Pour celles et ceux qui douteraient encore que la communication est un métier, la liste du vocabulaire spécifique utilisé par les professionnels du secteur, à laquelle il faut ajouter jargon, sigles et acronymes, atteste qu’il s’agit bien d’une communauté de métier, avec ses codes, ses pratiques et ses usages, qui définissent ou illustrent de nombreuses expertises.
Il y a 30 ans, il suffisait « d’un bon rédactionnel et d’un bon relationnel » pour se faire recruter en communication. Aujourd’hui, les exigences en compétences et appétences sont beaucoup plus nombreuses. De l’édition au numérique, en passant par les relations publics, des sujets de marque à la notoriété, en passant par la réputation, les communicants doivent accumuler les connaissances graphiques, typographiques, artistiques ou juridiques, et le vocabulaire qui va avec, pour une pratique quotidienne du métier, et pour interagir avec de nombreux experts métiers.
Il y a 30 ans, on utilisait un compte-fils (petite loupe destinée à vérifier les points de trame), on savait qui était Thibaudeau (imprimeur français qui a donné son nom à une classification typographique), et on signait des Cromalins (nom de marque lexicalisé désignant une épreuve de contrôle qualité en imprimerie). On imprimait sur Jésus, Cloche ou Cavalier (formats de papier) et on savait qu’il ne fallait pas boire un bouillon (exemplaires invendus d’une publication). Mais on ne savait pas qu’il faudrait un jour liker, faire le buzz ou se méfier des fake news.
Les mots de la communication évoluent à la même vitesse que le métier lui-même, et le vocabulaire s’enrichit, se complexifie, avec une tendance à s’inviter partout dans la société. Autant on reste dans le cercle des communicants quand on parle de content pruning (détection sur le web de contenus obsolètes), de link building (action de lier des contenus internet entre eux) ou de display (publicité sur internet), autant on intègre le débat public quand on parle de cancel culture (principe de délation et d’élimination de personne du débat public) ou de fact-cheking (vérification ou contrôle d’information), très utilisé dans les émissions politiques.
La langue française résiste
Des mots nouveaux apparaissent chaque jour, certains feront peut-être partie demain du vocabulaire quotidien des communicants. Je citerais par exemple le deplatforming, qui consiste à faire pression sur des fournisseurs de services en ligne afin qu’ils suppriment l’accès à leurs prestations à des personnalités ou à des marques, dans l’objectif de limiter leur audience, et donc leur influence. On peut également évoquer des nouvelles fonctions comme e-influence officer, personne, au sein d’une marque, en charge de la coordination du travail avec les influenceurs, ou sensitivity reader, métier émergent dont la mission est de s’assurer qu’il n’y ait rien d’offensant dans le contenu d’une publication ou d’une communication envers une communauté minoritaire.
La communication n’échappe pas à la globalisation, ce qui explique l’arrivée de nombreux mots anglais, souvent liés au numérique, intégrés au langage commun, faute d’équivalence française immédiate. La langue française reste tout de même fortement présente dans les métiers de tradition, notamment liés à l’imprimerie et à la typographie.
La langue française s’enrichit même de mots non utilisés dans l’Hexagone, et pourtant porteurs de sens. Citons la fonction de communicateur ou de communicatrice, utilisée dans certains pays francophones pour désigner les communicants disposant d’une expérience et d’une expertise métier, et qui permet de distinguer leurs compétences professionnelles des simples qualités personnelles de communicant, dont peut disposer toute personne. Car il est toujours utile de le rappeler : la com est un métier !