Digital
La télévision connectée s’installe discrètement dans les salons. Plus qu’une révolution d’usage, c’est une guerre économique qui se prépare, où les chaînes traditionnelles vont devoir compter avec de nouveaux acteurs, constructeurs et opérateurs Internet en tête.

Les Français sont déjà connectés... mais ne le savent pas! Selon Médiamétrie, plus de 11 millions d'appareils connectables à internet sont déjà installés dans les foyers, dont 2 millions de téléviseurs «Smart TV». Le gros est composé par les box ADSL. Aujourd'hui, selon LG, seuls la moitié des acheteurs de téléviseurs connectés ont pris l'effort de relier leur appareil à la toile. Avec le temps et le développement des offres, le geste va se multiplier.

Du coup, la consommation passive de la télévision va peu à peu s'enrichir d'un usage plus actif. Muni de sa télécommande, le téléspectateur prendra l'habitude d'aller fouiner sur les portails disponibles. «A ce jour, sur nos appareils, les contenus les plus recherchés sont les vidéos, indiquait Alexandre Fourmond, directeur marketing de LG France, le 22 février lors d'un colloque organisé par Médiamétrie. Nous sommes également surpris par l'écoute de la radio. A nous aussi de créer de nouveau usages, notamment dans le domaine de la domotique.»

En revanche, pour connaître l'audience de ce nouveau comportement, il faudra patienter, au mieux jusqu'en 2014. Médiamétrie devrait, en fin d'année, donner des indications grâce à la technique du «water marking» qui tague les programmes.

Avec la télévision connectée, les constructeurs se muent en intégrateurs et ont développé leurs portails proposant divers services, si possible exclusifs... voire payants. Sony, dont l'ensemble des téléviseurs commercialisés depuis début mars sont connectables, a équipé ses télécommandes d'un bouton central pour accéder directement à la page «Sony Entertainment network».

Le téléspectateur peut y retrouver des «applications» similaires à celles disponibles sur les supports mobiles, par exemple pour accéder à You Tube ou à Facebook. Mais Sony a également développé sa plateforme de vidéos à la demande, avec six millions de titres de musique, des films, des jeux, et l'accès à Skype. «Cela nous permet de valoriser les contenus de nos “cousins”, comme Sony Pictures et Sony music», précise Stéphane Curtelin, responsable marketing pour la division Home Entertainment chez Sony.

Le constructeur devient en fait plus qu'un intégrateur, dès lors qu'il propose des contenus exclusifs via des partenariats. Panasonic s'est associé à Eurosport et Arte, Samsung avec TF1, Sony avec M6 Replay et l'orchestre philharmonique de Berlin...

Car de nouveaux usages se confirment sur la télévision connectable: «M6 Replay, You Tube et la vidéo à la demande sont les services qui ont le plus de succès, ce qui montre que l'utilisateur regarde la télévision de manière de plus en plus délinéarisée», confirme Stéphane Curtelin.

De quoi conforter les chaînes... un peu. Car les opérateurs craignent aussi l'arrivée de nouveaux acteurs et régies qui viendraient grignoter le gâteau publicitaire. C'est le cas des constructeurs de téléviseurs qui, comme LG, ne cachent pas l'envie de créer sa régie commerciale, et des géants de l'internet, tels Apple, Yahoo, ou Google. «Les opérateurs du Web ont la capacité de créer des deals transnationaux. Cela va créer de la disruption dans le paysage média», affirmait récemment Jean-Charles Decaux, co-directeur général du groupe éponyme, lors d'une table ronde de l'Udecam.

Les chaînes mettent en avant une nouvelle concurrence qui n'aura pas les mêmes obligations, notamment en termes de financement d'œuvres audiovisuelles. «C'est un problème, et on va au clash si rien n'est fait», estime Rodolphe Belmer, directeur général de Canal+. Les retombées économiques de la télévision connectée débordent largement de son petit écran.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.