droit
Benjamin Louzier, avocat en droit social dans le secteur de la communication, attire l’attention sur les spécificités de la convention collective de la publicité et les risques juridiques qu’elle fait naître.

Pourquoi estimez-vous qu'il faut revoir la convention collective de la publicité ?

Benjamin Louzier. Elle date de 1955 et n'a pratiquement jamais été retouchée. On y trouve d'ailleurs plusieurs incongruités. Pour exemple, la durée du travail y est de 40 heures par semaine, alors que la durée légale est de 35 heures depuis 1998 ! D'une manière générale, elle n'est plus en phase avec la réalité de la profession et ses pratiques. De plus, la rédaction de certains articles prête à confusion et crée une véritable insécurité juridique tant pour l'employeur que pour le salarié. Ce qui entraîne un abondant contentieux devant les tribunaux. Mais avant de réformer cette convention, encore faudrait-il la connaître.


Quels sont les points de la convention les plus méconnus ?

B.J. Qui est au courant, par exemple, qu'il existe une commission paritaire de la publicité ? Composée de représentants d'employeurs et de salariés, elle a connaissance de tous les conflits individuels à la requête des parties et de tous les conflits professionnels collectifs. À l'instar de la commission qui existe chez les journalistes, celle de la publicité rend des avis (par exemple sur un licenciement) avant le passage devant le tribunal de droit commun. Si l'existence d'une telle commission n'est pas portée à la connaissance du salarié, la procédure peut-être invalidée.


Existe-t-il d'autres spécificités méconnues ?

B.J. Oui. Le texte prévoit par exemple qu'en cas de faute lourde du salarié (intention de nuire), il pourra être procédé à son licenciement sans préavis ni indemnité. C'est classique. Ce qui l'est moins est qu'il ne soit rien dit de la faute grave. Or, si l'on fait une interprétation a contrario du texte, un salarié de la publicité ayant commis une faute de cette nature peut demander le paiement du préavis et de ses indemnités. De même, dans la convention collective de la publicité, il existe une prime d'ancienneté qui ne s'applique qu'aux employés, techniciens et agents de maîtrise, mais pas aux cadres. Or une jurisprudence de la Cour de cassation datant d'un arrêt du 1er juillet 2009 dispose qu'on ne peut prévoir des droits différenciés selon la catégorie professionnelle. Cela veut dire que tous les cadres de la publicité seraient fondés à demander un rappel de prime d'ancienneté depuis leur arrivée dans l'entreprise ! Sachant qu'elle représente 3% du salaire et augmente tous les ans de 1% dans la limite de 20%, l'addition peut être corsée…


Y-a-t-il d'autres sources de contentieux ?

B.J. Oui, notamment sur la période d'essai. En principe, elle est convenue à l'embauche et se renouvelle d'un commun accord entre salarié et employeur. Dans la convention collective de la publicité, il appartient au salarié de demander par écrit le renouvellement de sa période d'essai, sinon celui-ci est illicite. Ce qui signifie qu'une période d'essai renouvelée puis rompue est alors assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à des dommages et intérêts de trois à huit mois de salaire. Ceci donne lieu à un contentieux de plus en plus important.


La convention collective a-t-elle des chances d'être réformée ?

B.J. Pour cela, il faudrait que les partenaires sociaux s'investissent véritablement. Or, les syndicats sont très peu actifs dans la publicité. De fait, il y a très peu d'accords de branche, ni sur les 35 heures ni sur les seniors, par exemple. Seule existe une négociation sur les salaires tous les quatre ans. Et encore : à qualification égale, les salaires sont deux fois plus bas que ceux fixés dans la convention de Syntec...

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.