«Résultats divergents selon plusieurs sondages sur les hausses de TVA», titrait le 8 novembre l'AFP. Une dépêche abondamment reprise par les médias, les sites d'information et autres agrégateurs d'infos. L'AFP soulignait les conclusions opposées de quatre enquêtes d'opinion toutes réalisées entre le 6 et le 8 novembre et portant sur les mesures gouvernementales pour relancer la compétitivité des entreprises. Des propositions de relèvement du taux supérieur de la TVA de 19,6% à 20%, du taux intermédiaire de 7 à 10% et d'abaissement du taux sur les produits de première nécessité de 5,5% à 5% afin de compenser le coût d'un crédit d'impôt aux entreprises de près de 20 milliards d'euros.
Selon un premier sondage Tilder-LCI-Opinionway publié le 8 novembre, 53% des sondés se disent opposés au projet, tandis que 47% se disent favorables. L'institut CSA enfonce même le clou dans un sondage réalisé pour Les Echos en montrant que 62% des personnes interrogées trouvent le relèvement de la TVA «pas justifié» contre 36% qui le trouvent «justifié».
Simultanémént, une enquête Harris Interactive pour Le Figaro assurait que 53% des sondés estiment que les mesures du gouvernement sont une «bonne chose», 30% considérant au contraire qu'il s'agit «plutôt d'une mauvaise chose» et 14% d'une «très mauvaise chose». Enfin, un dernier sondage, cette fois mené par BVA pour 20 Minutes, avançait que 52% des sondés approuvent «globalement» les mesures annoncées, tandis que 46% les désapprouvent.
Le citoyen lambda a pu être désarçonné par ce tir croisé et contradictoire. Un déchiffrage avisé de ces données, en apparence divergentes, aurait pu l'éclairer. Mais au-delà du constat de l'AFP, point d'analyse sur le sujet...
En réalité, tous ces pourcentages ne sont pas si incohérents. Chaque sondage a retenu en effet une approche différente. CSA a ainsi opté pour une question centrée sur «la perception du relèvement de la TVA», ne mentionnant pas la baisse de la TVA de 5,5% à 5%. «Cette mesure était pour nous majeure car centrale dans le projet du gouvernement et dans l'esprit du public. C'est un sujet fiscal qui intéresse tout le monde, il était donc justifié d'en mesurer l'impact sur le vif», explique Jérôme Sainte-Marie, directeur du département Opinion de l'institut CSA. Les conclusions de ce dernier soulignent ce que les autres instituts ont aussi constaté: l'augmentation de la TVA est impopulaire.
Pour autant, les instituts comme Harris Interactive, BVA et Opinion Way, qui ont opté pour une approche plus globale en replaçant la question de la TVA dans le contexte du projet général du gouvernement, ont présenté des résultats plus mesurés. «Le public a intégré le débat sur la nécessaire compétitivité des entreprises. Et même en ayant sous les yeux la contrepartie demandée notamment en matière de TVA, les Français ne s'en sont pas emparés pour rejeter le projet», analyse Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion d'Harris Interactive. Bruno Jeambar, directeur général adjoint d'Opinion Way, est sur la même ligne: «Selon notre sondage, 53% des Français sont contre le projet. L'opinion est divisée. Mais les enquêtes montrent que le coût du travail est devenu une vraie question dans l'opinion...».
Finalement, les professionnels de l'opinion reconnaissent que cette vague de sondages est plutôt une bonne surprise pour le gouvernement. «Le fond des mesures est approuvé», estime Eric Bonnet, directeur des études de BVA Opinion, pour qui la «piètre» prestation télévisuelle du Premier ministre Jean-Marc Ayrault n'a pas joué sur l'opinion. «Mais à terme, si le débat se focalise sur la TVA, il y a un risque pour le gouvernement», prévient Eric Bonnet, «il lui faut rassurer, surtout la gauche de la gauche qui n'approuve le projet qu'à 45% contre 85% pour les sympathisants socialistes».