Médecins du Monde dénonce le nettoyage social réalisé en vue des JO, en exécutant à la perfection un canular reproduisant des situations de harcèlement policier ou d’expulsion auprès des Parisiens.
« Des bus ont été affrétés pour faire partir de Paris des personnes sans domicile fixe, des migrants... Loin des yeux, loin des jeux… », introduit en préambule Guillaume Cotillard, directeur développement et communication de Médecins du Monde. Derrière le show promis par les Jeux olympiques de Paris 2024, se cache une réalité moins clinquante. Pourtant ce n’est malheureusement pas une nouveauté, comme le rappelle Guillaume Cotillard : « On parle de jeux inclusifs mais en réalité pas pour tout le monde. Ce sont des actions choquantes qui ont déjà eu lieu à l’occasion d’autres jeux comme à Atlanta ». Selon le rapport du collectif le Revers de la médaille, dont Médecins du Monde fait partie, les expulsions ont concerné 12 545 personnes entre avril 2023 et mai 2024. À un mois de l’ouverture des JO, l'ONG a tenu à se positionner comme une contre voix de cette communication des jeux inclusifs et choisi la satire pour alerter le grand public et interpeller les pouvoirs publics. Dans une courte vidéo réalisée par la société d’éco-production Polaire, diffusée sur les réseaux sociaux via le compte satirique Le Gorafi, on suit une fausse brigade du nettoyage social arpenter les rues de la capitale afin de faire « le ménage ». « Au départ, nous avions imaginé un micro trottoir, mais il fallait interpeller plus, d’où cette idée de prank » [caméra cachée], explique Guillaume Cotillard.
Mais n'est pas expert du « prank » qui veut. Ainsi lors d’une après-midi de mai, dans le quartier de Saint-Martin à Paris, quelques représentants de Médecins du Monde et de la production Polaire se sont répartis en plusieurs petits groupes, armés d’un talkie-walkie, en mode commando. Avec l’aide de deux comédiens recrutés pour l’occasion, habillés d’un uniforme, ils forment une fausse brigade et prennent à partie des citoyens lambdas. « Nous nous sommes retrouvés une seule fois, deux-trois jours avant le tournage, afin de prévoir des situations "types" à mettre dans la vidéo, c’est-à-dire demander aux propriétaires de chiens trop moches de partir de la ville, aux propriétaires de vélos, nous avons aussi joué sur les discriminations physiques… Après tout le reste est de l’ordre de l’improvisation pour les comédiens. C’était à la fois stressant et galvanisant, chaque situation demandait un jeu d’équilibriste pour ne pas risquer de se faire réprimander en retour », témoigne Lou Maraval, responsable digital de l'ONG. Ce fut d’ailleurs le cas d’une passante, qui en plein tournage, s’en est verbalement pris à la fausse brigade, choquée de leur démarche. « L’équipe Médecins du Monde l’a tout de suite rassurée. Nous avions l’occasion de réaliser un travail de sensibilisation directement auprès des citoyens et qu’ils deviennent eux-mêmes des relais. La femme en question a d’ailleurs commenté la vidéo quand elle est sortie et en est très fière », reprend Lou Maraval.
Pour la première fois, l’association a tenté une nouvelle approche en osant la communication coup de poing. Une stratégie qui semble fonctionner puisqu’à l’heure actuelle, la vidéo cumule près de 700 000 vues. « Nous sommes suivis par des personnes déjà convaincues par nos actions. Là, nous voulions toucher un maximum de personnes et surtout un public inhabituel. En collaborant avec Le Gorafi qui est connu pour son ton satirique et en choisissant de communiquer uniquement via le digital, nous essayons d’innover et de sortir des anciens codes », reprend la responsable digital. Si la vidéo un peu poil à gratter fait parler d’elle, en parallèle elle est accompagné d'un web documentaire plus sérieux autour de ce sujet. « On espère que cette vidéo va continuer à tourner et que les gens vont s’engager, il y a trop de personnes qui vivent dans des situations précaires. Notre démarche va bien au-delà des JO », rappelle Guillaume Cotillard.