L'entretien réalisé tous les ans à date fixe avec son manager est-il encore adapté dans des entreprises au reporting mensuel, voire hebdomadaire ? Il peut être modernisé et devenir utile. Quelques pistes peuvent fournir un bon moyen d'engager la transformation.
L’étude Deloitte sur les tendances RH en parlait déjà il y a cinq ans : 95% des managers ne sont pas satisfaits du système d’entretien annuel. Entre 60 et 70% des employés considèrent que c’est une perte de temps et sept responsables RH sur dix le jugent inefficace. Souvent caricaturé en pensum administratif imposé par « les RH », l’entretien annuel mobilise ainsi à contre-coeur de nombreux managers et salariés. Selon les experts que nous avons interrogés, il est pourtant possible de le moderniser pour en faire un outil au service de l’efficacité et de la réalisation d’objectifs partagés.
1 / SIMPLIFIER LA PROCÉDURE. Il faut d’abord sortir du tunnel de questions sans fin… Chez Celio, la modernisation des procédures a permis de faire fondre l'entretien. Au lieu de 65 questions, allant de l’entretien annuel à l’entretien professionnel en passant par le suivi des cadres en forfait jour, l’entretien ne compte plus que… 25 questions. « Elles ont aussi été simplifiées afin de favoriser les échanges et de donner plus d'autonomie au manager », explique David Rodrigues, human resources and recruitment business partner de l’enseigne de prêt-à-porter.
2/ ANTICIPER PAR LA DONNÉE. Chez Drieux-Combaluzier, spécialisé dans l’installation et l’entretien d’ascenseurs, le DRH Emmanuel Boulay a choisi de passer du papier à la solution de Javelo : « Nous avons pu reproduire le formulaire que nous utilisons déjà, mais avec des améliorations comme un menu déroulant proposant les différents libellés de notre catalogue de formation. » Plus faciles à organiser et à suivre, les campagnes d’entretiens débouchent aussi sur des résultats plus concrets : « En croisant les données, il est beaucoup plus facile de repérer les salariés qui souhaitent évoluer vers un poste qui sera bientôt libre. Et le responsable saura à quelle échéance ils souhaitent évoluer : court, moyen ou long terme. Il devient possible d’organiser rapidement un entretien avec la personne souhaitant évoluer et d’organiser son évolution professionnelle. » Chez Celio, l’adoption de la solution proposée par ZestMeUp a aussi eu des répercussions positives : « L'interface est plus simple et nous avons réduit les coûts de moitié ainsi que le temps de préparation des campagnes », explique David Rodrigues.
3/ GARDER LE CONTACT DIRECT. La digitalisation ne doit pas pour autant se substituer aux échanges. Les fournisseurs d’applications soulignent eux-mêmes l’importance de l’échange entre managers et salariés : « La digitalisation ne remplace pas l'entretien, je dirais plutôt qu'elle le facilite, le ritualise et qu'elle permet de se concentrer sur l'essentiel : l'humain en déployant dans toute l'organisation les bonnes pratiques », explique ainsi Fanny Dana, responsable de l’équipe Customer Success de ZestMeUp.
4/ BIEN PRÉPARER L'ENTRETIEN. L’outil peut aider les participants mais ne fait pas tout. La réussite passe principalement par une bonne préparation ! « Nous préconisons que chacun, manager et salarié, prépare l'entretien en amont, souligne Anne-Sophie Clément, CEO de Javelo. Il arrive souvent que les managers arrivent à l'entretien sans l'avoir préparé. C'est comme un coup d'épée dans l'eau. Il devient alors très difficile de mettre en place le plan d'action nécessaire au développement du salarié et à la progression de sa performance. »
5/ SE CENTRER SUR LE COLLABORATEUR. La conduite de l’entretien revêt évidemment une importance capitale. Pour Anne-Sophie Clément, de Javelo, le plus simple consiste à adopter un déroulement en trois étapes : « Il faut d'abord faire un retour sur l'année écoulée en donnant la parole au collaborateur car c'est un moment anxiogène pour lui, puis explorer ses envies et ses motivations et cerner ses objectifs, enfin voir comment le manager et l'entreprise peuvent l'aider à atteindre ces objectifs : cela peut passer par une formation à la prise de parole ou un autre type de formation. »
6/ ASSURER UN VRAI SUIVI. Si réussi soit-il, un entretien annuel doit se poursuivre avec un « vrai » suivi. « Pour que les collaborateurs se sentent mieux pris en compte et concernés, il faut que les managers s'investissent sur les points de suivi, souligne Anne-Sophie Clément. C'est aussi un facteur qui favorise la mobilité interne et réduit du même coup le turnover. L'un des points les plus importants pour les managers, c'est de comprendre qu'une évaluation mal faite rend le suivi des objectifs inopérant. »
7/ RENDRE LES POINTS D'ÉTAPE PLUS FRÉQUENTS. L’entretien classique reste annuel mais cela n'empêche pas des rendez-vous plus fréquents. En changeant d’outil, Celio a choisi de porter à trois fois par an la périodicité des échanges entre managers et salariés. Mais il est possible d’aller bien plus loin, rappelle Fanny Dana : « Idéalement, il est recommandé de déployer, en complément des entretiens annuels, la pratique de points mensuels avec un format de trame courte autour de cinq questions clefs pour aborder l'essentiel : le ressenti du salarié, sa charge de travail, ses alertes ou les besoins d'aide pour atteindre les objectifs. » Autant de points d’étape qui maintiennent l’engagement et peuvent fournir l’appui ou les outils pour maximiser le succès individuel et collectif.
Avis d'expert de Sébastien Jézéquel, consultant spécialisé dans le recrutement et le bilan de compétences.
« Souvent, ces entretiens annuels sont subis et ne produisent aucune réflexion utile. Le point clef est d'avoir une trame commune à partir de laquelle construire un échange. Autrement, cela ne donnera aucun résultat. La préparation des deux acteurs, salarié et manager, est déterminante dans le succès de l'entretien. Les salariés doivent répondre en amont aux questions de l'entretien annuel. Cet échange doit commencer par une question sur le ressenti du salarié au sujet de son poste actuel. Il faut ensuite évoquer ses perspectives de carrière à différents horizons, à un an, trois et cinq ans. Il faut aussi évoquer la mobilité. Le salarié est-il ouvert à la mobilité, aussi bien interne qu'externe ? Un point important pour le manager est de se mettre en mode “écoute”. Il doit être attentif au bien-être de ses équipes et ne pas faire subir ce qu'il subit. Après l'entretien, les managers doivent absolument se réserver un temps de partage, de “mise en commun” pour analyser les souhaits d'évolution des salariés. Cela leur permettra de mieux organiser une formation, y compris pour valoriser les compétences des salariés, parfois, le cas échant, avant leur départ de l'entreprise. »