Communication interne
Comment sortir du top-down en com? Une des réponses peut être la communication engageante. Un sujet sur lequel planche l’Association française de communication interne.

«La communication top-down avec des messages martelés est devenue peu efficace, elle est aujourd’hui dépassée!» Le constat sans appel de Sophie Palès, déléguée générale de l’Association française de la communication interne (AFCI), est aujourd’hui partagé par de nombreux dircoms: la communication uniquement descendante n’a plus beaucoup d’impact. Un des remèdes pour remobiliser les équipes? La communication engageante. Mis au point au début des années 2000 dans le champ de la psychologie sociale par des chercheurs tels que Françoise Bernard, Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, ce concept ouvre de nouvelles perspectives: «La communication engageante vise à obtenir un changement des comportements par des “actes préparatoires” qui mettent les personnes en condition d’agir», explique Sophie Palès.

Un concept qui se décline par exemple avec un procédé comme le “nudge”: «Cela se traduit comme un “coup de pouce ou coup de coude” pour faire adopter un comportement positif, inciter à l’action», précise Sophie Palès. Cela peut consister à mettre en place un sondage dans le hall d’une entreprise: «Êtes-vous pour ou contre le fait d’éteindre la lumière en quittant votre bureau chaque soir?» Le fait d’avoir répondu à ce sondage incitera les salariés à mettre en cohérence leurs actes avec cette opinion et à adopter de nouveaux comportements.

«La communication engageante appliquée à la communication interne: risque ou opportunité?», c’est le thème de la conférence que l’AFCI organise le 17 mars. D’autres leviers innovants s’offrent aux communicants pour renforcer l’engagement des salariés. Parmi les adeptes de ces nouvelles approches figure le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’établissement public chargé du service géologique national. Dans le cadre de la refonte de son dispositif de communication, trois axes de consolidation ont été choisis: un renforcement de l’esprit collaboratif, un accompagnement du management et une refonte du dispositif éditorial.

Changer de mind set

Pour le mener à bien le projet, Pauline d’Armancourt, chargée de communication interne du BRGM, mise sur une implication accrue de tous: «Nous voulons rendre la communication interne plus participative pour engager les salariés dans la co-construction et mise en œuvre de projets d'entreprise par des actions concrètes, en misant sur l’intelligence collective dans différents domaines.» Mais aussi et surtout sur un changement de mind set [état d'esprit]: «L'intelligence collective passe d'abord par une attitude, une posture qu’il s’agit de diffuser progressivement dans toute l’entreprise. Avant de recourir aux outils, nous avons identifié les projets sur lesquels expérimenter ces nouvelles approches de travail. Il s’agit aussi d’accompagner le management et les salariés pour qu'ils adoptent une posture coopérative. L’écoute et le dialogue sont les conditions sine qua non de la concertation, de la co-construction, ou de l’élaboration de solutions. Les outils sont là pour faciliter ces échanges et apportent d’autres méthodes de travail.»

JC Decaux a déjà franchi le pas en misant sur Jive pour dynamiser Bee, son réseau social d’entreprise polyvalent, ergonomique et accessible aussi par smartphone. L'application évite la création d’un fossé entre salariés sédentaires et ceux en mobilité. Mieux encore: elle leur donne une grande autonomie, explique Guillaume Aper, directeur adjoint de la communication de JC Decaux: «Aujourd'hui, les salariés sont devenus des émetteurs d’information. C'est devenu indispensable pour leur permettre de réaliser leur travail. Jive Bee nous a fait sortir de la communication descendante qui n'est plus adaptée aux attentes des salariés.» Le groupe a surtout mis le paquet dans l’accompagnement: «Le développement de l’usage est très fortement corrélé aux moyens humains d’accompagnement des utilisateurs, souligne Guillaume Aper. Sans un travail de sensibilisation, d’assistance, de conseil et de formation, les usages collaboratifs n’émergent pas.» Le succès dépendra aussi de la mobilisation des dirigeants (lire encadré).

Favoriser l'engagement en interne exige enfin de réunir plusieurs conditions, comme le rappelle Sophie Palès: «Les communicants internes doivent avoir une connaissance fine des métiers, des produits et de la culture de l'entreprise, pour remplir leur mission d'interface et d’écoute entre la direction et les salariés. Ils doivent être dans l'animation de la dynamique collective tout en continuant d'orchestrer le pilotage de la communication, leur mission classique.»

«L’engagement ne se décrète pas»

Jean-Marie Charpentier, enseignant à l'université Paris XIII et administrateur de l'Association française de communication interne (AFCI)



Pourquoi cet intérêt croissant pour la communication engageante ?

J.-M. C. Il ne suffit plus de communiquer d’en haut ou de dire pour convaincre. Les groupes en ont conscience et multiplient les enquêtes internes pour mesurer l’engagement des salariés. La communication engageante change le rapport entre le dire et le faire dans le travail. L’étude menée par l’AFCI dans une dizaine d’entreprises montre le besoin de se recentrer sur une parole liée à l’action en proximité. Mais cette notion est inséparable de la capacité et de la liberté d’agir…

Sur le terrain, comment faire ?

 J.-M. C. L’AFCI prône le développement d’espaces et de temps pour évoquer le travail, les problèmes éventuels et prendre des décisions. C’est au manager de piloter cela et de l’organiser à son échelle, mais il doit être aidé pour bâtir une ingénierie efficace de ces espaces. Cela implique un échange, une coopération avec les communicants et les RH.

Quels écueils doivent être évités ?

 J.-M. C. : Pour éviter les dérives, il ne faut pas faire du cosmétique. L’essentiel est d’accorder une vraie liberté aux acteurs, de garder la démarche ouverte et d’y associer les corps intermédiaires comme les syndicats. L’engagement ne se décrète pas. Il s’agit de réunir les conditions pour qu’il se manifeste: liberté, possibilité et décision d’agir.

 

Les dirigeants ne doivent pas oublier le «live»

Malgré la digitalisation croissante de la communication interne, les dirigeants ne vont pas disparaître de l’horizon des salariés. Ce serait même contre-indiqué selon Guillaume Aper, directeur adjoint de la communication de JC Decaux: «La communication interne sera de plus en plus digitalisée mais il faut préserver une dimension “live” où les dirigeants entrent en contact direct avec les salariés, que ce soit à travers des séminaires, des réunions ou des échanges informels comme le partage d'une galette des rois ou un pot de départ à la retraite. La communication sera d'autant plus performante que ces deux dimensions seront mieux articulées.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.