Nouvelles technologies
Réalité virtuelle, transaction bancaire, automobile ou encore e-commerce, les domaines d’application de l’haptique, la science du toucher, sont multiples. Cette technologie émergente pourrait rapidement venir compléter la vue ou l'ouïe dans les interactions homme-machine.

«Vous tenez un verre vide dans la main, vous regardez sur un écran d’ordinateur une bouteille d’eau le remplir et vous sentez dans votre main que votre verre se remplit…» Cette expérience décrite par Gilles Meyer, PDG de la start-up française Actronika, spécialisée dans l’haptique (science du toucher), nous apparaît très prospective, voire futuriste. Et pourtant, comme Actronika, quelques entreprises se spécialisent dans la technologie du toucher, et les premières applications se révèlent très prometteuses.

D’ailleurs, nous utilisons l’haptique au quotidien notamment dans notre mode d’interaction avec les écrans tactiles de nos téléphones portables, lorsque nous recevons un message ou un appel, via une vibration. Mais demain, le toucher va compléter le son et le visuel dans de nombreuses situations, notamment dans les environnements virtuels et augmentés en plein essor. «Les technologies haptiques sont la prochaine frontière à franchir maintenant que les transducteurs acoustiques et les écrans graphiques ont atteint leur développement asymptotique», entrevoit le professeur Vincent Hayward, père de l’haptique et fondateur d’Actronika.

Des marchés prioritaires

Les applications possibles de cette nouvelle technologie sont quasiment infinies. Sa démocratisation passera sans doute par le jeu vidéo et le divertissement en général, mais également par l’univers de l’érotique et des objets de plaisir. Cependant, certains marchés sont identifiés comme prioritaires. À l’instar du service aux personnes malvoyantes, qui ont été automatiquement exclues du marché des smartphones sans clavier et des tablettes.

«Les différents appareils existants comportent des lacunes quant aux modalités d’interaction, aujourd’hui essentiellement basée sur l’audio ou l’image. Or, dans un grand nombre de situations, on ne peut pas regarder l'écran», déplore Cédrick Chappaz, PDG fondateur d’Hap 2U, jeune société française spécialisée dans l’haptisation des écrans. Autre exemple parlant, celui de l’automobile. L'écran central sur les tableaux de bord, qui permet de contrôler toutes les fonctionnalités du véhicule (climatisation, GPS, multimédia…), n’est pas pratique pour le conducteur qui doit regarder la route devant lui. «Cette situation illustre l’urgence d’apporter une troisième dimension, celle du toucher, afin de faciliter la communication entre l’utilisateur et les écrans tactiles», ajoute l’ingénieur.

Augmenter par le toucher

Le fait de pouvoir promouvoir un objet par le toucher présage aussi d’importantes opportunités dans les secteurs du commerce et du marketing en ligne. «On parle de réalité augmentée pour évoquer la superposition d’éléments visuels sur la réalité, mais la réalité peut également être augmentée par le toucher», assure Gilles Meyer. Dès lors, il est permis d’imaginer la possibilité de tester, d'appréhender les différentes textures d’un produit, sa matière, depuis chez soi, avant de le choisir et de l’acheter en ligne. À cet égard, Actronika développe actuellement «un boîtier qui intègre sa plateforme, destiné à être porté comme une montre bracelet. Lorsque le porteur regarde l'objet à l'aide de la camera de son téléphone, il peut superposer différentes enveloppes de montres et ressentir l’objet autour de son poignet, le tic-tac des aiguilles...», décrit Gilles Meyer. 

Une autre force du sens du toucher est d’être beaucoup plus personnel et donc confidentiel. Utile dans les situations de partage d’informations. «Plusieurs milliards de dollars sont chaque année détournés parce que les fraudeurs parviennent à récupérer les codes de cartes bancaires avec des caméras. Si demain les codes secrets n'étaient plus visuels mais tactiles, ils seraient plus difficilement détournables car uniquement perçus par l'utilisateur et son interface», prévoit Cédrick Chappaz, qui envisage d’utiliser la technologie d’Hap2U pour coder l’information. «On pourra sélectionner non pas des chiffres de 1 à 9, mais des textures préalablement définies par l’utilisateur.» En somme, un alphabet réinventé, et une nouvelle manière de récupérer des données.

Un savoir-faire français

L’écosystème de l’haptique en France est en plein essor, notamment grâce à l’implication du professeur Hayward. L'Hexagone est probablement le pays le plus avancé avec les États-Unis dans ce domaine, aussi bien du coté des fournisseurs de technologie et de savoir-faire tels qu'Actronika ou Hapt 2U, que des intégrateurs, par exemple dans le secteur automobile (Valeo ou Peugeot). Parallèlement, les géants des nouvelles technologies ont entamé des recherches en ce sens. «Google, pour son Daydream, ou Facebook, pour son Oculus, se positionnent. Mais leur approche est plus académique: ils cherchent un peu tous azimuts pour, d’ici trois à cinq ans, apporter une solution vraiment révolutionnaire», affirme Gilles Meyer. De son côté, Apple a déjà commencé à incorporer des fonctions haptiques à ses appareils. Sur l’Iphone 7, le bouton principal est haptique, c’est-à-dire qu’il détecte la présence et la pression du doigt de l’utilisateur et lui fait ressentir une micro-vibration à la place d'un clic physique. 

«Tous ces géants viennent régulièrement rencontrer les start-up françaises, confie Gilles Meyer. Nous savons pertinemment que lorsqu’ils auront vraiment compris où intégrer telle ou telle brique technologique, ils rachèteront les entreprises les plus prometteuses. Du reste, ce sera bien la qualité de la technologie qui prévaudra et non le modèle économique ou le chiffre d’affaires.»

Des technologies différentes

Le marché de l’haptique est composé de plusieurs strates technologiques. La «strate basse» correspond à une technologie plus ancienne, vieille de plus de dix ans, que l’on trouve dans les supports tactiles. Il s’agit d’un marché important, très représenté en Chine et au Royaume-Uni, mais ces «actionneurs excentriques» n’ont qu’une seule capacité de restitution: la vibration. La deuxième strate est composée des nouveaux entrants et elle est représentée par trois technologies différentes: les actionneurs voice-coil, les actionneurs polymères et les actionneurs piézoélectriques.

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