RH
Elles sont six parmi les entreprises du CAC 40 à avoir engagé des actions exemplaires. C’est l’un des résultats clefs de la 10e édition de l’étude du cabinet Lecko sur l’état de la transformation interne des entreprises.

Comment lancer une transformation pérenne? Le 30 janvier, les consultants de Lecko ont établi une grille d’analyse à partir des principaux départements de l’entreprise: direction générale, direction «métiers», DRH, innovation, DSI et direction de la communication. Chacune de ces unités a ensuite été évaluée puis classée en trois niveaux, par ordre croissant d’impact: les actions de «surface» indispensables, les actions de fond et les actions soutenant une transformation durable. Après décompte, voici les six entreprises dont les pratiques se détachent du lot. 

La DG selon BNP Paribas

La banque est primée dans la catégorie «Direction générale» pour son plan d’action global de 3 milliards d’euros sur trois ans, impulsé par son administrateur directeur général, Jean-Laurent Bonnafé. Conscient des défis nés de l’évolution des usages des clients et des moyens de paiement, il a fixé dès février 2017 une série d’objectifs, et notamment celui de «mobiliser les nouvelles technologies et les modes de travail plus collaboratifs et agiles, pour des expériences clients plus fluides, plus simples et des collaborateurs plus performants». Parmi les leviers d’action de ce plan figurent la simplification des processus et l’organisation, l’adaptation des systèmes d'information et le développement du «travailler autrement». BNP Paribas compte ainsi devenir plus agile et proposer des expériences clients plus fluides.

Les métiers avec Sanofi

Depuis 2012, Sanofi se distingue dans la communication avec le lancement de plusieurs initiatives de communautés avec les patients, notamment autour du diabète. L’évolution était d’autant moins évidente que le géant pharmaceutique navigue dans le contexte réglementaire de la santé, particulièrement strict sur la nature des informations qui peuvent être divulguées et échangées. En parallèle, Sanofi a aussi transformé sa communication interne en couplant son réseau social interne avec son intranet, parvenant ainsi, selon l’étude de Lecko, à «maintenir une information de référence». «Ces nouvelles pratiques repositionnent la communication dans la chaîne de valeur de l’entreprise», conclut le document.

Orange a conquis les RH

Dans la catégorie «ressources humaines», c’est Orange qui rallie les suffrages avec le projet Conquête 2015 dont les prémices remontent à 2005, avant la crise des suicides. L’étude note particulièrement le rôle de la direction des ressources humaines qui «porte cette transformation [digitale] en associant le déploiement des outils collaboratifs, l’accompagnement et l’acculturation». Cette démarche, soutenue par plusieurs réflexions approfondies avec les partenaires sociaux, a fait émerger des «dispositifs précurseurs» sur des thèmes comme le télétravail ou le droit à la déconnexion. Les managers ont aussi été accompagnés vers des modes de travail plus collaboratifs et l’entreprise a pris des engagements sur la protection des données personnelles des collaborateurs.

Le Crédit Agricole innove

En ce qui concerne l’innovation, c’est le Crédit Agricole qui se détache avec plusieurs démarches. Lancés il y a quatre ans, les incubateurs de start-up «Le Village by CA» sont déjà une vingtaine, l’enjeu étant désormais de permettre à ces jeunes pousses de franchir un nouveau cap. Les hackathons sont un autre outil innovant permettant, parmi les salariés, de donner naissance à des projets, qui pourront ensuite être incubés. Enfin, la démarche d’open innovation «Crédit Agricole Store», basée sur l’ouverture des API (interface d’échanges des applications), doit permettre à des tiers de développer des services innovants. Misant sur le renforcement d’un écosystème digital alimenté par des initiatives internes et externes, le Crédit Agricole va cependant devoir relever un autre défi: intégrer ces projets et services dans son propre développement.

AccorHotels transforme les métiers

Le géant de l’hôtellerie s’est distingué dans la catégorie «métiers» pour l’ensemble de sa transformation digitale. Le groupe a proposé des comparateurs de prix et des plateformes de recommandation, outils qui lui ont permis de contourner les intermédiaires externes venant capter une part de la marge finale. AccorHotels a aussi investi pour améliorer l’expérience client, par la dématérialisation de son parcours, ou pour créer une marketplace concurrente des intermédiaires spécialisés dans la réservation. Il a impliqué davantage les collaborateurs en les équipant de smartphones facilitant l’accès au réseau social AccorLive et aux applications de gestion.

Schneider Electric passe par les SI

Comment faire des systèmes d'information un levier de la transformation globale? Démonstration probante avec Schneider Electric qui utilise sa DSI pour porter le changement sur trois étages : collaboration interne et externe, évolution des processus et SI des métiers. Ce spécialiste de la gestion de l’énergie et de l’automatisation a embarqué ses 144000 collaborateurs dans un environnement de travail collaboratif SaaS complet (Office 365) et lancé Neo Network, une plateforme collaborative ouverte. Autres initiatives: le développement d’un chatbot enrichi d’intelligence artificielle pour améliorer la relation client, l’intégration de l’IoT [Internet of Things: internet des objets] dans les produits pour développer de nouveaux services, et la fourniture de lunettes de réalité augmentée à ses techniciens de maintenance afin d’améliorer leur activité.

Méthodologie

L’évaluation des entreprises du CAC 40 a été effectuée à partir de plus de 300 sources d’information publiques. S’ils reconnaissent fournir une «vision parcellaire», les auteurs de l’étude estiment cependant qu’elle traduit «une tendance significative». Tout au plus admettent-ils un biais possible dû au fait que certaines entreprises communiquent peu sur ce thème. Une carence de données qui constitue déjà une information, soulignent-ils: «Cela traduit tout de même qu’il ne s’agit pas d’un centre d’attention, ne serait-ce qu’en termes de marque employeur.»

 

Le «capital social», un trésor ignoré des entreprises

Dix ans après, le constat persiste. «Les termes de “transformation digitale” ne recouvrent pas les mêmes notions pour tout le monde» , estime Arnaud Rayrole, fondateur et directeur général du cabinet de conseil Lecko. Et les outils collaboratifs peinent à percer. Les salariés utilisent en priorité le mail (66 %) et un cinquième seulement (20%) a recours à des applications spécialisées. L’étude de Lecko note aussi l’usage intensif d’outils externes qui créent un «shadow IT»: 67% des collaborateurs y ont recours.

Constatant que l’entreprise «n’intègre pas naturellement les évolutions du digital sur son modèle culturel et organisationnel et ses pratiques managériales», l’étude appelle à repenser la cohérence et l’articulation entre moyens octroyés, cadre à respecter et incitations à collaborer. Les auteurs regrettent que même parmi les entreprises du CAC40, «ces sujets ne sont pas convenablement traités et, lorsqu’ils le sont, [c’est] sans articulation entre l’IT, les RH et la stratégie d’entreprise».

Deux risques pointent à l’horizon. Le premier: voir les collaborateurs délaisser les outils internes. Bien peu de choses cependant en comparaison du second risque: l’impossibilité d’accéder aux «données secondaires décrivant les relations entre les collaborateurs». Or ce «capital social» peut livrer des enseignements cruciaux pour mieux connaître les modes de travail réels et donc transformer efficacement l’entreprise. Les efforts que déploient les éditeurs comme IBM pour intégrer l’intelligence artificielle dans leur offre collaborative révèle bien l’importance stratégique de ces données. Une évidence qui échappe encore à la grande majorité des entreprises.

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