Même si l'on peut discuter sur la forme la mise en scène de la veille de crise sur écrans géants façon « war room » dans la série La Fièvre, sur le fond, grâce à l’IA, la réalité de notre métier pourrait bientôt dépasser la fiction.
L’hypothèse d’un embrasement de la société sur le terreau d’une crise que pose la série de Canal+ La Fièvre est pertinente. Dans le contexte actuel, tout peut arriver. Que l’on soit une personnalité, une marque ou un gouvernement, être lucide sur l’état de la conversation en ligne est une condition sine qua non pour faire les bons choix et maîtriser sa communication. Ne pas sur-réagir face à une polémique cantonnée dans une communauté hermétique mais ne pas négliger une crise qui enfle, accorder une attention suffisante aux signaux faibles, faire le tri entre critiques infondées et attentes légitimes, identifier des tendances de fond ou des traits d’image qui permettront de construire (ou reconstruire) un discours, une réputation : à l’heure du complotisme permanent et de l’accélération des crises, il n’y a pas de bonne communication sans un solide dispositif de veille et d'analyse.
Capter les bons insights se fait sur la base d’éléments quantitatifs (quel impact) et qualitatifs (quels émetteurs, quelle influence, quelle tonalité). L’analyse des retombées doit être holistique et ne pas se limiter à tel ou tel pan du champ informationnel (online, offline). À charge pour le veilleur de mettre l’ensemble des éléments en perspective pour consolider une analyse croisée, à 360 degrés. Cette « matière première » forme le socle sur lequel ancrer les recommandations de communication.
Optimisation et accélération
La veille média et social media s’appuie aujourd’hui encore sur les outils du marché (dont certains ont déjà une « couche » d’IA intégrée) : plateforme de social listening, pige médias, retranscriptions..., mais surtout sur la capacité des analystes à déchiffrer une masse d’information entrante en un minimum de temps. C’est ici que l’IA change la donne, en optimisant toutes les étapes du cycle de veille, de la collecte à la diffusion.
Premier apport : l’optimisation de la collecte. La qualification des mots-clés et des sources est accélérée, les corpus mieux définis, et l’IA facilite l’identification de séquences vidéo. Deuxième avancée : l’accélération de l’analyse. Une synthèse de presse est désormais obtenue en une poignée de minutes. On dispose en quasi-temps réel des angles saillants du traitement. L’analyse de commentaires issus des réseaux sociaux est aussi facilitée par l’IA, qui dégage immédiatement les grandes tendances et des signaux faibles jusqu’ici invisibles dans la masse des verbatims. L’autre grand progrès concerne l’analyse du sentiment. Avec l’IA, le décryptage de la tonalité est plus fin, il tient compte de l’ironie, et tend vers l’exhaustivité. La capacité de calcul de l’IA permet l’analyse sémantique en un temps record sur de larges sets de données.
La cartographie de communautés en ligne est, elle aussi, facilitée par l’IA. Plus besoin d’être expert Gephi pour détecter les sphères d’influence et identifier les forces en présence, du type de celles attisées par Marie Kinsky et ses proxys dans La Fièvre…
Reste le graal de tout veilleur : prévoir la crise avant qu’elle n’arrive. Science-fiction ? Certains outils permettent déjà d’estimer la viralité probable d’un article sur les réseaux sociaux en se basant sur le comportement des contenus du passé. À plus grande échelle, on peut imaginer nourrir une IA avec les données de crises antérieures afin d’anticiper celles qui ne manqueront pas de survenir.
En matière de veille, la machine n’est pas près de remplacer l’humain. L’analyse est toujours nourrie d’un contexte, des problématiques du client, d’une relation de confiance impossible à reproduire. Mais l’intelligence artificielle permet de gagner du temps. Beaucoup de temps. C’est de ces précieuses minutes d’intelligence humaine reconquises grâce à l’IA qu’émergeront des décisions mieux réfléchies. Elles permettront la mise en œuvre d’actions de communication plus efficaces. De celles qui pourront peut-être contribuer à faire baisser la fièvre.