Le rejet controversé des eaux usées de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima dans le Pacifique a déclenché une vague de désinformation en Chine, avec des posts viraux faisant état, sans fondement scientifique, d’une contamination inquiétante de l’océan.
« En rejetant en mer l’eau nucléaire contaminée de #Fukushima, le Japon lâche Godzilla, symbole de son propre traumatisme nucléaire, sur le monde », a écrit Zhang Meifang, consule générale de Pékin à Belfast en légende d’une animation postée sur X (ex-Twitter), montrant le monstre Godzilla cerné par les flammes. L’agence chinoise d’Etat Xinhua a visiblement été la première à poster cette vidéo sur le réseau social X, interdit en Chine. Le Japon a commencé jeudi à rejeter en mer de l’eau issue de la centrale de Fukushima, accidentée en 2011.
Ce premier déversement devrait durer environ 17 jours et porter sur quelque 7,800 m3 d’eau contenant du tritium, une substance radioactive qui n’est dangereuse qu’à des doses hautement concentrées. Le processus a été validé par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et Tokyo assure qu’il sera sans danger pour l’environnement et la santé humaine. Cela n’a pas empêché la chaîne publique chinoise en anglais CGTN de diffuser la parodie d’une chanson affirmant que le Japon déversait en mer de « l’eau polluée et du poisson empoisonné ».
Post « trompeur »
« Bien sûr, il faut s’opposer » à ces rejets, a renchéri Hu Xijin, l’influent ex-rédacteur en chef du tabloïd étatique Global Times, sur le réseau social chinois Weibo, où il est très suivi. « Cela pollue les océans et crée des risques connus à long terme que nous ne comprenons pas bien », a-t-il affirmé.
Des animations tronquées montrant des matériaux radioactifs contaminant le Pacifique ont aussi tourné de façon virale. L’une d’elles, avec ses courants rouges et violets se répandant à partir du Japon à travers le Pacifique, a été abondamment diffusée, sur des comptes suivis par des centaines de millions de personnes.
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Elle a en fait pour origine une étude de 2012 du centre de recherche sur les océans Geomar Helmholtz, à Kiel, en Allemagne, et montre la dispersion à long terme du césium dans l’océan Pacifique à la suite de l’accident de 2011. Or le professeur en science environnementale Jim Smith, de l’université de Portsmouth, a expliqué à l’AFP qu’il était « trompeur » d’utiliser cette simulation pour évoquer les récents rejets de Fukushima.
« Le tritium au moment de son rejet dans le Pacifique est dilué dans une grande quantité d’eau », ainsi la radioactivité tombe « rapidement à un niveau dont la différence avec l’eau de mer normale n’est pas discernable », a relevé Tom Scott de l’université de Bristol.
Rayons de sel vides
Des images, diffusées sur Weibo en direct, de vendeurs de produits de la mer visiblement contrariés ont suscité de nombreux commentaires négatifs, les accusant de vendre de la marchandise polluée. « Vends-la rapidement. Si tu ne la vends pas maintenant, tu ne la vendras jamais » ou « Je n’ose pas manger ça. Va te faire cuire un oeuf ».
La Chine a suspendu depuis la semaine dernière toutes les importations de produits de la mer en provenance du Japon, en réaction au début du rejet de l’eau de Fukushima. De nombreux chinois ont acheté du sel, avec en tête l’idée fausse selon laquelle le sel iodé protège des radiations, ou paniqués à l’idée que le sel de mer issu du Pacifique puisse être contaminé.
La principale entreprise chinoise d’État productrice de sel a appelé dans un communiqué les consommateurs à ne pas faire de « réserves aveuglément », après la diffusion d’images montrant un rayon de sel vide dans un magasin. À Hong Kong, le gouvernement a diffusé un communiqué pour expliquer que les réserves de sel de table étaient « stables » et appeler la population à ne pas s’inquiéter.
Dans cette ville, la chaîne de télévision i-Cable a retiré, quelques heures après l’avoir mis en ligne, un reportage comparant les niveaux de rejets de tritium de centrales nucléaires en Asie. Interrogée par les médias locaux sur les raisons de ce retrait, la chaîne a répondu qu’elle ne faisait pas de commentaire sur ses choix éditoriaux.