Management

Le recrutement commence au sein même de l’entreprise avec la mobilité interne. Valorisante pour les salariés et sécurisante pour l’employeur, elle exige le respect de quelques règles simples dans la gestion des outils pour éviter les déceptions, voire les départs.

La mobilité interne, nouvelle martingale des équipes RH qui peinent à trouver les profils adéquats ? La réponse ne fait plus aucun doute, estime Noellie Boden, HR business partner de Dentsu : « C’est un levier primordial pour l’évolution et l’épanouissement des collaborateurs et, en conséquence, améliorer leur rétention. » Prometteuse, cette voie exige cependant un peu de méthode dans la mise en place des solutions pour éviter des frustrations, qui peuvent aboutir à des départs.

1. Déployer une communication efficace.

Pour Lucie Brunel, responsable recrutement et mobilité de Mazars, il faut avant tout « établir un processus simple et bien défini ». Les collaborateurs de Mazars ont à leur disposition sur l’intranet une infographie qui détaille les six étapes pour faire aboutir une mobilité. Et un timing : « En moyenne, il faut un mois pour franchir toutes ces étapes dans le cas d’une mobilité métier par exemple », précise la responsable. Et il faut surtout communiquer régulièrement sur la mobilité interne. « Nous sommes sur un secteur où la concurrence est très active, rappelle Lucie Brunel. Nos collaborateurs sont donc très courtisés. Nous organisons régulièrement des opérations de communication à travers une newsletter mensuelle mais aussi des webinars spécifiquement consacrés à la mobilité interne. » Une dizaine est organisée chaque année, chaque webinaire portant sur une thématique spécifique de mobilité interne.

2. Mettre le collaborateur au centre du jeu.

Tous les responsables RH l’assurent : c’est du collaborateur que doit venir l’initiative. « Les mobilités internes ne doivent pas être uniquement initiées par un manager ou un partenaire RH qui a senti un potentiel chez un collaborateur, indique ainsi Bérangère Benon, DRH de l’ESN Claranet. Nous faisons passer des messages pour que les collaborateurs prennent l’initiative et soient à l’origine de leur mobilité. »

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3. Solliciter des profils intéressants.

Adecco a noué depuis deux ans un partenariat avec Open Mind Technologies pour identifier les soft skills, via un outil de gaming, qui permet ensuite de redessiner une carrière. « Chacun peut l’orienter dans le sens qu’il veut : le contrôle qualité, la communication… », expliquait mi-septembre à Stratégies Alexandre Viros, son président en France [Stratégies n° 2144, paru le 22 septembre 2022]. Mais il faut aussi savoir détecter les talents prêts à bouger. Chez Mazars, c’est l’équipe dédiée au développement des talents qui anime les revues de performance annuelle et détecte les profils pouvant être intéressés par une mobilité interne. « Il nous arrive d’approcher spécifiquement des personnes, explique Lucie Brunel. Par exemple, nous avons remarqué qu’un collaborateur de l’équipe d’audit s’était montré particulièrement impliqué dans des projets liés aux RH. Nous lui avons proposé une mobilité interne et il a rejoint l’équipe RH. »

4. S’assurer que la demande est solide.

Du côté de Dentsu, un an d’ancienneté est requis pour pouvoir cibler des postes à travers les outils de mobilité interne. Le temps minimal de mûrir un projet. « Il faut que cette mobilité corresponde à un projet réel, ce qui nécessite en amont de la part du collaborateur une réflexion et des recherches », explique Noellie Boden. Cette phase est essentielle, renchérit Edeline Roy, DRH de l’EM Normandie : « Il faut aussi mettre au clair certaines aspirations. Souvent, une mobilité interne est motivée par le souhait de devenir manager ; or tous les collaborateurs n’ont pas les capacités et les dispositions pour remplir ce rôle. Il faut donc être clair sur les activités et les exigences du futur poste. » Mais motivation et capacités ne sont pas toujours réunies. « Il faut d’abord identifier les points forts du collaborateur avec une série de tests, notamment des tests établissant leurs préférences comportementales au travail, précise Edeline Roy. Cela permet d’identifier d’éventuels points à améliorer. »

5. Impliquer les managers dans le processus.

Les managers doivent être sollicités dès le départ, indique Edeline Roy : « Il faut d’abord définir avec le manager qui a besoin d’un nouveau collaborateur, les critères clefs. » Il est indispensable de convaincre celui dont le collaborateur va partir qu’il est nécessaire et utile de paramétrer certaines évolutions attendues. « Pour les managers, il n’est pas facile de se séparer d’un bon collaborateur mais il faut aussi prendre en compte que ce collaborateur connaît peut-être "trop bien" son métier et qu’il a besoin d’évoluer, estime Bérangère Benon. Insister sur la nécessité de faire évoluer le collaborateur pour éviter de le perdre est un argument assez porteur auprès des managers qui ont un fort sentiment d’appartenance à la communauté Claranet. Nous avons des RH partners dédiés à chaque type de population pour aider les managers dans ces phases de transition. »

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6. Garantir l’équité du processus.

La mise en place d’instruments objectifs et respectés réduit le risque de voir certains, faire le siège des décideurs pour obtenir un autre poste. Edeline Roy a choisi pour cela une solution radicale : « Nous mettons en œuvre pour la mobilité interne le même processus que pour les recrutements externes. Cela apporte de la justesse et de l’équité en évitant tout soupçon de favoritisme. C’est une procédure de sélection claire et objective. »

7. Prévoir « onboarding » et « outboarding ».

Pour assurer une adoption sereine du nouveau venu ou de la nouvelle venue, l’EM Normandie a prévu un « onboarding » [pratiques liées à l'accueil et à l'intégration d'un nouveau salarié]. « La personne va avoir de nouveaux collègues, utiliser de nouveaux outils, exercer une nouvelle fonction… », rappelle Edeline Roy. Une fois intégré dans sa nouvelle équipe, le collaborateur va-t-il s’épanouir ? Il importe d’avoir des outils de suivi. Car ce n’est pas toujours le cas. L’EM Normandie a prévu une période « probatoire » pour vérifier si les attentes de toutes les parties prenantes sont satisfaites. « Le collaborateur a pris un risque en évoluant, il est important de l’accompagner, souligne Edeline Roy. Si le poste ne lui convient pas, il faut organiser son orientation vers une autre fonction. »

Ouvrir de nouvelles voies

Noellie Boden, HR business partner de Dentsu, constate que sur le terrain, les équipes RH comprennent que les mobilités internes suivent souvent un même chemin : « Généralement, les collaborateurs évoluent de l’expertise vers le conseil, c’est une évolution logique de carrière. Nous aimerions aussi que des collaborateurs empruntent le chemin inverse mais c’est plus rare. » Une situation qui appelle à de nouveaux développements dans la communication interne, selon Edeline Roy, DRH de l’EM Normandie : « Il faut mieux faire connaître toutes les possibilités d’évolutions horizontales et transversales. Beaucoup de métiers restent méconnus de la plupart des collaborateurs. J’ai déjà organisé dans les structures où j’ai exercé des "Vis ma vie" et je compte reconduire ce type de procédure. Pendant une demie journée ou une journée, un collaborateur peut ainsi découvrir un autre métier et l’intérêt qu’il peut présenter pour lui. »

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