La paralysie des embauches et le pessimisme ambiant poussent-ils les jeunes diplômés de la communication vers la sortie de l'Europe ? Ou l'appel de l'étranger pour étoffer son CV est-il le facteur d'un exode temporaire ?

Début octobre, Harris Interactive publie une étude commandée par l'Institut Montaigne selon laquelle 79% des étudiants de grandes écoles françaises sondés déclarent ne pas « exclure » chercher un premier emploi à l'étranger. Résultat, certains médias français s'alarment et titrent sur la fuite des cerveaux vers des pays plus attractifs. Mais qu'en est-il dans le secteur de la communication ? Si l'on en croit les grandes écoles pourvoyeuses de talents français, les cerveaux ne seraient pas en fuite, ils seraient plutôt de plus en plus mobiles.

« En France, il est toujours de bon ton de dire qu'il n'y a pas assez de postes, analyse Virginie Munch, directrice de l'Institut supérieur de communication et publicité (ISCOM), mais la communication est un métier sans frontières. Je ne dirais donc pas qu'on observe une fuite des cerveaux, mais plutôt de nombreux allers-retours. En revanche, ce que l'on remarque de plus en plus, c'est que les jeunes diplômés ont besoin de vérifier qu'ils peuvent réussir une expérience à l'étranger. » Ces dernières années, ce sont ainsi en moyenne 10 % des jeunes diplômés de l'école qui ont choisi l'étranger pour une première expérience professionnelle. Un constat corroboré par Véronique Richard, directrice de l'École des hautes études en sciences de l'information et de la communication, le CELSA : « Les étudiants ont moins peur de partir. C'est une expérience qui apporte une vraie valeur ajoutée culturelle, intellectuelle et professionnelle. »

Mais du côté des étudiants, au-delà de l'envie de frayer avec d'autres cultures, c'est aussi le pessimisme concernant le marché du travail français et l'élitisme des agences françaises qui les poussent à regarder si l'herbe n'est pas plus verte de l'autre côté des frontières. Clément Huber, community manager chez E&Y au Luxembourg, et diplômé de l'Institut d'études commerciales supérieures (IECS) de Strasbourg se souvient du motif de refus de sa candidature à un poste d'assistant marketing chez un grand annonceur. «Tu n'as pas fait une école parisienne », lui a-t-on rétorqué. « Les choses sont moins figées au Luxembourg, le diplôme n'a pas la même valeur, et les employeurs n'hésitent pas à recruter des profils junior. » Même constat de Sigrid Ravaud, community manager chez Leo Burnett Bruxelles : « Ici, ce n'est pas ta formation qui fait que tu es bon ou pas, c'est ta personnalité et tes aptitudes. » Si les agences étrangères semblent avoir cette capacité à faire plus facilement confiance aux débutants, les salaires plus élevés sont aussi un facteur d'attractivité. « J'ai commencé avec un salaire que je n'aurais même pas obtenu au bout de cinq ans dans une agence française », souligne Jérôme Rudoni, concepteur-rédacteur chez Concept Factory, au Luxembourg.  Si les salaires sont plus attrayants, c'est aussi la confiance accordée aux jeunes recrues et les responsabilités qui leur sont confiées qui encouragent à pousser des portes en dehors de l'Hexagone. « J'ai également l'impression qu'on peut monter plus vite en compétence qu'en France, ajoute Clément Huber, sans compter que parler anglais au quotidien me rend plus exportable. »

Ce double-bénéfice ne fait que souligner la culture parfois controversée des agences françaises en matière de jeunes recrues. « En France, le stagiaire occupe bien souvent un poste  qui devrait être pourvu par une personne à temps plein, regrette Sigrid Ravaud. Au Luxembourg, il est formé et on l'investit à tous les stades des projets. Il y a beaucoup moins ce côté usine à stagiaires, et le jeune a de vraies responsabilités. »

Mais si la critique est acerbe, les Français gardent toutefois l'espoir de revenir dans leur pays pour évoluer dans des agences parisiennes. « L'environnement n'est pas ultra-créatif au Luxembourg, même si on travaille sur de gros budgets nationaux », témoigne l'un des interviewés. « J'aimerais revenir en France, ajoute Sigrid Ravaud, mais pour le moment je ne sais pas vraiment comment faire. »

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