Formation
Les établissements d’enseignement supérieur mettent en place des partenariats, des programmes spécifiques voire des implantations sur place pour développer les liens avec le continent africain.

En prenant pour thème central l’Afrique, le colloque sur l’enseignement supérieur organisé par l’agence News Tank Education en février prochain devrait attirer maints représentants du secteur. Car ce continent marqué par une forte proportion de moins de 25 ans suscite un grand intérêt de la part des écoles françaises. Certes, l’attention n’est pas nouvelle, les établissements recrutant habituellement des étudiants outre-Méditerranée. Souvent, «cela passe par Campus France, le système mis en place depuis huit ans par les ministères des Affaires étrangères et de l’Éducation nationale pour faciliter l’attribution de visa aux étudiants étrangers sélectionnés», explique Denis Ruellan, professeur des universités responsable des relations internationales du Celsa. Sup de Pub utilise, elle, le réseau international du groupe Inseec dont elle fait partie et qui «fait venir chaque année une centaine d’étudiants retenus à l’étranger, dont 25% d’Afrique», précise Philippe Cattelat, directeur général de l’école publicitaire.

D’autres opérateurs ont adopté dernièrement une approche spécifique à l’Afrique. C'est le cas de Sciences Po Paris, bien visible lors du sommet Africa 2016, la plus importante manifestation organisée en France sur l'Afrique les 22 et 23 septembre derniers. «Cette région est un axe majeur de notre développement international», confirme Laurence Souloumiac, en charge de l’Afrique subsaharienne à la direction des Affaires internationales de Sciences Po. L’établissement a ouvert dès 2010 un bachelor Europe-Afrique sur trois ans, «un programme bilingue en sciences sociales. Après deux années à Reims, la troisième se fait à l’étranger, notamment en Afrique, pour les étudiants dont un tiers vient de ce continent et un autre tiers de France», détaille-t-elle.

Politique de bourses

Implantée en Hongrie et en Chine, l’Essca, elle, «réfléchissait dès 2012 à une stratégie en Afrique, dans le cadre du plan triennal de développement», se rappelle la directrice générale Catherine Leblanc. L’école de management a donc poussé l’intention plus loin, en voulant s’implanter «dans un pays en plein développement et politiquement stable», explique-t-elle. D’où le choix du Cameroun, avec l’appui d’un opérateur sur place –Prepa Vogt– pour héberger l’Essca, car «une distance culturelle existe et les locaux connaissent mieux les réalités», poursuit la dirigeante.

Le groupe Audencia a décliné, lui, ce qu’il avait déjà initié en Chine, avec l’ouverture d’un Cooperative Center for Studies en Côte d’Ivoire en juin dernier. Son contenu? Des cours de management dans les écoles de l’INPHB (Institut national polytechnique Houphouët-Boigny) de Yamassoukro. Et l’objectif de favoriser la mobilité des enseignants et élèves entre les deux continents.

Si l’EM Lyon Business School a accompli le même chemin l’an dernier, avec Casablanca pour destination, elle s’est installée par ses propres moyens. Et l’école a plutôt misé sur des partenariats avec des entreprises, des fédérations professionnelles afin de «dépasser les logiques réductrices de partenariat exclusif avec un établissement d’enseignement supérieur local, ce qui s'appelle une délocalisation de diplômes», estime son directeur Tawhid Chtioui.

Mais le principal souci reste «le moyen de faire financer les études», souligne Emeric Peyredieu du Charlat, directeur général d’Audencia Group. L’Essca a divisé par deux le tarif (4500 euros par an) en changeant de continent. Faute de prix adapté, les autres privilégient une politique de bourses. Laquelle «vise à permettre à des élèves brillants issus de milieux défavorisés de bénéficier d’une scolarité totalement gratuite», annonce Tawhid Chtioui de l’EM Lyon. Car il s’agit de faire venir «les meilleurs élèves des lycées nationaux africains, insiste Laurence Souloumiac, pas seulement les enfants des milieux qui étudient dans les lycées français». Un programme qui est aussi la promesse d'un vrai changement.

Une audience captive

Nombre d’étudiants africains utilisent les cours en ligne créés par les établissements français. Lors d'Africa 2016, il a été révélé que les Mooc gratuits étaient visionnés, hors de France, à 70% en Afrique. Un engouement dont bénéficie par exemple Fun-Mooc, plateforme lancée fin 2013 par le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. «17% des 2,2 millions d’inscriptions viennent d’Afrique, principalement francophone, en particulier du Maghreb et de la zone subsaharienne de l’Ouest», illustre Catherine Mongenet, la directrice. Alors qu’ils sont seulement de 2 à 6% sur les autres continents, hors Europe.

Avec maintenant plus de 285 cours réalisés par 80 établissements, (de l’école Polytechnique Paris-Saclay à Agro Sup Dijon), l’offre répond a priori aux attentes. D’ailleurs, 85% des internautes africains de Fun-Mooc aspirent à une certification, contre 54% pour les utilisateurs en général. Et ces Mooc servent souvent de support aux enseignants locaux, tel «un cours d’entrepreneuriat du CNAM utilisé par quatre universités marocaines», cite la responsable de Fun-Mooc. Cet été, un accord a été signé avec le Maroc pour «permettre à ses établissements de lancer leur propre plate-forme en marque blanche», se félicite Catherine Mongenet.

Mais ces technologies peuvent-elles remplacer une présence sur place? A priori oui, pour Sup de Créa Genève (Groupe Inseec), qui va commercialiser en janvier 2017 une formation 100% e-learning dans le marketing digital, avec Nestlé et France 24. Mais avec «une partie en présentielle, précise le directeur général Philippe Cattelat, soit huit séances de deux jours à Casablanca ou Dakar». L'enseignant sur place reste une aide précieuse.



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