Réseaux sociaux
Ils ont construit leur notoriété sur Twitter, You Tube ou Instagram. Les agences se les arrachent. Intégrer les stars des réseaux sociaux dans son équipe peut être un atout, mais aussi un danger...

«Un jour, je suis tombé sur le site Bescherelle ta mère, le “Justicier de l'orthographe” qui sévit aussi sur Twitter. Je pensais que les éditions Hatier étaient à l’origine de ce compte parodique, et j’étais vraiment épaté par tant de créativité et d’autodérision», raconte Pascal Nessim, coprésident de l'agence Marcel. En réalité, Sylvain Szewczyk, le nom derrière le compte Twitter, était en conflit avec le service juridique de Bescherelle. Spontanément, le publicitaire décide de recruter le jeune homme et de l’intégrer comme community manager au sein de son agence, mais également comme concepteur-rédacteur pour la marque de préservatif Durex.«Une vraie réussite car cela a permis de doper la notoriété de la marque sur les réseaux sociaux», assure Pascal Nessim. Un profil tellement talentueux qu'il a fini par rejoindre le MCN Golden Moustache, en tant qu'auteur. Alors, recruter un influenceur, est-ce toujours un bon plan pour les agences?

«Savoir-être digital»

Produire du contenu de qualité à un rythme régulier, tenir une ligne éditoriale claire, avoir un ton, du style, savoir capter et entretenir une audience… Les réseaux sociaux sont devenus le lieu où l'on montre ses compétences. «Certains utilisateurs ont compris comment mettre en valeur leur profil sur le web. Tour à tour créatifs, inspirateurs ou évangélisateurs, ils connaissent parfaitement le langage digital. De vrais atouts sur le marché de l’emploi», souligne Thomas Larrède, social media manager et chef de projet digital chez Parlons RH. Les recruteurs sont effectivement de plus en plus attentifs au fait d’associer théorie et pratique en ce qui concerne les réseaux sociaux. C'est d’ailleurs l’un des principaux enseignements de la deuxième étude de l'IAB France (interactive advertising bureau) sur «Les métiers et compétences du marketing et de la communication dans un contexte de transition digitale», parue le 4 octobre dernier. Il apparaît que le «savoir-être digital» determine désormais la crédibilité d’un candidat aux métiers de la communication aux yeux d'un recruteur (lire ci-contre). À plus forte raison, Vincent Montet, directeur de la stratégie digitale du groupe EDH (Efap, EFJ, Icart), avance avec un brin de provocation que «toute personne qui se destine aux métiers de la communication et du digital devrait être une star des réseaux sociaux!».

Cocréation

Intégrer de tels profils en agence, c’est aussi la promesse d’engranger un réseau, des «followers», de gagner en visibilité et de peaufiner le côté digital de sa marque employeur. «C’est primordial pour les agences aujourd’hui d’avoir en interne des personnalités issues des réseaux sociaux, confirme Pascal Nessim. Chez Marcel, je demande à tous mes collaborateurs d’être, d’une manière ou d’une autre, un influenceur sur le web. Sinon, on décroche très vite et on sort rapidement du terrain de jeu.» Mais il existe aussi des échecs. «Prudence, tempère notamment Marie Canzano, chasseuse de tête et fondatrice du cabinet de recrutement Digital Jobs. La tentation d’aller chercher les plus grosses communautés du web est forte. Mais c’est une erreur. Ce sont souvent des jeunes, qui ont un talent, mais qu’ils utilisent à travers leur propre personnalité et centres d’intérêts. Dans un contexte de bureaux, ils peuvent se retrouver totalement secs.» Dès lors, ce type de recrutement ne peut s’envisager qu'au cœur d'un projet global et stratégique. «Le mot clé c’est “cocréation”, soutient Sandrine Plasseraud, directrice générale de We Are Social France. Il s’agit de faire travailler les influenceurs dans une rubrique où ils ont justement une spécialité. Quand nous avons repéré Marie Declercq, une passionnée d’automobile qui s’exprime quotidiennement sur Twitter, ce n’est pas tant le nombre de ses followers qui nous a intéressé que son ton, sa passion. Un profil idéal pour dialoguer avec une marque comme Renault Sport par exemple.»

«Comprendre leur grammaire»

Pour créer les conditions d’accueil favorables, Pascal Nessim conseille de se positionner dans une logique d’intégration, et ce, dès le recrutement: «Pour aborder ces profils, il faut comprendre leur grammaire. Beaucoup de publicitaires ont une image réductrice des réseaux sociaux, comme un média qui détruit de la valeur. Au contraire, il ne faut pas avoir peur de mettre la main à Snapchat pour aller à leur rencontre.» De même, au niveau managérial, les prises de risque sont les bienvenues. «Ce qui m’intéresse, c’est de faire collaborer ces personnalités du web avec les grands créatifs. De confronter deux cultures encore très différentes. Une bonne intégration, c’est également de permettre à une nouvelle recrue de faire évoluer son poste à son image», insiste le président de Marcel.

Autre caractéristique de ce type de profils, «ce sont des slasheurs, prévient Stéphane Bouillet, PDG fondateur de l’agence Influence 4 You, spécialisée dans la mise en relation des marques et des influenceurs. La difficulté en tant que manager, c’est d'offrir la possibilité de gérer une double vie professionnelle. Le temps nécessaire pour animer sa communauté sur les différentes plateformes sociales, mais également pour se rendre à des événements, faire des partenariats indépendants avec les marques, etc. Dans le même temps, ajoute-t-il, pour une agence c’est extrêmement stratégique d’avoir des oreilles bien placées sur le marché…»

Avis d'expert

«Partager au maximum pour créer une dynamique»

Vincent Montet, directeur de la stratégie digitale du groupe EDH (Efap, EFJ, Icart)

Peut-on former à l’influence ?

VINCENT MONTET. Dès leur entrée à l’école, nous «googlelisons» les étudiants et leur donnons une capture d’écran. L’objectif, leur dit-on, c’est qu’en l’espace de 6 mois, ils réussissent à prendre la main sur leur empreinte numérique et maîtrisent les résultats du moteur de recherche. En d’autres termes, qu’ils se constituent un compte Linkedin, un Twitter, une page Facebook professionnelle, ou encore un Scoop.it… Nous regardons l’évolution du Klout Score des étudiants d’un point de vue quantitatif, sa note, mais également la qualité de sa ligne éditoriale.

Quelles sont les règles d’or de l’influenceur ?

V.M. La première règle d’or, c’est «même pas peur». Il faut oser, tester, s’exprimer: c’est en faisant qu’on apprend. Le risque de se tromper est bien moindre que le risque de ne pas exister! Deuxième règle: le don contre don, qui est un principe sociologique communautaire de base, mais qui vaut encore plus dans le digital. Ne pas avoir peur de transmettre une info, ne pas garder pour soi les bonnes idées, mais au contraire partager au maximum, afin de créer une dynamique. Enfin, troisième règle: y consacrer du temps, se fixer un quart d’heure par jour pour la veille, le partage et quelques prises de position.

 

 

Portrait-robot du candidat idéal

Faiseur et autodidacte: il est dans l'action et adepte du «test and learn». Il fait des erreurs mais se réinvente un peu tous les jours.

Curieux et ouvert: en veille continue, il est observateur et s’intéresse à tout, avec un fort intérêt pour l’innovation, voire la créativité.

Polyvalent et souple: il est flexible et capable de se remettre en question. Il n'a pas de compétence unique.

Sociable et collaboratif: il possède la culture du partage et a l'esprit d’équipe. Il est humble et peut travailler avec des personnes aux compétences différentes.

Natif et un peu geek: il est digital natif ou en tout cas familier des réseaux, plateformes et médias sociaux.

Réseauteur et influent: il a son ou ses propre(s) réseau(x) et/ou fait partie de plusieurs groupes d’intérêt. Il est capable de très bien communiquer (et a des followers).

Source: étude de l'IAB France sur «Les métiers et compétences du marketing et de la communication dans un contexte de transition digitale», en partenariat avec Aquent, le groupe La Poste, Horyzon Media et Microsoft et le soutien de l'Efap, l'UDA, l'AACC, le SNCD et le CPA.

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