Star des podcasts historiques de France Inter et en tête des ventes avec Le Barman du Ritz, ce dandy raconte Pétain, Blum, Céline ou Beauvoir.
Il est 14 h 30. Philippe Collin pose son sandwich du jour pour découvrir la pleine page que Le Monde vient de consacrer au Barman du Ritz (Albin Michel), n° 1 des ventes de livres : « Imaginez faire un premier roman à 49 ans… J’avais juste l’espoir que ça marche un peu pour pouvoir continuer. Là, c’est l’accomplissement d’un rêve d’enfance ». Et ce dandy au veston gris impeccablement cintré en a plein la tête, des rêves. Et l’obsession de leur donner vie. Il s’installe dans cette salle de réunion de Radio France pour se raconter… Plus adaptée que son petit bureau partagé où il s’en voudrait de gêner deux des six personnes de son équipe qui travaillent à plein temps sur ses podcasts Face à l’Histoire. Ils ont commencé à trois, quand en 2021 Laurence Bloch, alors dirigeante de France Inter, lui propose de faire des podcasts d’histoire natifs et de commencer à l’occasion du partenariat avec La Villette de l’exposition Napoléon.
Fini l’antenne en linéaire qu’il a déclinée pendant vingt ans sur France Inter tantôt en quotidienne (à 18 heures pendant trois ans pour l’émission culturelle d’une heure) ou en hebdo (L’œil du Tigre, sur la culture du sport, ou Si l’Amérique m’était contée). Il a dit oui à l’histoire sur l’instant. Rien ne peut différer l’envie du récit pour ce bavard impénitent qui, une fois lancé, en oublie instantanément son sandwich et sa bouteille d’eau. « Des animateurs maison sont venus me voir pour me proposer de monter au créneau pour me défendre avant d’apprendre que c’était mon souhait. Je me suis dit : "il y a un coup à jouer" », affirme-t-il. Il pose les bases de son projet : « du savoir savant, de l’émotion et du romanesque en étant le plus rigoureux et honnête possible », poursuit Philippe Collin. Trois ans plus tard ses Face à l’histoire ultra-documentés de 7 à 10 heures sur des personnalités singulières, de Cléopâtre à Céline, éclairées sans manichéisme par les lumières de spécialistes et surtout d’historiens, affichent 21 millions de téléchargements. Le trio de tête des audiences ? Léon Blum, son préféré, devant Philippe Pétain et Simone de Beauvoir.
Toujours en ébullition, il a tiré de son Pétain, de son Blum et prochainement des Résistantes, des livres chez Albin Michel. L’illustre socialiste de la Troisième République fera l’objet d’un documentaire de 195 minutes qu’il a coréalisé avec Florence Platarets (diffusion à la rentrée sur France 5). Et il lui dédie un événement théâtral participatif de dix heures qu’il a déjà représenté dans quatre villes en France, jouant le rôle du narrateur d’un spectacle incarné par Charles Berling « C’est comme un défi. On a inventé un récit et un moment de vie partagé avec un spectacle scandé par un débat avec des historiens, un bal populaire et un banquet républicain où tout le monde se parle » assure fièrement celui qui savoure l'idée de partager ses passions avec ses contemporains. Il a rassemblé récemment 800 personnes et verra sept prochaines sessions à la rentrée dont une au studio 104 de la Maison de la Radio. « J’adore ma vie… même si j’ai mes tracas », lâche-t-il presque honteusement.
Milieu modeste
De quoi réjouir l’enfant de la presqu’île de Crozon, issu d’un « milieu modeste avec une mère auxiliaire de puériculture et un père sous-officier dans les sous-marins », dit-il. Il est devenu « un homme qui garde sa part de mystère mais indéniablement cultivé, humain, perspicace, modeste, ancré et très drôle. Il a trouvé la bonne synthèse entre sa classe sociale modeste et sa réussite professionnelle », détaille son ami depuis 25 ans Vincent Meslet, futur numéro 2 de Radio France.
« Dès 8 ans, en mémoire de mes deux grands-pères ex-prisonniers de guerre trop peu connus, j’ai cherché à réinventer leur vie ». Se forge ainsi le tropisme de sa vie : « créer du lien entre ceux qui sont morts et ceux qui sont vivants ». Après une maîtrise d’Histoire à Brest sur l’épuration, il gagne Paris pour gagner sa vie et sollicite le journaliste Gérard Lefort, qu’il avait rencontré lors d’un festival du court-métrage brestois où il est bénévole. Il entre comme stagiaire à France Inter le 28 août 1999. Frédéric Bonnaud, Jean-Luc Hees, Jean-Paul Cluzel, Frédéric Schlesinger, Bernard Chérèze et enfin Laurence Bloch propulsent tour à tour celui qui ne voulait surtout pas faire d’antenne, en radio comme en télé. Et le voilà suractif, toujours, et souvent dans le succès. Quand débranche-t-il ? Celui qui partage la vie de la journaliste Sonia Devillers, de France Inter, sourit quand on l’interroge à ce sujet : « C’est LA question. Ça doit parler de mes angoisses de vie et de mort ». Il se projette alors écrivant face à la mer dans dix ans et décrochant son doctorat en histoire. Le sandwich attend toujours…
Parcours
1999. Entre à France Inter grâce à Gérard Lefort et devient chroniqueur en 2002 chez Frédéric Bonnaud.
2005. Anime Comme un Ouragan puis « Panique au Mangin » pendant cinq ans.
2012-2018. Conçoit avec Xavier Mauduit et Frédéric Bonnaud l’émission culturelle d’Arte Personne ne bouge.
2019-2020. Écrit les scenarii des BD Le Voyage de Marcel Grob (Prix Historia) et La Patrie des frères Werner.
2021. Premier podcast Face à l’Histoire, dédié à Napoléon (9x50 mn).
2024. Sortie de son roman Le Barman du Ritz (Albin Michel).