’est court mais faisable, la preuve ! », introduit Lorraine Billot, cofondatrice de MenuXL.

Tourné comme un teaser de long-métrage, le film d’une minute trente suit une jeune femme, interprétée par Tracy Gotoas, nommée dans la catégorie jeune révélation aux Césars en 2023, dans sa vie de tous les jours. Très vite, le spectateur se rend compte d’un problème, elle est constamment dérangée par les vibrations de son portable. À l’autre bout du fil, « Babe < 3 » qu’on imagine être son partenaire. Il ne cesse de lui envoyer des messages, qui, au fur et à mesure de la journée, vont crescendo. En apparence passionnés, leurs contenus deviennent progressivement toxiques. Au point de venir s’incruster sur la chair de la protagoniste. Jusqu’à la crise d’angoisse de cette dernière. « Grâce à l’expertise de l’association, nous représentons trois types d’agresseurs dans ce film : le harceleur, le violent, et celui qui va isoler et rendre dépendant l’autre. D’autre part, l’actrice qui joue le rôle principal a l’air jeune, mais pas trop, elle est indépendante, à son compte. C’est volontaire car nous voulions montrer que ça peut arriver à tout le monde », rappelle à juste titre Lorraine Billot.

Une collecte de dons en décembre

Apeurée par son bourreau et son emprise, la protagoniste contacte l’association via son chat sur les réseaux sociaux et instantanément la pression retombe. « L’association dispose d’un chat intitulé "Comment on s’aime" sur les réseaux, donc très accessible et très largement utilisé par le jeune public pour y trouver l’aide qu’il recherche. En adéquation avec le positionnement de l’association et de sa très jeune audience, nous avons accompagné ce film digital d’un dispositif global social media. Nous avons donc fait appel à des influenceurs féministes mais aussi lifestyle et par conséquent plus grand public pour publier une succession de stories – des captures d’écran de messages – qui retranscrivent le cyberharcèlement. » Une fois la prévention faite, l’association rappelle que pour mener à bien sa mission de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la mobilisation via une levée de fonds sur leur site sera nécessaire. « Pour le moment et sans langue de bois, nous recevons uniquement des bonnes retombées. La collecte de dons continue sur tout le mois de décembre et le film est en train d’être présenté à des chaînes télé qui dans leur planning média laissent des places à des associations dans le but de mettre en avant leurs messages », informe la dirigeante.

Si cette exécution est parfaitement réalisée, le mérite revient également à deux autres femmes, artistes mais surtout militantes féministes. D’abord il y a Édith Chapin, réalisatrice de cinéma et de documentaires, qui a réalisé et co-écrit ce film. Aidée de la créatrice du compte de messages d’amour sous toutes ses formes @amours_solitaires, dont Stratégies avait dressé le portrait il y a quelques années, Morgane Ortin, également marraine de l’association. « Il n’y a pas eu besoin de convaincre les gens, ils se sont tous vite engagés sur ce projet. Après discussion, on se rend compte que tout le monde connaît quelqu’un qui a vécu ce type de relation malsaine », réalise Lorraine Billot. Visuellement, le film marque au fer rouge. Pourtant il a été tourné en une seule journée suivie d’une postproduction sur les chapeaux de roues avec une production d’affichages et d’autres déclinaisons, afin de faire tenir l’association toute l’année prochaine.

Sorti le 12 décembre avec une diffusion en avant-première au Silencio à Paris, le film a été suivi d’un débat permettant de décortiquer les processus de ces pièges. Si le sujet des violences conjugales est de plus en plus évoqué dans le débat public, il reste encore minoritaire et peu pris en charge. Pourtant, 1 femme sur 10 est victime de violences conjugales et 1 jeune femme sur 7. En effet, entre 2011 et 2018, 29% des victimes de violences conjugales étaient âgées entre 18 et 29 ans. Louise Delavier, cofondatrice d’En Avant Tout(e)s, exposait notamment lors de ce débat comment la pop culture influence la perception de l’amour chez les jeunes, dénonçant la romantisation de mécanismes violents telle que la jalousie. « Même si ce sujet n’est pas notre ligne éditoriale principale, nous sommes très contents d’engager notre société au service d’une cause avec un projet humain. Ce projet nous a également permis de rencontrer cette association et de contribuer à notre échelle au réveil des consciences », lance la cofondatrice. De quoi vraiment ramener sur le devant de la scène ce combat censé être la « grande cause » des deux quinquennats d’Emmanuel Macron.