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Nouveaux bureaux, transformation digitale, méthodes de travail revisitées… Voyages SNCF est en pleine mue avec Isabelle Bascou-Debleme, secrétaire générale à la communication et aux ressources humaines.

Quels sont les enjeux de la transformation digitale chez un géant comme Voyages SNCF?

Isabelle Bascou-Debleme. Nous sommes aujourd’hui face à des nouveaux concurrents très agiles, très rapides, qui ne sont pas issus du même monde industriel et de production que nous. Avant nous n’avions que la concurrence de la voiture et de l’avion, aujourd’hui il y a le bus, le covoiturage… Pour créer un sillon qui va d’un point A à un point B en train, cela prend deux ans et demi. Pour lancer une destination en bus, il ne faut qu’une semaine. Ce n’est rien à créer. Dans le même temps, le rapport au prix avec la grande vitesse n’est plus une totale protection aujourd’hui, même si on fait circuler 800 TGV par jour et plus de 100 millions de voyageurs par an.



Voyages SNCF, c’est une entité à part à la SNCF…

I.B.-D. La branche Voyages SNCF est la seule activité B to C du groupe SNCF. Elle englobe la grande vitesse française et européenne (TGV, ID TGV…) et Oui Go, Oui Bus, Voyages-SNCF.com… Elle compte 25 000 salariés : la direction centrale (3000 personnes), Voyages-SNCF.com (1000 salariés) et 22 000 conducteurs, agents d’escales, vendeurs et contrôleurs sur le terrain. Le groupe SNCF compte lui 220 000 salariés dont 180 000 en France.



Comment menez-vous cette transformation?

  I.B.-D. Il y a un enjeu stratégique: améliorer le fonctionnement pour tous les agents en contact avec le client. À la fois les outiller et simplifier leur travail, en commencant par leur donner les moyens d’être aussi mobiles que leurs clients. Nous avons distribué 80 000 smartphones professionnels en 2012. Cela leur a permis de devenir plus autonomes. Nous avons installé Skype pour tous les collaborateurs il y a un an, et confié des ordinateurs portables aux 2000 salariés du siège en 2016. Nous avons aussi créé des ateliers du digital où l’on reçoit toutes les six semaines des intervenants extérieurs: Michel & Augustin, Twitter, Le Bon Coin…. Entre 300 et 1000 personnes assistent à chaque atelier. Et puis, nous avons développé toutes les méthodes agiles.



Chez vous, Twitter est un outil de communication interne…

I.B.-D. Oui, nous avons encouragé l’utilisation de Twitter en communication interne. Nous avons inventé un hashtag qui nous sert de cri de ralliement: «team voyages SNCF ». Chaque fois que l’on fait quelque chose, on se réfère à la même équipe. Les dirigeants se sont mis à Twitter et ont embarqué les équipes, à l’instar de Rachel Picard, la directrice générale de Voyages-SNCF qui s’adresse directement aux collaborateurs ou de Bénédicte Tilloy, la DRH de SNCF Réseau qui dialogue avec les conducteurs. Cela nous permet de raccourcir le système hiérarchique.

Il y a des conducteurs et des contrôleurs très actifs sur Twitter: certains contrôleurs s’en servent pour interpeller les voyageurs: «Bonjour, je serai votre contrôleur sur le TGV 8020, le premier qui répond à ce tweet, je lui offre un café au bar.» Il y a de très bons twittos parmi eux, comme Conducteur de train (@conducteur_RER). Twitter est très utilisé par rapport à l’imaginaire du train. En parallèle, nous avons aussi adopté le réseau social d’entreprise Yammer.

 

Prendre la parole sur les réseaux sociaux, ce n’était pas trop dans la culture de la SNCF?

  I.B.-D. Nous avions une culture d’entreprise publique, c’est-à-dire assez secrète. Le fait d’ouvrir des fils Twitter, d’assumer des choses, de partager en interne comme en externe ce que l’on fait, de créer une communauté d’ambassadeurs sur Twitter était important. Par exemple, un cheminot prénommé Antoine (12 000 followers) a eu l’idée de riposter à une campagne de Hop, la compagnie d’Air France dont le message était: «Je préfère l’avion parce que…» Ce conducteur a lancé un hashtag: «je préfère le train parce que…» Et il y a eu une vraie mobilisation derrière. Cette communauté est solidaire. La transformation culturelle est bien en cours.

 

Pourquoi avez-vous réaménagé votre siège de la Défense?

  I.B.-D. On arrive à bouger dans sa tête quand on bouge physiquement. Nous avons réorganisé l’ensemble des 2000 postes de travail du siège. Le chantier a démarré en décembre 2015 et vient de se terminer. Avant, tous les bureaux étaient séparés, j’ai fait casser les deux tiers des cloisons pour qu’il y ait davantage de lumière. Nous avons décidé de supprimer les bureaux individuels mais sans pour autant opter pour des flexi desks (bureaux volants). Je ne voulais pas faire peur mais contribuer à un mouvement profond: je ne crois pas encore vraiment au flexi desk et je ne pense pas qu’il aide à la collaboration, même si cela fonctionne très bien chez les consultants. Nous avons préféré les bureaux collaboratifs dans des petits open spaces, en commençant par réaménager les bureaux de la direction pour montrer l’exemple. L’espace libéré a permis de créer de nouveaux espaces collectifs. C’est une très belle aventure à laquelle personne ne croyait au départ.

 

Cette nouvelle concurrence vous oblige à aller plus vite aussi dans le déploiement des projets?

I.B.-D. Oui, la question du «time to market» des nouveaux produits et services est stratégique: depuis 2014, nous essayons de gagner en agilité, il y a eu une refonte profonde des modes de management. Nous ne sommes pas une start-up et la SNCF, c’est plutôt un univers d’ingénieurs habitué à la rigueur, à la précision. Là aussi, il a fallu mener une révolution culturelle pour adopter le test & learn. Premier exemple concret: nous avons testé TGV Pop, une offre de TGV communautaire en juillet 2015. Le concept: permettre aux voyageurs de voter pour des départs de dernière minute à un tarif attractif. Nous avons fait évoluer l’idée en 2016: au lieu de faire partir des trains entiers, nous avons alloué des places restantes. C’était la première fois que l’on lançait un tel produit.

 

Il y avait également un chantier important en relation client…

I.B.-D. Nous avons aussi adopté des outils de relation client plus performants. Avant nous n'identifiions pas les clients mais un numéro de voyage. Nous avons dû passer du voyage au client. Désormais, nous disposons d’un nom, d’un historique avec la SNCF. Au fur et à mesure, nous embarquons l’ensemble des données. Et puis nous avons dématérialisé les billets et cartes de fidélité et développé l’application SNCF, afin de communiquer avec le client: «Je vous rappelle que demain vous avez un train», «Malgré la grève, votre train est bien confirmé»…  Aujourd’hui, nous en sommes à travailler sur la partie individualisation: faire en sorte que les agents en contact disposent d’informations personnalisées sur le client, son parcours… Qu’ils soient au courant de sa date d’anniversaire afin, par exemple, de lui offrir un café.

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