Ressources humaines
Plus souvent précaires, au chômage ou dans des métiers «assis», les femmes représentent 44% des journalistes encartés, mais la marche pour l'égalité est encore longue.

«Une femme n'est pas rabaissée, mais elle n'est pas portée non plus aux nues. Il faut qu'elle soit deux fois plus compétente qu'un homme, qu'elle se batte sans arrêt.» Ce témoignage de femme journaliste est extrait de l'ouvrage Le Journalisme au féminin, publié aux Presses universitaires de Rennes sous la direction de Béatrice Damian-Gaillard, Cégolène Frisque et Eugénie Saitta. Triste constat, selon elles: en ce début de XXIe siècle, la domination masculine fait encore rage dans les rédactions. «Les femmes restent entravées par la reproduction de formes d'inégalités», constate Cégolène Frisque, maître de conférence en sociologie à l'université de Nantes.

Paradoxe: selon la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, elles représentent 54% des nouveaux entrants dans la profession. Pourtant, seules 44% des journalistes en activité sont des femmes. «Elles ont plus de difficultés que les hommes à pérenniser leur place dans le milieu», confirme Cégolène Frisque. «Cela peut s'expliquer en termes de spécialisation: les femmes sont très présentes dans le secteur de la presse magazine, qui emploie beaucoup de pigistes. De plus, il existe une forme de microsolidarité entre hommes. Les dirigeants vont davantage faire confiance à leurs semblables, en craignant, par exemple, les congés maternité, alors que les femmes journalistes sont plus diplômées que les hommes, plus nombreuses à être passées par les écoles de journalisme conventionnées…»

Du coup, les femmes doivent compenser par un surcroît de ressources et d'investissement. Et adopter des stratégies. «Certaines jouent de leur féminité pour en faire une ressource», explique Cégolène Frisque. «Elles vont adopter des spécialités journalistiques “féminines”, type culture, société ou mode, quitte à se placer dans une position stéréotypée. D'autres essaient de jouer sur l'adaptation à un milieu masculin.» Quitte à manquer, pour le coup, de solidarité «féminine», une fois arrivées aux postes dirigeants. Et même quand les femmes journalistes sont présentes en nombre, leur place est définie par rapport aux hommes: «Celles qui profitent de l'accès aux responsabilités sont celles qui jouent le jeu du masculin. Dans la télévision suédoise, par exemple, celles qui parviennent aux rôles de management reproduisent les manières de faire des hommes…»

Les autres ont tendance à s'autocensurer en ne s'autorisant pas à tenter leur chance dans les bastions traditionnellement masculins, comme la politique ou l'économie. C'est ainsi que des pans entiers des médias restent encore des affaires d'hommes. Comme la presse quotidienne régionale, dominée à 70% par les hommes, ou les agences de presse.

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