Apparu il y a 40 ans dans le paysage audiovisuel français, Canal+ a, depuis, réussi à imposer son modèle «hybride». Fort de plus de 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, Canal+ reste néanmoins déficitaire dans son pays de naissance et doit faire face aux nombreuses critiques politiques qui visent le groupe en France.

Il est loin, le temps des décodeurs et de la chaîne cryptée pour cadres « chébrans » de la France de Mitterrand : lancée le 4 novembre 1984 par Havas et son patron André Rousselet, Canal+ est devenue en 40 ans un groupe qui pèse lourd dans l’audiovisuel mondial.

Son + : un modèle hybride

Le groupe Canal+ a bâti son succès sur un modèle hybride. Il est, d’une part, diffuseur et producteur de contenus (sa vocation historique) et, de l’autre, agrégateur d’offres extérieures. Via sa plateforme myCanal et ses différentes offres, les clients peuvent accéder aux programmes d’autres acteurs, comme les géants Netflix ou Disney +.

myCanal a donc l’avantage d’être une porte d’entrée unique dans un paysage caractérisé par « une fragmentation des offres et des droits », soulignait le président du groupe, Maxime Saada, lors d’une audition à l’Assemblée nationale fin février 2024. Cette stratégie mondiale paye. En 2023, le chiffre d’affaires du groupe a dépassé les 6 milliards d’euros, 188 millions de plus qu’en 2022.

26 millions d’abonnés à l’international

Le groupe n’a cessé de s’étendre, d’abord en Europe, puis au-delà. Près des deux tiers de ses 26 millions d’abonnés se situent désormais hors de France, et son réseau de distribution de films et séries est présent sur l’ensemble des continents.

Début 2024, Canal+ a lancé une offre publique d’achat sur le géant sud-africain de la télévision MultiChoice, dont il est déjà le premier actionnaire. Cette position lui a permis de prendre pied en Afrique anglophone et lusophone, où MultiChoice compte 23,5 millions d’abonnés dans plus de 50 pays. C’est « la prise de participation stratégique la plus ambitieuse » de l’histoire du groupe, selon Maxime Saada.

Canal + a aussi augmenté en 2024 ses participations dans le capital de Viu, opérateur hongkongais de streaming, et dans celui du scandinave Viaplay, dont il est le premier actionnaire. Maxime Saada ne cesse cependant de le marteler : « la réglementation nationale est devenue un frein à l’expansion et à la rentabilité des acteurs français », alors que Canal+ reste déficitaire dans son pays de naissance.

Canal + bientôt coté à Londres ?

Une échéance importante attend Canal+ : son propriétaire Vivendi, géant des médias et de l’édition, prévoit de scinder ses activités en décembre 2024 et de donner leur indépendance au groupe audiovisuel, à son groupe de communication Havas et à ses activités d’édition. La première cotation des trois sociétés doit intervenir le 16 décembre, en cas de feu vert de l’assemblée générale des actionnaires le 9.

Canal + serait coté à Londres « afin de refléter sa dimension internationale », projette Vivendi. Ses équipes resteraient en France. But de l’opération ? Proposer « une solution attrayante pour les investisseurs internationaux », appuie l’entreprise, qui ambitionne de nouvelles acquisitions pour Canal +.

Foot et ciné, les deux piliers ?

Depuis 40 ans,Canal+ attire ses abonnés français par des films sortis en salles depuis six mois seulement et par le sport, en particulier le foot. Le groupe est le premier financeur de la création cinématographique, avec une contribution annuelle de 200 millions d’euros.

Côté foot, Canal+ diffuse toutes les Coupes d’Europe (Ligue des champions, Ligue Europa et Ligue Conférence) ou le Championnat d’Angleterre, en plus du rugby ou de la F1. En revanche, et c’est une révolution, la chaîne qui était le diffuseur historique de la Ligue 1 française n’a pas pris part aux négociations pour les droits actuels. Ils ont été attribués à DAZN et beIN Sports.

L’ombre de Bolloré

Ces dernières années, la success story économique a été ternie par les critiques politiques qui visent le groupe en France. Ses chaînes gratuites CNews et C8 sont accusées par la gauche de pencher à l’extrême droite et de promouvoir les idées conservatrices du milliardaire Vincent Bolloré, qui a pris le contrôle de Vivendi à partir de 2014. Le groupe s’en défend catégoriquement. « Tout ça, c’est des tartes à la crème […] je n’ai aucun projet idéologique », soutenait le magnat en mars, devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale.

Mi-octobre, un syndicat de Canal+, +Libres, a déploré que l’une des chaînes du groupe, Planète +, adapte en série le livre Le suicide français du responsable d’extrême droite Eric Zemmour. Ce syndicat « regrette une nouvelle fois que le groupe serve de support idéologique à des idées qui ne soutiennent en rien les objectifs de l’entreprise ».

Par ailleurs, C8 va perdre sa fréquence fin février. Elle n’a pas été renouvelée par l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, après les multiples dérapages de son animateur vedette, le controversé Cyril Hanouna. Ils ont valu à la chaîne un total de 7,6 millions d’euros d’amendes ces dernières années.

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