Quelle place pour les signes religieux au travail? Sitôt nommé en décembre à la place de Jeannette Bougrab, devenue secrétaire d'Etat à la Jeunesse et à la Vie associative, le nouveau président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), Éric Molinié, a annoncé la mise en place d'une réflexion sur «le thème du voile» dès février. Cet état des lieux sera établi à partir des «cinq affaires ayant trait au voile sur lesquelles la Halde s'est à ce jour prononcée». L'une d'entre elles a été très médiatisée: il s'agit de Baby Loup, cette crèche privée à laquelle la Halde s'était opposée après le licenciement pour faute grave d'une éducatrice exerçant son métier voilée.
Alors que l'institution avait considéré comme abusif ce licenciement, le tribunal des prud'hommes a rendu le 13 décembre un jugement contredisant cet avis. L'avocat de Baby Loup, Richard Malka, en a tiré une loi générale: «Le principe de laïcité pourra s'appliquer à toutes les entreprises de France, a t-il déclaré au quotidien 20 Minutes. Celles qui font le choix en tout cas de l'inscrire dans leur règlement intérieur.» «Il s'agit d'un jugement en première instance», relativise Éric Molinié, qui estime qu'il existe encore un «vide juridique».
Selon un baromètre de l'institut CSA pour la Halde et l'Organisation internationale du travail (OIT), publié en décembre, l'origine ethnique est le principal critère de discrimination. Ainsi, 32% des agents publics et 37% des salariés privés disent en avoir été victimes. Les deux taux sont en augmentation, mais celle-ci est plus importante dans le public (+13 points par rapport à décembre 2009) que dans le privé (+5 points). À noter que la religion (15%, +5 points) n'apparaît qu'en cinquième position parmi les facteurs discriminants le plus souvent cités par les salariés du privé, derrière l'origine ethnique (37%, +5points), l'apparence physique (36%, +8 pts), le sexe (29%, +3 pts) et l'âge (29%, –1 pt).
Le futur périmètre de la Halde
La question du voile au travail sera débattue alors qu'est posée la question même de l'existence d'une Haute Autorité. «À l'heure actuelle, la Halde n'a pas l'assurance de voir ses missions perdurer», a indiqué Éric Molinié, qui n'a pas hésité à affirmer qu'à toute coupe budgétaire, il opposerait «la fin d'une des missions de la Halde». Suite à un amendement UMP, le budget de la Haute Autorité avait ainsi été gelé début décembre. Il sera finalement augmenté de 344 000 d'euros, soit de 2,7%, pour s'élever à 13 millions d'euros, conformément aux prévisions du budget 2011. Même si la Halde devrait voir son périmètre absorbé par le futur «défenseur des droits», Éric Molinié a l'intention de prendre la parole plus fréquemment que ses prédécesseurs afin de faire de la «pédagogie».