En se précipitant sur BFMTV la veille de la diffusion de l’enquête d’Envoyé spécial le mettant en cause, pour être très longuement interviewé par Bruce Toussaint, Nicolas Hulot a appliqué la règle n°1 des communicants de crise : «parler le premier» pour «désamorcer». Cette stratégie lui avait particulièrement bien réussie en 2018 lors de la publication par Ebdo d’un article sur la plainte déposée à son encontre par Pascale Mitterrand.
C’est déjà sur BFMTV, face au micro de Jean-Jacques Bourdin, que celui qui était alors ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire, s’était exprimé et avait nié en bloc les accusations relatées par deux journalistes. Avait suivi toute une série de manifestations de soutien au plus haut niveau, du président de la République au Premier ministre, jusqu’à cette longue tribune, publiée dans le Journal du dimanche, par la secrétaire d’Etat à la condition féminine, se portant garante de l’innocence de Nicolas Hulot.
Opération sauvetage réussie : le ministre était resté au gouvernement (quelques mois) avant de le quitter de manière fracassante en direct sur une radio du service public et Ebdo a déposé son bilan peu de temps après. Bernard Kouchner, mis en cause quelques années plutôt par Pierre Péan pour ses liens avec la France-Afrique, avait suivi exactement la même stratégie de communication avec le même résultat.
Une remarquable promotion d’Envoyé spécial
Les réactions croissantes suscitées par la diffusion d’Envoyé spécial jeudi 25 novembre tendent à montrer que cette nouvelle tentative d’étouffement n’a pas rencontré le même succès, loin s’en faut. Tout d’abord, on remarquera que Nicolas Hulot, par ses déclarations, a assuré une remarquable et très efficace promotion d’Envoyé spécial qui a été suivi par 3,35 millions de téléspectateurs, contre 1,7 million pour le précédent numéro, faisant de France 2 la première chaîne de la soirée (ce qui ne lui arrive que très rarement).
Par ailleurs en 2018, Nicolas Hulot avait contredit les accusations portées contre lui avec vigueur. En axant cette fois-ci sa communication sur le refus de se défendre (pendant 35 minutes tout de même) au motif que «la parole des femmes étant sacrée», il était condamné d’avance. L’ancien animateur de télévision entendait éviter d’entrer dans une discussion témoignage par témoignage, il voulait surtout accréditer l’idée d’une sorte de procès en sorcellerie ou apparaître comme le bouc émissaire d’une cause devenue mondiale. Mais, la diffusion de l’enquête très soignée de France 2, et notamment l’émotion, la douleur tellement palpables de trois des témoins, plus de 30 ans après les faits, n’ont laissé aucune crédibilité à ce système de défense.
Ils n’ont aussi fait que souligner le manque total d’empathie et l’égotisme de Nicolas Hulot, au point de déclencher de nouvelles dénonciations. Enfin, en déclarant se retirer définitivement de la vie publique, celui-ci a envoyé un message sur sa possible culpabilité, comme l’a très subtilement relevé Jean-Michel Blanquer dans la matinale de France Inter, qui n’était sans doute pas celui qu’il voulait faire passer.
Il n’y a pas de bonnes règles sans exception et le fiasco médiatique de la communication de Nicolas Hulot en apporte la preuve. Il conduit aussi à s’interroger sur le rôle de certains médias et leur acceptation de se faire instrumentaliser, au nom de leur propre course à l’audience. Cette instrumentalisation n’a pas fonctionné en l’espèce mais elle aurait pu modifier la perception de l’opinion sur un sujet dont la gravité aurait mérité un vrai traitement journalistique.