En publicité, il est faux de croire que la créativité nuit à la teneur du message à communiquer. La campagne de Bill Bernback pour la Coccinelle en 1959 en livre le triptyque magique, encore valable aujourd'hui.

«La créativité de la communication ne doit pas nuire par sa force ou son originalité à la teneur du message à communiquer.» Ce propos d’un dirigeant d’agence ne lasse pas de sidérer le publicitaire que je suis. Remarque préalable avant de venir au cœur de ma critique : «ne doit pas nuire par sa force ou son originalité.» Pourquoi «ou» ? C’est, en général, par son originalité qu’un message trouve une part de sa force.

Venons-en au fond. Comment la créativité pourrait-elle nuire à la teneur du message à communiquer ? Si c’est le cas, cette «créativité» n’a rien à voir avec ce que doit être la créativité, cette discipline qui, bien maîtrisée, conduit, non seulement à faire émerger (force et originalité) le message, mais, aussi, et surtout, à en exalter la teneur, c'est-à-dire à prendre en charge sa copy stratégie (promesse, preuve(s), bénéfice), en clair le ou les signifiés qu’il est demandé à la campagne de transmettre.

Exemple pris dans la campagne Volkswagen de Bernbach (la Coccinelle), plus que jamais d’actualité, le fouillis médiatico-publicitaire engendrant des campagnes dites «créatives», alors que, de plus en plus souvent, elles sont tout sauf créatives, dès lors que, pour sortir du fouillis, elles privilégient l’émergence du message à travers des petites «story» sans grand rapport avec l’ardente obligation de transmettre la copy stratégie (cf. la plupart des campagnes automobiles,  accumulation de petites histoires, étrangères à la réalité du produit, aboutissant à une telle confusion que les scores d’attribution se dégradent dangereusement).

Bernbach, donc : la campagne pour la Coccinelle, devenue mythique, parce que, comme la gastronomie de haut vol (cf. David Ogilvy), amalgame parfait de la force de percussion et de la pertinence, gage, encore une fois, d’une véritable créativité. 

Triptyque magique

Le triptyque magique est le suivant. D'abord, «coller» au contexte socioculturel : Mai 68, critique de la consommatoirité (l’automobile visée au premier chef).

Ensuite, «décoller » : le saut créatif est une prise de distance visuelle et textuelle vis-à-vis des stéréotypes qui dominent dans le monde automobile et dans le monde publicitaire. Résultat : la Coccinelle est très en retrait dans le manifeste publicitaire et le titre inscrit dans une typographie bas de casse est très discret : «No sale.»

Enfin, «recoller» : qui, mieux que la Coccinelle, pouvait supporter un tel décollage et une telle adhérence avec le contexte qui l’a vu renaître (on le sait, elle était née bien avant).

Il est à craindre que cette méthode, mieux ce savoir-faire (cf. la cuisine), que le fouillis médiatico-publicitaire imposerait de remettre à l’ordre du jour, ne disparaisse.

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