Les marques doivent entrer dans l’ère de la communication en temps réel sous peine de ne plus être audibles et passer toujours plus pour de la pollution. «Ce qui n’est pas en temps réel ne compte pas.» Cette affirmation, assenée par Kevin Kelly, senior editor de Wired lors du dernier South by South West [11-20 mars 2016], n’est pas qu’une simple «punchline» bien sentie. Entre time-line Facebook, fil Twitter, notifications d’applis mobiles et messagerie instantanée, nous nous retrouvons aujourd’hui cernés, enfermés dans un monde temps réel. Vous avez beau scroller, les algorithmes et les fonctions limitées de recherche rendent quasiment impossible de remonter le temps, de sortir du temps réel. Snapchat est en quelque sorte la quintessence de ce nouveau monde où ce qui n’est pas en temps réel ne compte pas: autant le rendre éphémère et l’effacer à tout jamais.
Crédibilité de la communication
Avec la mise à disposition de tous de Facebook Live et le «coup de pouce» donné par le footballeur Serge Aurier à Periscope, ce phénomène s’accélère encore et c’est une nouvelle ère du temps réel qui s’ouvre aujourd’hui. Après l'user generated content (UGC), bienvenue à l'user generated live (UGL). Cette tendance, ou plutôt cette lame de fond, va avoir des conséquences directes sur la façon dont les marques communiquent. Ne doutons pas que les marques seront rattrapées par ce besoin de communication en temps réel. D’abord parce que le temps réel redonne de la crédibilité à la communication. La SNCF l’a bien compris en montrant des événements tournés la veille pour «remplacer» sa publicité traditionnelle. Ensuite parce que le temps réel permet de créer l’événement, de proposer de manière éphémère l’exceptionnel, et donc retrouver de l’attention et de la considération. Ici, c’est TF1 (et oui, même la télévision) et Samsung qui l’ont bien compris avec ce concert exceptionnel de Mika pour le lancement d’un nouveau smartphone, proposé en ouverture d’écran publicitaire.
Asynchronie
Mais si le temps réel crée des opportunités pour les marques, il représente peut-être surtout une véritable menace. Car, au milieu de contenus et d’événements live, une communication qui ne sera pas, elle, en temps réel, sera plus que jamais considérée comme de la pollution et rejetée. C’est l’asynchronie [ce qui ne se passe pas dans le même temps ou à la même vitesse] que risquent les marques, et plus que jamais le rejet. Avec ou sans ad-blocker.
On n’entre pas dans l’ère du temps réel sans répondre aux nouvelles exigences qu’il impose. Faire vivre l’exceptionnel, donner accès à l’inaccessible, rendre service au bon endroit au bon moment («kill the daily pain in the ass») sont les clés d’une communication live qui trouvera son public. Ceci nous vaudra, n’en doutons pas, une course à l’échalote, car pour continuer à conquérir cette audience, il faudra à chaque fois plus de sensationnel, plus d’extrême, plus d’intime encore. Communiquer en temps réel nécessitera aussi accepter et apprendre à gérer une part de prise de risque. Comme l’a montré le premier live du président de la République, les trolls, en ligne ou physiques, ne sont jamais très loin.
Lame de fond
Bien sûr, comme tout phénomène de fond, il aura aussi son contre-courant. Car en devenant peu à peu la norme, le temps réel générera également sa part de résistants. Certains réussiront sans doute à tirer leur épingle du jeu. Mais la tendance progresse comme une lame de fond. La communication, et a fortiori la publicité, ne seront plus jamais comme avant.