Deux missions livreront prochainement leurs conclusions sur l'intégration de l'intelligence artificielle générative dans les contenus.
Alexandra Bensamoun, professeure de droit, est au centre de deux missions demandées par Rachida Dati en avril dernier au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. La première, avec Frédéric Pascal, vise à rendre une expertise sur l'obligation de transparence prévue par l'article 53 de l'IA Act. À eux deux de déterminer quelles informations devront être rendues publiques pour permettre aux auteurs et aux titulaires du droit voisin de faire valoir leurs droits face à l'intelligence artificielle. Ses conclusions sont attendues en décembre. La seconde, avec Joëlle Farchy, est programmée pour l'an prochain et vise à assure l'effectivité du recouvrement des droits.
Au cours d'une table ronde aux Rencontres de l'ARP, le 7 novembre, l'experte a levé un coin du voile en rappelant que l'exception au droit d'auteur existe pour la fouille de données – dans la recherche. Elle est donc possible à condition de respecter le droit d'opposition (opt out) du titulaire. Pour vérifier que cette condition est remplie, il faut de la transparence à travers un résumé suffisament détaillé des sources. « Nous aurons une position équilibrée qui ne fera pas plaisir à tous », a-t-elle déclaré, en disant avoir des « indices » que des œuvres servent à l'entraînement de l'IA. Un « guichet unique » est évoqué pour gérer l'ensemble des projets culture et médias.
Pour l'heure, comme l'a rappelé Patrick Raude, secrétaire général de la SACD, après les partenariats du Monde ou d'Axel Springer avec Open AI, une interface adaptée aux scénaristes a été créée avec ChatGPT par Genario qui « peut se servir des œuvres de nos membres pour entrainer ses moteurs ».
Benoît Tabaka, secrétaire général de Google France, insiste sur la nécessité de vérifier l'effectivité de l'opt out sachant qu'« il n'existe pas de ligne de code universelle pour refuser ». Selon lui, en matière de rémunération, il faut distinguer l'entraînement qui se fait ponctuellement pour les grands modèles de langage – pour lequel l'opt out prend tout son sens – et l'utilisation quotidenne de contenus protégés. « Il n'y a pas d'accord conclu, ce qui ne veut pas dire qu'on y est opposé, dit-il. Il faut qu'on réfléchisse ensemble à où va se faire la distribution de la valeur ». Encore faut-il pouvoir tracer les images à travers un marquage.
Un « stagiaire qui pré-mâche »
En attendant, l'IA est déjà une réalité dans le cinéma. Le producteur Marc Missonnier s'en sert pour avoir un avoir « un résumé ou un tri » dans les scénarios. Il la voit présente « sur tous les aspects de fabrication d'un film » : décor, figuration, sous-titrage... « Ce peut-être des outils formidables pour aider à la création », note-t-il.
Le scénariste Alexandre Pachulsky assume le recours à une sorte de « stagiaire qui pré-mâche » : « Je dis à l'IA : donne-moi des idées, confie-t-il. Arrive ce qu'on pourrait prévoir de pire. Je ne retiens aucune de ses propositions, mais cela me donne des idées. » Pour faciliter un pitch ou un synopsis, voire pour prompter un scénario, l'intelligence artificielle générative répond aux attentes de demain. La plateforme Wscripted, dirigée par Ellie Jamen, génère par exemple des résumés et des fiches de lecture. Elle permet de lire des projets et d'en amener en haut de la pile avec des femmes ou des acteurs de la diversité « en dehors du réseau ».