Début janvier 2025, Stéphane Delaporte passera la main à Line Gasparini, directrice générale adjointe, qui deviendra ainsi directrice générale de la régie de la PQR 366, présidée par Thierry Hugot. Interview croisée.
Comment se porte 366 et quel bilan tirez-vous de cette année 2024 ?
Stéphane Delaporte. Avec les Jeux olympiques, nous avions prévu de réaliser 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires additionnel, nous en avons fait 4,5 millions, mais dans le même temps, les annonceurs non concernés par l’événement ont beaucoup moins investi. Sur le digital, ce sera une très bonne année pour nous, avec une croissance de plus de 20 %, et l’on surperforme par rapport au marché. Au global, entre la croissance interne et externe, notre chiffre d’affaires a progressé de 60 % ces dix dernières années. Et puis, nous pouvons nous appuyer sur la puissance du média Diverto qui a été lancé en janvier 2023 et représente désormais 11 % des revenus de 366. D’ailleurs, notre dispositif publicitaire d’origine (PQR66) qui représentait 75 % du chiffre d’affaires en 2014, s’établit à 50 % du CA en 2024, preuve de l’importance de la diversification de nos revenus.
En septembre, vous annonciez l’arrivée de 20 Minutes dans votre inventaire…
Line Gasparini. L’intégration de 20 Minutes, en nous faisant passer le seuil des 10 millions de visiteurs uniques par jour, nous renforce, faisant de 366 la première régie publisher. Cela nous a aussi permis d’avoir une meilleure couverture incluant l’Île-de-France et de nous développer sur des cibles plus jeunes et sur le divertissement. Nous avons d’ailleurs créé des offres couplées avec 20 Minutes (Divertissimes…).
Thierry Hugot, vous êtes à la fois président non exécutif de 366, et directeur commercial et marketing du groupe Rossel… Quel est le rôle de 366 aujourd’hui ?
Thierry Hugot. 366, c’est d’abord un outil : notre régie nationale, un « one-stop-shop » [guichet unique] pour toute la PQR. Elle nous aide à fédérer tous nos titres sur le plan business, car il y a de nombreux médias, de taille et de culture diverses, et il faut accompagner tous les éditeurs vers une vision commune du business et de l’offre. L’objectif : formater une offre qui soit la même partout. Au niveau européen, les annonceurs commencent à centraliser leurs achats, c’est par exemple ce que fait actuellement la banque ING. Il y a la nécessité d’être dans les dix premières régies sinon on existera plus. Pour exister à l’international, il faut massifier. 366 est complémentaire des régies locales des groupes de PQR : elle prend en charge les annonceurs nationaux et intermédiés.
366 c’est aussi une vitrine pour le média PQR (plus de 5 800 journalistes, 57 titres, une dizaine de groupes), au service de son image pour montrer son dynamisme, sa modernité…
Comment avez-vous construit le nouveau projet de 366 ?
T.H. Stéphane a porté ce projet pendant dix ans. Il ne représentait pas seulement une régie mais un média : la PQR. Sa succession n’était pas simple et nous avons repoussé son départ, en attendant d’avoir construit le projet pour la suite. Il est issu d’une réflexion globale sur plusieurs pays européens et sur la manière dont évolue le marché publicitaire. Du côté de la vidéo, les chaînes sont devenues des plateformes globales qui englobent le linéaire et le digital, et commercialisent leurs espaces. Idem du côté du DOOH, qui a aujourd’hui son propre système d’achat en programmatique. La TV et l’affichage ont compris qu’il fallait mettre en place un système de « walled garden » [écosystème publicitaire fermé].
Et la presse, alors qu’elle était la première arrivée sur le digital il y a vingt-cinq ans, est toujours vendue dans l’open web, en étant dépendante des plateformes pour les prix, les formats, les KPI. Et comme il y a 3 000 à 4 000 sites de presse en France, il y a ainsi des milliards d’impressions disponibles sur le web.
Nous devons porter une nouvelle plateforme technologique, indépendante, et performante pour notre média. C’est un gros projet technologique qui représentera plusieurs millions d’euros d’investissements. Elle sera à disposition de toutes les régies de PQR, et sera pensée pour le marché national et local. Un outil qui peut avoir vocation à être ouvert à d’autres. Nous devons créer cet écosystème du publishing premium de qualité, qui touche le digital et le print, et nous permettra de maîtriser les coûts, la data…
Cette nouvelle plateforme fait partie du projet global « Fast forward ». Comment allez-vous le porter, Line ?
L.G. J’accompagne depuis six ans 366 aux côtés de Stéphane et Thierry, et j’ai participé à l’écriture de cette nouvelle feuille de route. C’est plus simple. Depuis cinq ans, nous n’avons pas fait un seul recrutement qui ne soit fort en digital et dans la production de contenus. Nous allons poursuivre l’embauche de profils pointus : nous venons de créer un pôle de production de contenus que nous avons confié à Adèle Tanguy, ex-directrice générale adjointe de Nice-Matin.
L’enjeu, y compris avec cette nouvelle plateforme, c’est à la fois la massification et la simplification. D’ailleurs, elle a vocation à être pluguée aux DSP [demand-side platforms] des agences médias afin qu’elles aient tout au même endroit : pilotage, data, bilan de campagnes…
En parallèle, nous avons un gros enjeu de diversification de contenus, en créant de nouvelles verticales au-delà de l’information chaude sur du divertissement, du lifestyle… en accélérant sur la vidéo.
Enfin, dès le début de 2025, nous allons déployer une stratégie « one brand » afin d’inciter les annonceurs à coupler print et digital, en optant pour un format homothétique premium.
Comment est née la régie 366, et comment a-t-elle évolué durant cette décennie ?
S.D. À l’origine, la presse quotidienne régionale disposait de plusieurs entités commerciales à Paris. C’était flou pour les annonceurs. Nous sommes progressivement passés de cinq à deux structures, puis en 2014, les éditeurs ont créé 366, la régie unique de la PQR, avec comme objectif de disposer d’un « one-stop-shop », un accès unifié, simple et puissant à la PQR. Cela nous a permis de massifier les offres.
Nous avons été précurseurs sur la montée en puissance du digital et l’adoption de la techno en étant la première régie avec une SSP/DMP intégrée. Et aussi sur le positionnement et notre corpus de valeurs : la proximité, la RSE, la transparence, la quête de sens, le lien social… Avec la crise des Gilets jaunes, puis le covid, tout le marché et toute la société se sont emparées de ces valeurs.