Consommation
L'abonnement est loin d'être aux abonnés absents, il concerne même de plus en plus de secteurs. Mais pour s'étendre encore, il doit se redéfinir et intégrer le paiement à l'usage.

«Rien ne sert de posséder, il faut user à point.» Tel pourrait être le leitmotiv des nouveaux consommateurs si l'on en croit l'étude Ifop réalisée pour Zuora, éditeur de logiciels de gestion de paiement à l'usage. Selon ce sondage, un Français sur deux souhaite consommer davantage par abonnement dans l'année à venir. Et 73% d'entre eux estiment que ce mode de consommation va se développer à l'avenir.

 

Une surprise? Pas vraiment. La tendance n'est pas complètement nouvelle. Ce qui change, c'est qu'elle émerge dans toujours plus de secteurs. Entre le succès des Autolib, le lancement d'Auchan dans les courses par abonnements, l'extension en France du programme d'abonnement Amazon Mum du géant de l'e-commerce, la location de matériel Apple par la Fnac, l'arrivée imminente de Netflix dans la vidéo à la demande… l'abonnement est décidément partout. Pour l'automobile, «les fabricants réfléchissent de plus en plus à ce type de consommation pour contrer la morosité du marché», indique Philippe Jourdan, fondateur du cabinet Promise Consulting, spécialisé dans la stratégie marketing.

 

Avant de passer à la caisse, abonnez-vous! Ainsi le distributeur d'électroménager et de produits high-tech Darty qui, en lançant son «bouton» d'assistance connectée, propose par ce moyen un système de service après-vente via abonnement. «Sans oublier le potentiel que revêt le marché des objets connectés en termes de services et d'abonnement associés», note Philippe Van Hove, directeur général de l'Europe du Sud pour Zuora. 

 

Payer seulement pour l'utilisation

 

«On observe une tendance globale pour les consommateurs, de passer d'un système de possession à un système d'usage, de location ou d'abonnement, décrit Philippe Jourdan. Demain, tous abonnés? Pas sûr. Le climat économique, dont une baisse sensible du pouvoir d'achat depuis trois ans, favorise l'étalement des dépenses et donc les systèmes d'abonnement.

 

Mais, pour autant, le tout abonnement pourrait avoir des limites. «La perception du pouvoir d'achat dépend de la proportion des dépenses contraintes», explique Philippe Jourdan. Selon l'Insee, depuis dix ans, le pouvoir d'achat a en fait augmenté. Mais les Français pensent le contraire. En réalité, ce sont les dépenses contraintes qui ont augmenté, et parmi elles… les abonnements. Du coup en fin de mois, il ne reste que peu d'argent pour se faire plaisir. D'où cette «impression» de baisse du pouvoir d'achat.

 

Toutefois, un autre facteur rentre en ligne de compte. «Le consommateur se demande s'il est pertinent de posséder autant pour utiliser si peu», poursuit le consultant. Car plus que l'abonnement, c'est le paiement à l'usage qui se développe. Et dans tous les secteurs. Selon l'étude Ifop, les voyages sont en tête, avec 58% des sondés qui pourraient en user, suivis des téléphones portables (55%), du matériel informatique (51%), des jouets (43%), des accessoires de mode (41%) et des vêtements de grandes marques (38%). Les cosmétiques? Pour l'instant, seul le «tryvertising» - pratique qui consiste à s'abonner à des box mensuelles avec des produits au format voyage, pour les découvrir, comme Birchbox - a réussi à percer. «En ce qui concerne l'abonnement dans le secteur du luxe, je suis sceptique», précise Philippe Jourdan. L'acte d'achat faisant partie lui-même du produit. Aujourd'hui, le luxe, c'est la possession. Pour le reste, le consommateur ne veut payer que ce qu'il utilise.

 

«Dans le domaine des produits high-tech, avec le renouvellement récurrent des technologies, ce type de consommation est particulièrement adapté», analyse Philippe Jourdan. Rien ne sert de posséder une tablette qui sera obsolète dans quelques mois. Ainsi, si le principe du paiement régulier revient plus cher au final, il permet de ne payer que pour l'utilisation réelle du produit. Idem dans les médias, où le paiement à l'article dans un panel de plusieurs titres se développe, à l'image du groupe News UK (The Times, The Sun, The Sunday Times…) pour lequel Zuora a mis en place sa solution.

 

Des organisations qui doivent évoluer

 

La notion d'abonnement change. Auparavant synonyme d'enfermement - c'était l'argument de Free pour son irruption dans le marché des mobiles -, il faut désormais voir l'abonnement comme un concept de paiement à l'utilisation. S'abonner revient à donner ses coordonnées bancaires, puis user quand on en a envie du produit, pour être facturé en proportion de manière automatique. «Le consommateur ne veut plus payer pour ce qu'il n'utilise pas», prévient Philippe Jourdan. Les forfaits illimités auraient-ils des limites? Pas s'il reste avantageux, bien sûr. D'autant plus que le paiement totalement personnalisé est parfois complexe à mettre en œuvre

 

Mais le marché est-il prêt? «Du côté des entreprises, l'abonnement demande une qualité de service irréprochable, mais surtout des moyens de résiliation extrêmement simplifié», prévient Philippe Jourdan. L'abonné revêt l'apparat du consommateur idéal. Fidélisé au maximum, il assure à l'entreprise un chiffre d'affaires minimum. D'autant plus intéressant dans une financiarisation extrême de l'économie, où les actionnaires veulent un futur concret. «Mais fidéliser un consommateur ne veut pas dire l'empêcher de partir», assure Philippe Jourdan.

 

Et sur ce point, les organisations doivent encore changer leur mentalité. «Plutôt que de lui compliquer les démarches de résiliation, autant donner au client les bonnes raisons de rester», explique le consultant. Sur le site d'information Mediapart, l'abonnement s'effectue en un clic. Il faut envoyer une lettre pour le service de Pass Location de la Fnac et pour le résilier, et supprimer l'abonnement oblige à payer trois mois de location. Doit-on citer les assurances? Un frein absolu pour certaines personnes. La loi Chatel auparavant, puis la loi Hamon sur la consommation plus récemment ont facilité les démarches de résiliation. Netflix et Auchan également. Pour leur service, le désengagement se fait en un clic. «Suspendre, prolonger, modifier son abonnement simplement. Voilà les solutions qu'il faut mettre en place», conseille Philippe Van Hove. Une nouvelle manière de penser pour les entreprises, pour qui les systèmes de facturation n'étaient pas orientées consommateurs, mais découlaient des problématiques logistiques qui leur étaient propres.

 

Philippe Van Hove, directeur Europe du Sud pour Zuora :

«Le paiement à l'usage pose une question au niveau de la gestion des données»

 

 

Existe-t-il des contraintes techniques à la mise en place de la consommation par abonnement?

Philippe Van Hove. Mettre en place un nouveau système de consommation où le client contrôle ses usages pose un problème de gestion des données. Suivre les flux logistiques et la facturation sont beaucoup plus complexes à mettre en œuvre. La facturation, par exemple, doit se faire par mois, par trimestre ou même de façon totalement personnalisée. Elle doit prendre en compte tous les supports sur lesquels la commande a été faite. Le prix lui-même devient personnalisé. Cela demande une très grande réactivité.


En quoi est-ce une contrainte par rapport à ce qui se faisait avant?

P.V.H. Adaptés aux grosses industries manufacturières et orientés fabricants, les logiciels de gestion informatique, comme Oracle ou SAP, sont très lourds à mettre en place. Ils sont aussi très chers, pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros. Avec la consommation à l'usage, nous ne sommes plus dans le modèle classique, mais orientés consommateurs. Créée en 2007, Zuora fonctionne aussi par abonnement, en mode Saas (Software as a service), c'est-à-dire que notre logiciel est en ligne et que les entreprises n'ont qu'à se connecter sur les serveurs pour l'utiliser.

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