En quatre ans, la marque de cosmétiques Yepoda s'est fait une place dans les salles de bains. Vendue comme une routine préventive, plébiscitée par les influenceuses beauté, elle surfe sur la tendance de la K-Beauty et semble séduire de plus en plus d’Européens. Retour sur les rouages de cette success story.
Elle est sur toutes les bouches et peut-être même sur toutes les peaux, elle est visible partout sur les réseaux sociaux, il s’agit de la marque de cosmétiques largement empruntée de la K-Beauty : Yepoda, soit « jolie » en Coréen. À tel point qu’il a été difficile de la joindre, c’est d’ailleurs leur première interview dans la presse française. Sa réputation, elle la tient d’une routine en sept étapes, comprenant baume, brume hydratante, sérum réparateur, ou encore masque de nuit… et surtout de son action préventive. « La skincare coréenne a toujours été préventive, du côté des Occidentaux, très souvent, les gens n’utilisent pas beaucoup de produits, ils commencent à les utiliser après coup. Aujourd’hui, nous savons qu’en prenant vraiment soin de sa peau, et je pense que le meilleur exemple reste le SPF, c’est en fait le meilleur moyen de l’entretenir », avance Veronika Strotmann, cofondatrice de la marque. Sur les réseaux sociaux, la tendance « glass skin » fait des ravages et vante la peau des Coréennes comme l’une des plus belles. Un argument de vente séduisant pour la population européenne, cible principale de Yepoda qui propose ainsi une base universelle et permet aux différents marchés d’adapter leurs routines selon leurs besoins.
Ses fondateurs, Sander Dyun-Jang et Veronika Strotmann, n’avaient aucune expérience dans le milieu de la cosmétique et pourtant ils se sont lancés dans cette aventure juste avant le covid. Ils ont misé sur une communication digitale avec la création d’un site internet, d’un compte TikTok et de plusieurs comptes Instagram à destination de leurs clientèles française, allemande, espagnole et italienne, soit leurs principaux marchés. Au global, ils comptabilisent environ 500 000 abonné(e)s. Cette popularité sur les réseaux, ils l’ont engrangée grâce à leur stratégie d’influence, que certains pourraient juger comme un matraquage publicitaire. Preuve à l’appui, en avril dernier, Yepoda organisait un voyage en Corée du Sud invitant des créateurs et créatrices de contenus français(e), allemand(e) et belge à découvrir les coulisses de la marque. « Les collaborations que nous faisons avec les influenceurs et les créateurs de contenus sont fondamentales pour nous, puisqu’ils jouent un rôle essentiel dans la création et la croissance de notre business », explique Sander Dyun-Jang. Jusqu’à maintenant, la start-up spécialisée dans la skincare coréenne réalise toute sa communication en interne et ne fait appel à aucune agence.
À l'écoute de la communauté
Une autre clé de voûte dans leur stratégie : créer un lien fort avec leur communauté. « Nous demandons souvent leur avis sur ce qu’ils aimeraient voir prochainement comme produits. C’est un réel travail que nous développons ensemble puisque nous prêtons un grand intérêt à leur retour d’expérience », complète Veronika Strotmann. Un lien qui se renforce avec leurs abonné(e)s grâce à leur transparence. Yepoda est partenaire de 1% for the Planet et reverse 1% du montant de chaque commande à des associations de protection de l’environnement. En 2023, à l’occasion du mois des Fiertés, l’artiste So Lazo a collaboré avec Yepoda pour créer une édition limitée d’un de leur produit phare en reversant 100% des bénéfices, soit 30 000 euros, à LSVD, l’une des plus grandes associations LGBTQIA+ en Allemagne. Cette année encore, ils réitèrent l’expérience en répartissant les contributions entre des associations situées en Allemagne, Italie, Espagne et France. « Désormais, nous avons affaire à des client(e)s éduqué(e)s, ce qui est difficile en termes de marketing, mais aussi une bonne chose pour nous. Je pense que c’est important d’inviter les gens à interagir avec nous sur ces sujets. Plusieurs fois, nous les avons sollicité(e)s pour leur demander à quelles associations nous devions faire des dons, apportant un côté plus humain à notre marque », affirment les cofondateurs.
En décembre 2023, la marque inaugure son tout premier pop-up store à Milan, puis un second à Rome, et permet à Sander Dyun-Jang et Veronika Strotmann de voir l’engouement du public pour leurs produits : « Chaque jour, les client(e)s faisaient la queue. Cela nous a permis de les rencontrer et de nous rapprocher encore plus. » À l’avenir, les fondateurs souhaitent privilégier ces magasins éphémères plutôt qu’en ouvrir en propre. En seulement quatre ans d’existence, Yepoda compte 65 salariés issus de 20 nationalités différentes dans son siège à Berlin et comptabilise 600 000 clients, principalement féminins, entre 18 et 34 ans. La marque cherche encore à se diversifier puisqu’en mars de cette année, elle a introduit un produit hybride, le Dewy Day, un fond de teint alliant soin et maquillage.
Un marché coréen en forte croissance
Même si la beauté reste le domaine de prédilection de la France, la Corée du Sud se fraye petit à petit un chemin dans ce club très privé. Elle est devenue le 4e exportateur de cosmétiques au monde, avec 7,5 milliards de dollars en 2022, contre 4,2 milliards en 2016. En 2021, le gouvernement coréen avait formulé cet objectif : atteindre le rang de troisième exportateur mondial à horizon 2024. La production annuelle de cosmétiques sur le sol coréen a, de son côté, doublé en dix ans, s’établissant aujourd’hui à près de 10 milliards de dollars. Le marché mondial de la K-Beauty pourrait peser 21,8 milliards de dollars d’ici 2026, selon Allied Market Research, une agence américaine basée à Portland. Le couple a senti le filon après de nombreux voyages en Corée du Sud et de constantes demandes de leurs proches pour ramener des cosmétiques du pays : « Nous ne nous sommes pas contentés de dire “nous allons fabriquer des produits coréens”. Nous avons commencé par faire des recherches sur le marché de la beauté, mené des études de marché pour comprendre les consommateurs de produits de beauté occidentaux et nous avons remarqué que la beauté coréenne était en train d’établir une nouvelle norme dans l’industrie de la beauté. Après une période de réflexion, nous avons décidé de construire notre marque autour de cinq piliers. » L'un d'entre eux est de produire et de fabriquer tous leurs produits en Corée, justifiant l’innovation pionnière du pays dans l’industrie cosmétique. Leur second argument de vente repose sur l’idée d’une marque propre avec des « ingrédients naturels et vegan, ce qui n’est pas courant en Corée », appuie Sander Dyun-Jang avant de reprendre : « Je pense qu’il y a quelque chose de personnel aussi. Je suis à moitié coréen et à moitié hollandais et j’ai grandi aux Pays-Bas. Pour autant, j’ai toujours été le garçon asiatique de la classe. À partir de là, je pense que c’est aussi pour moi une source de fierté d’apporter quelque chose de la Corée et de le partager avec l’Europe. » Ils n’ont pas souhaité communiquer leur chiffre d’affaires, ni leur bénéfice, le seul indicateur de performance est leur taux de croissance : 275% pour le premier trimestre 2024.
Chiffres clés
65 Nombre de salariés, issus de 20 nationalités.
600 000 Nombre de clients, principalement des femmes entre 18 et 34 ans.
+ 275% Croissance au premier trimestre 2024.