Event
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à produire de grandes manifestations thématiques récurrentes, à la croisée d’enjeux professionnels et publics. Un nouveau territoire de communication.

Comment toucher ses cibles business tout en parlant de grands sujets sociétaux? Comment fédérer ses forces internes et occuper massivement les réseaux sociaux? Comment promouvoir sa propre marque en s’affranchissant de toute posture commerciale? La réponse tient en deux mots: «événement propriétaire». Les entreprises sont en effet de plus en plus nombreuses à produire de grandes manifestations thématiques récurrentes, à la croisée d’enjeux professionnels, ouvertes à un public élargi et largement relayées par les médias.

Pour les marques, il s’agit de préempter un territoire de communication, de s’installer dans la durée comme les porte-drapeaux légitimes de grands sujets collectifs, professionnels ou grand public. La mobilité durable pour Michelin et son «Challenge Bibendum», les avancées technologiques pour Microsoft et ses «Tech Days», l’innovation pour Orange et son «Show Hello», la santé pour Go Sport et son «Running tour», la convivialité pour Michel & Augustin avec ses «Nuits à la belle étoile», ou encore la qualité de vie pour Sodexo, qui a lancé à New York la première édition de sa «Quality of Life Conference».

Dynamique d’innovation

«Un événement propriétaire, c’est une véritable expérience de marque, une démarche dans la durée», remarque Claire Dorland-Clauzel, directeur des marques et des relations extérieures du Groupe Michelin, membre du comité exécutif. Le leader mondial du pneumatique fait ici figure de pionnier. Son premier Challenge Bibendum date de 1998. Depuis, le groupe remet le couvert à peu près tous les deux ans, dans une grande métropole de la planète.

La dernière édition a eu lieu en novembre 2014 à Chengdu, en Chine: 6 000 professionnels de 80 pays et 10 000 visiteurs lors des sessions ouvertes au grand public sont venus écouter des conférenciers parler de mobilité durable. «Nous mesurons le succès d’un événement à l’impact produit auprès des autorités publiques, au nombre de portes qui s’ouvrent, de rendez-vous qui se prennent, de grandes villes qui nous contactent pour connaître nos recommandations en matière de développement durable», souligne Claire Dorland-Clauzel.

Pour Orange, l’enjeu était différent. Au début des années 2010, les indicateurs barométriques mesurant l’image de la marque pointent un certain déficit sur le champ de l’innovation, tout spécialement en France. Pour le groupe, dont la force de frappe R & D interne compte près de 4 000 ingénieurs et chercheurs, il faut vite redresser la barre. Et frapper fort. Déjà très présent sur les espaces publicitaires, Orange va choisir un autre terrain d’expression. Ce sera le Show Hello, un rendez-vous annuel dédié aux nouveaux usages de communication concocté avec le groupe Havas.

Esprit keynote

Dès la première édition en 2012, Orange affiche la couleur, s’inspirant de manière assumée des légendaires keynotes des gourous de Silicon Valley. Et c’est Stéphane Richard, le big boss, qui s’y colle: le matin devant les clients, partenaires, journalistes et leaders d’opinion, l’après-midi devant l’interne. «En trois ans, le Show Hello a ainsi accueilli 5 600 personnes: 3 000 invités extérieurs et 2 600 collaborateurs. Il a permis d’installer durablement la marque dans les bons attributs d’image et de créer une vraie dynamique d’innovation en interne», précise Béatrice Mandine, directrice exécutive en communication et marque d’Orange.

Suivez le leader

Le succès d’un événement propriétaire se mesure également par sa capacité à être perçu, et attendu, comme un événement incontournable pour tout un marché. Avec près de 18 000 visiteurs sur trois jours, les «Tech Days» de Microsoft sont sans doute le plus gros événement propriétaire du secteur informatique en Europe. «C’est devenu une marque à part entière», insiste Sébastien Imbert, directeur marketing digital de Microsoft. Avec les Tech Days, Microsoft s’est imposé comme un laboratoire open source d’innovation. «Nous provisionnons chaque année 10 à 15% du budget média de chaque événement pour financer une, deux ou trois innovations, dont l’ensemble du marché pourra ensuite bénéficier», lance Sébastien Imbert, directeur marketing digital de Microsoft.

Mais cette portée quasi-générique ne risque-t-elle pas de profiter aux entreprises concurrentes? Quand Orange investit des millions d’euros pour promouvoir la 4G, le cloud, la fibre ou le NFC, n’est-ce pas «tout bénéf» pour SFR ou Bouygues Télécom? C’est là la rançon du leadership, répond Béatrice Mandine. «Il appartient au leader du marché d’ouvrir la voie. Après, que la concurrence suive, c’est assez normal.»

Caisses de résonance

Les événements propriétaires sont aussi pour les marques de formidables caisses de résonance médiatique. En Chine, Michelin a fait venir 650  journalistes de 40 pays. À la clé : 1 500 retombées média et près de 100 millions de contacts exposés. Chaque Show Hello accueille près de 200 professionnels de l’information. L’opérateur a également produit sa propre émission TV de 90 minutes, animée par Patrick Chêne et diffusée sur la plateforme vidéo Dailymotion. Propriété de l’opérateur, elle permet ainsi de relayer la portée de l’événement au-delà du lieu de la manifestation. En 2014, plus de 40000 internautes y ont suivi l’événement en direct et plus de 50000 en replay. «D’une année sur l’autre, nous gagnons en viralité: 2100 tweets en 2012, 5600 en 2013 et 11000 en 2014», précise Béatrice Mandine.

Du coup, les entreprises peuvent consacrer plusieurs millions d’euros par an à ces grands symposiums. «La récurrence est vertueuse. Nous avons progressivement appris à diminuer le budget de l’opération», remarque Béatrice Mandine. Même constat chez Microsoft : «La première édition des Tech Days en 2007 reposait sur 75 lignes budgétaires. En 2015, il n’y en a plus qu’une seule», note Sébastien Imbert. En 2006, l’éditeur informatique organisait en effet plus de 800 événements en France, générés de manière totalement indépendante, sans que la marque puisse réellement capitaliser sur la relation avec ses clients et prospects. En moins de dix ans, l’entreprise a diminué de 90% le nombre de ses événements. Elle peut désormais mesurer le ROI de sa communication événementielle.



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