Medias
Frédéric Filloux finalise le déploiement du groupe Les Echos vers le digital. Cet impatient de nature entend aller vite, sans forcément prendre de gants.

Sur son blog, The Monday Note, l'un de ses derniers billets n'aurait pas plu à tout le monde. En plein bras de fer des éditeurs de presse avec Google, Frédéric Filloux y explique pourquoi les sites d'information ne sont pas un enjeu si important pour l'économie du moteur de recherche. A cinquante-quatre ans, le journaliste-blogueur, directeur général des activités numériques du groupe Les Echos depuis janvier, a pour habitude de dire ce qu'il pense.

Dans son bureau, pas de décoration, excepté la une de Libération du 7 octobre 2011, placardée au mur, avec la pomme perdant une larme, hommage au fondateur d'Apple au lendemain de son décès. Sur son bureau, deux ordinateurs, un Mac Book, et quelques dossiers.

Frédéric Filloux aime que les choses aillent vite. Il enquille les chantiers: nouvelle formule du site lesechos.fr lancée mi-octobre, auquel a été greffé le modèle du «paiement au compteur» («paywall»), nouvelle version à venir du site mobile, et d'ici début 2013, des «Web apps» mobiles ainsi que des applications mobiles «natives».

Mais le chantier principal reste le Web. Les 180 journalistes des Echos «ont vocation à écrire pour Internet, pour que leurs articles y soient présents avant d'être sur le print», insiste Donat Vidal-Revel, depuis peu directeur délégué de l'information numérique aux Echos. La bascule récente du site au tout-payant, où les lecteurs ne peuvent lire gratuitement que quinze articles par mois, y contribue. 

Surtout, Frédéric Filloux veut apprendre aux journalistes à «écrire pour le Web de manière plus “Google-friendly”», avec des mots-clés susceptibles de doper leur référencement par les moteurs de recherche. A partir de ces prochains jours, et courant 2013, presque tous les journalistes suivront ainsi une formation idoine.

Côté management, l'efficacité prime aussi. Si Frédéric Filloux délègue, «en étant clair dans ce que j'attends des gens», il avoue aimer pouvoir «prendre les décisions rapidement». Pour cela, «pas de comité Théodule à chaque changement. Nous sommes trois aux Echos à prendre les décisions pour le numérique: Francis Morel, à la tête du groupe, Donat Vidal-Revel et moi-même.»

«Trancher pour avancer»

Frédéric Filloux? «Pour lui, il n'y a pas de temps à perdre dans le compromis, il est entier et n'hésite pas à aller au clash», estime Pierre Haski, cofondateur de Rue 89 et ancien de Libération, qui se souvient du départ précipité de l'intéressé de son poste de directeur de la rédactiondu quotidien en 1999.

«Je n'avais pas eu le temps de me préparer à ce job. (…) J'étais insuffisamment “politique”, un défaut qui ne pardonne pas à Libé. Dans le même temps, j'ai ouvert trop de chantiers, dont une nouvelle formule», se souvient Frédéric Filloux, qui n'élude pas la détestation qu'il pouvait alors inspirer en interne. «S'il est directif, c'est qu'il sait mieux que quiconque qu'il faut trancher pour avancer», nuance Laurent Mauriac, directeur général de Rue 89, ex-Libé également.

A son crédit, le fait  d'avoir «compris très vite qu'Internet serait un lieu majeur pour les médias», selon Pierre Haski. Serge July, qui l'avait fait revenir de New York en 1994 pour monter le cahier multimédia du quotidien, ne s'y était pas trompé. «Il est très volontaire, avec une idée à la seconde: à 20 Minutes[qu'il a lancé], il encourageait les journalistes à chercher de nouveaux angles, pour imposer le titre comme un quotidien de qualité», salue Johan Hufnagel, ex-20minutes.fr, rédacteur en chef de Slate.fr. La convergence réelle entre les rédactions papier et Internet lui donne enfin l'opportunité de donner toute sa mesure.

 

Encadré

Son parcours en bref

1986. Journaliste économique à Libération, puis correspondant à New York.
1996. Lancement du supplément multimédia du quotidien.
2001. Rédacteur en chef de 20 Minutes, puis éditeur pour Schibsted International.
2007. Lancement de The Monday Note.
Juin 2010. Directeur général du consortium E-presse premium.
Janvier 2012. Directeur général activités numériques de Groupe Les Echos.

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