Les internautes sont fatigués de voir autant de contenus sponsorisés et de mises en scène idéalisées proliférer sur les réseaux sociaux. Il est temps de changer ça.

Qu’il s’agisse des reines de France dont la cour suivait les évolutions vestimentaires et capillaires ou des artistes de variété dont s’inspirent les fans, le principe de l’influence a en réalité toujours existé et va perdurer, quelle qu’en soit la forme. Le phénomène auquel on assiste depuis une dizaine d’années, et qui a en quelque sorte professionnalisé cette activité, réside dans la notoriété acquise par ces influenceurs via les réseaux sociaux, la taille de la communauté à laquelle ils s’adressent, et la rapidité avec laquelle ils peuvent faire et défaire les tendances à travers une simple publication en ligne.

Cette démocratisation de l’activité d’influence a également entraîné une prise de conscience sur le rôle des créateurs de contenus et également une méfiance quant à leur authenticité et leur fiabilité. Récemment testés dans une vidéo du YouTubeur Simon Puech, sur le respect de la loi influence, certains créateurs de contenu ont été épinglés quant à leur respect et leurs pratiques de placements de produits, malgré sa promulgation en juin 2023. Une récente étude réalisée par Harris Interactive en collaboration avec l'Observatoire Cetelem en 2023 met quant à elle en lumière le fait que 70% des Français ont une perception peu favorable des influenceurs.

Cet état de fait suppose donc, pour les marques, de repenser la manière de s’adresser à leurs cibles et de trouver le juste équilibre entre la visibilité et la confiance des consommateurs. Les influenceurs quant à eux sont invités à prendre conscience du pouvoir qu'implique leur position dans cette chaîne de valeur.

«La promobésité» entre lassitude et défiance

Avec la multiplication des médias sociaux, le paysage des influenceurs est saturé de contenus sponsorisés et de mises en scène idéalisées qui provoquent la fatigue des internautes. Selon une étude Odoxa, 51% des Français privilégient désormais l'authenticité dans les recommandations de produits, qu'elles viennent de personnalités connues ou d'individus ordinaires, lorsqu'ils parlent des marques qu'ils utilisent ou portent

Dans le même temps, on note une prise de conscience des internautes au sujet des stratégies marketing déployées par les influenceurs et ce manque de transparence autour des partenariats commerciaux contribue à miner la confiance des audiences. Certains cas, comme les influenceurs Simon Castaldi et Illan Castronovo, ont été pris en exemple par les autorités qui en ont dénoncé les pratiques de publicité cachée. Plus récemment, c’est le rappeur Booba qui a lancé une offensive en ligne à l’encontre de ceux qu’il a baptisé les «influvoleurs».

Si ces pratiques persistent, on assiste toutefois à une bascule de certaines marques qui prônent désormais une forme de retour à la réalité du quotidien plutôt qu’à son idéalisation, en raison notamment du contexte économique.

Une confiance qui doit se redessiner grâce au commun

L'approche traditionnelle de l'influence axée sur l'individualisme des créateurs de contenu et l'hyperpersonnalisation des entreprises semble perdre de la vitesse. Les internautes sont désormais plus sensibles aux connexions authentiques avec des créateurs qui partagent leurs valeurs. Dans une récente étude, Bazaarvoice révélait que 46% des Français considèrent les citoyens lambda comme la meilleure source d'influence, devant les célébrités (18%) et les stars des réseaux sociaux (10%). Plutôt que de suivre aveuglément les tendances dictées par les influenceurs traditionnels, les internautes préfèrent du contenu en phase avec leurs aspirations et leurs opinions. Cette approche favorise une influence plus organique et durable, basée sur des valeurs partagées plutôt que sur la notoriété.

Au-delà de ces considérations philosophiques, on peut également imaginer que le quotidien des Français, loin des images d’Épinal proposées par les créateurs de contenus, explique aussi ce changement de nature de l’influence. Alors que l’inflation a entamé de manière significative le pouvoir d’achat des Français ces dernières années, il est devenu de plus en plus compliqué de s’identifier à des individus qui offrent la vision d’un quotidien idéalisé à base de voyages de luxe et autres vêtements de créateurs.

L'adaptation des créateurs de contenu et des marques à ce nouveau modèle est lente et continue de creuser le fossé entre citoyens et organisations, sapant ainsi la confiance mutuelle. Cette situation interroge notre rapport à la confiance dans la société et suggère une nouvelle orientation vers des valeurs collectives. Avec leur pouvoir, les influenceurs se doivent d'orienter la société vers un modèle moins individualiste en promouvant la solidarité, en valorisant la diversité et l'inclusion, en encourageant la responsabilité sociale, en favorisant le bien-être mental et en facilitant le dialogue et l'échange au sein de leurs communautés en ligne.

Risque de «value-washing»

Leur capacité à fédérer un large public autour de sujets philanthropiques est remarquable et témoigne de l'impact positif qu'ils peuvent avoir. Un exemple notable est celui du marathon du streaming caritatif organisé par Zeevent, qui vise à soutenir diverses associations telles qu'Action contre la faim et Amnesty International. En 2022, cet événement a permis de récolter plus de 10 millions d'euros.

Ce modèle perdurera, mais son évolution est inévitable pour répondre aux nouvelles attentes des citoyens et refléter leur réalité. Sur le plan sociétal, ce débat a permis d'assainir l'écosystème et de réfléchir à nos modes de consommation ainsi qu'à la place de la confiance dans notre société, offrant ainsi une perspective plus globale. Comment garantir que la transition vers une influence responsable ne se transforme pas en «value-washing», où les intentions initialement positives sont détournées à des fins lucratives ?