Tribune
En raison de profonds ancrages de notre histoire ou de biais inconscients, les femmes sont encore largement sous-représentées dans les postes de direction. C'est pourtant un enjeu d'égalité mais aussi de compétitivité

A ce jour, il manque 280 femmes dans les Comex pour les entreprises du SBF120. Alors que le Haut conseil à l’égalité (HCE) travaille actuellement avec le gouvernement sur un nouveau critère à intégrer dans l’index de l’égalité professionnelle, le constat reste sensiblement le même depuis des années : à partir d’un certain niveau hiérarchique, les femmes sont fréquemment sous représentées. Lorsqu’elles y sont intégrées, c’est plus souvent à des postes de directrice administrative et financière ou des ressources humaines qu’à des postes de direction générale.

La parité homme-femme au sein des directions est non seulement un enjeu de société et d’éthique, mais aussi de compétitivité. Elle est au cœur de la performance des entreprises, elle offre un véritable avantage économique et stratégique. Dans un article récent publié dans la Harvard Business Review, il est démontré que les entreprises qui ont intégré des femmes dans le top management sont «plus profitables, plus responsables et procurent des expériences clients plus sûres et qualitatives».

La diversité des points de vue et des profils au sein des comités de direction, lorsqu’ils sont composés de manière équitable de femmes et d’hommes, rend les décisions souvent meilleures car elles sont enrichies de sensibilités différentes. Un Codir équilibré sera plus performant, ouvert et intelligent que s’il n’est constitué que de femmes ou d’hommes. Des études vont d’ailleurs jusqu’à montrer que la valeur ajoutée d’une femme tend à s’estomper lorsqu’elle est entourée de plus de cinq hommes (et vice versa).

Récemment confronté à la crise de la Covid, le Codir de Manutan France par exemple, qui se compose de 60% de femmes, a su, malgré l’urgence de la situation, prendre de bonnes décisions mesurées. Les différences de sensibilité nous ont permis d’appliquer des mesures ayant comme priorité de protéger nos équipes, tout en restant concentrés sur la satisfaction clients et la pérennité de l’entreprise. Nos équipes l’ont salué, le résultat Great Place To Work en témoigne : le pourcentage de personnes ayant répondu positivement à la question «Dans l’ensemble, je peux dire qu’il s’agit d’une entreprise où il fait vraiment bon travailler» a augmenté de 13 points par rapport à l’année dernière, malgré le contexte sanitaire.

Profonds ancrages de notre histoire et de nos origines

Notre histoire est marquée par des règles et des codes qui restent très masculins au sein des entreprises. En quête de pouvoir, les hommes ont pris des postes importants et ont façonné les entreprises selon leurs propres attentes. A un certain niveau, ces codes construits par les hommes, pour les hommes, ne sont pas en adéquation avec ceux des femmes. Elles ne s’y retrouvent pas et s’intègrent mal, à moins de tomber dans le mimétisme et d’aller contre nature.

Les femmes voudraient pouvoir accéder à la réussite professionnelle sans sacrifier leur rôle de mère modèle. Or, si on suit les préjugés et les codes, c’est difficile. Rester au bureau au pied levé pour une réunion tardive pose tout de suite un dilemme inextricable : conforter la perception qu’une femme a d’autres priorités ou briser ses principes au risque de casser son équilibre ? Il convient donc de poser ses propres règles, de s’y tenir et de ne pas être atteinte par la pression - exprimée ou sous-entendue.

C’est aussi pourquoi beaucoup de femmes refusent d’envisager des postes trop haut placés, par peur de ne pas pouvoir tenir ce pari et de devoir constamment se justifier pour défendre leurs choix, alors que finalement, une partie de la solution se trouve dans l’accès des femmes à ces postes de décisionnaires. Ceci permettrait de changer les perceptions, poser ses propres règles et ainsi aider les autres femmes à mieux gérer leur quête d’équilibre.

Des biais inconscients

Au-delà des ancrages historiques, il apparaît qu’à candidature, compétences et expérience égales, les femmes sont moins retenues sur des postes de direction, et, quand elles le sont, c’est à un salaire inférieur à celui d’un homme. Ces biais inconscients ou implicites échappent à notre vigilance, ils sont des raccourcis créés par notre esprit. Ils sont automatiques et reflètent les associations que nous avons intégrées au fil de notre vie, de notre éducation et de nos relations sociales. Ils impactent aussi bien les hommes que les femmes. Ils sont très difficiles à identifier et, par conséquent, à corriger. A titre d’exemple, on remarquera qu’un grand nombre de postes de DRH ou chasseurs de tête est occupé par des femmes qui recrutent majoritairement des hommes pour des postes de direction.

Enfin, ces biais sont entretenus par la tendance que vont avoir les femmes à sous-évaluer leur candidature pour un poste, et à beaucoup plus facilement mettre en avant les failles de leur profil. Souvent, elles auront besoin, pour se rassurer, de répondre à la quasi-totalité des attendus, en termes d’expérience ou de compétences, pour se présenter. J’ai souvent encouragé des femmes à postuler à des postes pour lesquels elles ne se sentaient pas «compétentes», ayant confiance en leur potentiel. Je ne l’ai jusque-là jamais regretté.

Depuis 2020, le gouvernement, en coordination avec le HCE, a évoqué vouloir imposer de doubler les quotas et de passer de 18% de femmes présentes dans les Comex à 40%. Je n’ai jamais aimé les quotas, je les trouve dévalorisants… Mais je dois reconnaître qu’ils sont indispensables si nous voulons avoir un réel impact systémique et j’y suis désormais favorable. Au global, il faut reconnaître que les choses évoluent dans le bon sens. Mais pour plus d’impact, je trouverais vraiment utile et important que plus d’hommes, en particulier ceux qui occupent des postes visibles et influents, s’engagent davantage et plus ouvertement sur le sujet. L'appel est lancé.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :