Le ministère des Affaires étrangères cherche à échapper à son culte du secret et à donne une image plus moderne.

Laurent Fabius, ministre reconduit aux Affaires étrangères, s’est fait le chantre de la diplomatie économique. La deuxième édition des Rencontres Quai d’Orsay-Entreprises, qui a réuni plusieurs centaines de représentants de PME et grands groupes, le 9 avril, ou la création d’une direction des entreprises et de l’économie internationale au ministère des Affaires étrangères, en attestent. Avec l’arrivée de Fleur Pellerin au secrétariat d’Etat au Commerce extérieur, au Tourisme et aux Français de l’étranger, c’est une nouvelle dimension du Quai qui est appelée à émerger, en lien notamment avec une présence numérique plus affirmée.

Gaspard Gantzer, avant de rejoindre l'Elysée en tant que chef du pôle communication en remplacement d'Aquilino Morelle, a été le conseiller presse et communication de Laurent Fabius. Quelques jours avant le remaniement ministériel, il expliquait à Stratégies comment le Quai d’Orsay s’attache à renforcer sa communication numérique afin de s’imposer sur les réseaux vis-à-vis tant de l’extérieur que de ses 14 800 salariés.

A l’instar de Jennifer Psaki, la porte-parole de la diplomatie américaine, cet énarque-communicant plaide pour une publication directe sur Twitter, dans une maison où la voie naturelle est le communiqué de presse. Photos des quatre otages journalistes libérés, live-tweet des interventions de Laurent Fabius, témoignages de ses déplacements à l'étranger…

«La diplomatie est par essence non spectaculaire: elle est très difficile à valoriser et à mettre en scène, observait Gaspard Gantzer. Mais Regardez Obama sur les réseaux sociaux: il y semble naturel et sincère et utilise bien l’humour. Et à chaque fois qu’il veut mettre en valeur un coup de téléphone, il sait y avoir recours.» Changer le regard sur le numérique n’a rien d’évident dans un ministère où Internet, depuis Wikileaks, peut être perçu comme une menace pesant sur le secret diplomatique. «Le secret est important, argue-t-il, mais tout ne devient pas important car secret.»

Vu de ma fenêtre

Pour montrer la diversité des métiers dans les 163 ambassades de France, «carnets diplomatiques, le blog des diplomates français» a été lancé en février afin de faire connaître les coulisses du quotidien des agents en poste, loin de l’image d’Epinal du diplomate de cocktails. Un point de vue par l’image - dit «vu de ma fenêtre» - est aussi assuré tandis qu’un journal sur Storify relate chaque mois l’actualité du ministère. L’ensemble est regroupé sur le portail France Diplomatie qui, en raison de ses conseils aux voyageurs, représente la plus forte audience des pouvoirs publics avec 1,7 millions de visiteurs uniques, derrière

impôts.gouv.fr. Le «Quai», comme l’appellent les fonctionnaires de ce cénacle restreint (3100 CDI à l’administration centrale, 2900 en postes à l’étranger) veut ainsi donner une

image moins classique de son action. L’intégration du tourisme au ministère a de bonnes chances de faciliter l’obtention des visas. Mais le faire-savoir sur les réseaux se révèle essentiel vis-à-vis des pays cibles. En France, le quai d’Orsay travaille aussi son image depuis la sortie du film éponyme de Bertrand Tavernier, tourné en partie au ministère. Il a déjà reçu cinq à six demandes de tournage de producteurs audiovisuels, notamment un projet accepté de Serge Moati pour un documentaire sur la fabrique de la diplomatie. Même le logiciel Schuman de cryptage des télégrammes diplomatiques (le fameux «chiffre») a été

 

changé - et bien sûr amélioré: le système de correspondances s’appelle désormais «diplomatie». En toute transparence.

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