Etude
Les réseaux sociaux d'entreprise s’imposent dans le travail au quotidien et réinventent le management, selon l’étude Lecko/Opinion way, que Stratégies publie en exclusivité.

Un système à bout de souffle: 71% des managers estiment que les outils de communication classiques de leur entreprise (e-mail…) sont saturés, selon l’étude Lecko-Opinion way, que nous publions en exclusivité. Il faut dire que l’outil de messagerie ne correspond plus aux nouvelles façons de travailler: davantage de collaboratif, de travail en mode projet, en transverse… Dans ce contexte, l’enquête Lecko menée auprès de 850 managers de groupes (plus de 5000 salariés), ausculte les nouveaux usages. Autrement dit, la façon dont ces chefs d’équipes adoptent progressivement les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) et la manière dont ils deviennent progressivement des managers sociaux. Et ce, parfois sans s’en rendre compte.

Premier constat: en termes d’adoption, les groupes progressent, puisqu’ils sont une bonne majorité (58%) à disposer d’un RSE. Et du côté des entreprises non équipées, il y a des projets dans les cartons: 6% ont un projet et un tiers envisagent d'en avoir un. Bien sûr, installer un RSE, souvent à prix d’or, ne garantit jamais son succès. Et les exemples de plateformes désertées de leurs utilisateurs sont nombreux. Le syndrome «Second Life», du nom de cet univers virtuel qui avait connu un lancement en fanfare dans les années 2000, pour n’être plus fréquenté que par quelques avatars en déshérence. Mais si Second Life n’a pas su s’imposer dans les mentalités, 25% des managers font un usage quotidien des RSE dans leurs équipes selon l’étude Lecko. «Cela devient un outil central, et ce n’est pas un outil de processus, car une communauté c’est avant tout une agora, note Ziryeb Marouf, directeur RH 2.0 Orange et président de l’Observatoire des réseaux sociaux d’entreprise. Je pense que cette part d’utilisateurs quotidien va croître et que cela va se substituer à d’autres modes de fonctionnements archaïques, comme les e-mails.»

Le RSE est plus qu'un simple mode de communication: 58% des managers utilisent le RSE pour coordonner les activités de leur équipe, leurs projets. Une tendance encore plus importante chez les jeunes managers: les trois quarts des 18-29 ans l'utilisent pour coordonner l’activité de leur service, c’est-à-dire pour manager.

«Il est logique que les jeunes de moins de 30 ans s’approprient davantage les RSE, il n’y a pas de barrière à l’usage, dit Sylvie Joseph, directrice du programme de transformation interne pour le groupe La Poste. C’est plus compliqué pour les managers plus âgés, qui ont été structurés par l’usage de l'e-mail depuis vingt-cinq ans, ils ont plus de mal à en sortir.»

L'utilité vient en utilisant

Les réseaux sociaux, après avoir transformé la relation avec les clients, sont donc en train de remodeler la relation entre le manager et son équipe. Ils servent dans le travail quotidien à échanger de l’information (73%), à discuter avec d’autres managers (69%) ou encore à trouver des solutions à des problèmes (57%). «Le RSE devient un outil de coordination car il correspond bien à la nouvelle relation interpersonnelle dans l’entreprise, plus aplatie, ouverte, de pair-à-pair, analyse Ziryeb Marouf. Et puis, tout le monde est évalué de la même manière, en fonction de la qualité de ses contributions.»

Même si l’adoption du RSE et la révolution des façons de travail qu’il induit ne va pas de soi. «Pour comprendre si les approches collaboratives sont innées ou s’il faut les acquérir et analyser les comportements sur le RSE, nous menons une expérimentation qui rassemble 11 000 salariés du groupe», explique Sylvie Joseph, directrice du programme de transformation interne pour le groupe La Poste. Il ne faut pas compter sur le simple zèle des leaders de pratiques (voir encadré) pour que le réseau gagne de nouveaux utilisateurs. «Si on laisse tourner le système tout seul, cela ne fonctionne pas. L’entreprise doit accompagner les utilisateurs, former les managers à de nouvelles formes de leadership», ajoute-t-elle.

«Plus on utilise le RSE, note Ziryeb Marouf d’Orange, plus on se rend compte de son utilité, de sa pertinence. Nous avions mené une étude chez Orange il y a deux ans, et 50 à 60% de ceux qui se connectaient une fois par semaine à ce réseau en étaient satisfaits: ils diminuaient leurs volumes de mails, les réunions physiques, amélioraient la créativité, l’innovation, et gagnaient aussi sur l’identification d’experts. S’ils devenaient des utilisateurs quotidiens, on atteignait 80 à 90% d’avis favorables.»

Sur ces plateformes émergent tous les jours de nouvelles façons de travailler: coédition de documents, partage, mise en commun de l’information, stimulation de l’intelligence collective… Et nous ne sommes qu’aux prémices de ces nouvelles pratiques, car le management collaboratif est en train de s’inventer: «Nous assistons à l’émergence d’un nouveau type de managers, plus collaboratif, empathique, davantage dans l’influence, moins dans le contrôle», liste Sylvie Joseph, du groupe La Poste. Après le RSE (réseau social d’entreprise), il y aura peut être bientôt un nouvel acronyme: MSE, pour «manager social d’entreprise»…

Méthodologie

Cette étude Lecko a été réalisée avec Opinion way. 850 managers travaillant dans des groupes (plus de 5 000 personnes) ont été interrogés durant le mois de décembre. La représentativité de l’échantillon est assurée selon la méthode des quotas sur les critères de sexe, âge et secteur d’activité de l’entreprise.

 

Le leadership de pratique

Autre éclairage intéressant de l’étude Lecko: elle s’intéresse aux «leaders de pratiques», c’est-à-dire ceux qui vont entraîner les autres. «En moyenne, entre 3 et 5% des utilisateurs sont des leaders de pratique, capables d’entraîner les autres, souligne Arnaud Rayrolle, directeur général de Lecko. Une proportion qui monte à 10 ou 20% des utilisateurs actifs de ces plateformes.» Or être un leader de pratique, c’est un rôle durable: 88% d’entre eux le sont encore, deux ans après. Et ils sont investis dans cette mission: un cinquième, soit 18% d’entre eux, sont tout le temps à un niveau de leaders.

«Ils ont développé une aptitude, des qualités, une compréhension de cette façon de travailler, avec un peu d’altruisme, relève Arnaud Rayrolle. Et puis ces “leaders” sur le RSE, le sont aussi au sein de l’espace de travail, ils créent de l’engagement autour d’eux.»

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