Après des mois de travail partiel, ralenti voire arrêté, le rapport à la valeur travail semble s’être pour de bon transformé. Les managers vont sans doute vivre l'une des périodes les plus compliquées de leur carrière. Ils sont déjà confrontés à des équipes qui ne veulent plus revenir sur leur lieu de travail. Ils doivent maintenant expliquer avec pédagogie que certes, nous nous sommes tous habitués à un rythme que nous jugeons à notre échelle individuelle efficace, mais qu'il n'est pas toujours efficient à l’échelle du collectif.
Si beaucoup d’entreprises et marques semblent vouloir communiquer à l’externe pour s’en sortir, nous pouvons penser que les investissements des prochains mois devront être fortement orientés sur l’interne. Il va falloir redonner le goût du contact humain. Car si certains sont ravis de ne plus supporter leur voisin de plateau ou leur chef, l’informel collectif est un puissant agent de créativité et d’innovation. C’est lui qui nourrit notre capital social, il génère l’innovation choisie et permet de faire évoluer rapidement les organisations au gré des conjonctures. Tout cela est aujourd'hui « télé-fragile » pour reprendre la sémantique d’Olivier Sibony, professeur affilié à HEC.
De fait, ne pas renouer avec notre réalité biologique, c’est ne pas comprendre la nuance entre ce qu’est une tâche et ce qu’est le travail. Oui, le travail à domicile nous permet de nous acquitter de tâches de manière plus efficace. Non, il ne permet pas de faire avancer une entreprise vers un objectif commun. Ce qui différencie une équipe de ses partenaires ou fournisseurs, c’est le fait que l’on œuvre ensemble à un but commun et que l’énergie d’un groupe est supérieure à la somme d’actions de ses acteurs. Nous touchons là à l'essence même de la culture d'entreprise.
Les agences en caisses de résonance
Désormais, il va falloir ré-éclairer cet objectif commun. Notre chance, c’est que les entreprises se sont déjà lancées dans cette réflexion depuis plus d’un an et cela devrait s’accélérer. Ce que la loi Pacte a lancé doit désormais aboutir à une réflexion de fond sur notre utilité, et non juste un exercice de raison d’être. Nous avons six mois maximum pour nous regarder dans le miroir en tant qu’entreprise et nous mobiliser pour que chaque business model ait un impact positif et tangible sur la société. Réfléchissons à ce que notre outil industriel, nos services, notre chaîne de valeur créent autant pour nous que pour les personnes indirectement reliées à notre business. C’est ici que le rôle des agences prend tout son sens. Véritables caisses de résonance des attentes du marché, leur travail consiste à rendre palpable des motivations et des aspirations afin que les entreprises et leur(s) marque(s) les adressent.
Nous avons l’opportunité de faire un saut de génération, ce que les anglo-saxons appellent un « leapfrog », un saut de grenouille. Ce saut oblitère toutes les réticences managériales, culturelles et techniques que nous avons rencontrées, il doit être à la hauteur du défi des prochains mois qui verront sans doute une montée du chômage de masse et donc d’une défiance envers l’économie et sa capacité à nous faire mieux vivre ensemble. Les entreprises à même de faire ce saut seront celles qui auront formalisé une culture forte du collectif. In fine, elles redonneront à voir la valeur travail et la beauté qu’il y a à réunir des gens qui ne se connaissaient pas pour œuvrer vers un objectif commun.
Les cycles économiques sont désormais accélérés, les succès sont rapides tout comme les déclins. La marque doit raconter l’histoire d’un destin engageant. La meilleure preuve de notre confiance en demain est un engagement en faveur d’une dynamique de changement.