La plateforme de livraison de courses et de repas à domicile Frichti vient d'être reprise par un concurrent français, La Belle Vie, qui s'est engagé à maintenir 168 des quelque 400 salariés. Les livreurs indépendants sont «paniqués» par la rupture brutale de leur contrat de prestation par les anciens dirigeants.
« Nous conservons la cuisine et la qualité des produits de Frichti qui ont fait son succès, mais nous changeons le modèle de livraison : nous n'avons pas de darkstores mais un seul grand entrepôt », a déclaré le cofondateur de La Belle Vie, Alban Wienkoop, à l'AFP.
Ainsi, « les livreurs partiront pour des plus grosses tournées avec plus de produits plutôt que de faire des allers et retours à partir de différents lieux », a-t-il précisé. La Belle Vie, implantée en Ile-de-France, s'appuie pour ce faire sur son laboratoire de cuisine à Montreuil (Seine-Saint-Denis) de 1.300 m³ et son entrepôt parisien de 4.700 m³ « conforme au PLU (plan local d'urbanisme, NDLR) », peut-on lire dans l'offre de reprise que l'AFP a consultée.
En mars dernier, une réglementation très contraignante avait porté un coup d'arrêt aux acteurs spécialisés dans le « quick commerce ».
Le gouvernement avait décrété que les « dark stores » - ces locaux où sont stockés les produits à livrer - étaient des entrepôts et non des commerces, ouvrant la voie à une régulation par les mairies de cette activité, et même à la fermeture de certains sites.
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L'allemand Flink et le turc Getir (Gorillas, Getir et Frichti) avaient alors annoncé quitter le marché français. Frichti, Gorillas et Getir ont été placées en mars en redressement judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris et les deux dernières entités ont été liquidées par la suite.
La Belle Vie, créée en 2015 par Paul Lê et Alban Wienkoop et qui emploie aujourd'hui 376 salariés, vient de signer deux contrats avec la Grande Epicerie de Paris (groupe LVMH) et compte étoffer le catalogue de Frichti, qui passerait de 1.000 produits disponibles à 6.000.
Les repreneurs ont acquis Frichti pour 30.000 euros et ont provisionné 450.000 euros pour reprendre les stocks, et conservent 14 des 18 restaurants d'entreprise de Frichti. Plus de 160 salariés garderont leur emploi en Ile-de-France mais les employés de Lille, Nantes, Bordeaux, Lyon, Aix-en-Provence, Grenoble et Toulouse risquent d'être licenciés.
« 200 procès en cours »
En 2022, le chiffre d'affaires de Frichti s'élevait à 69 millions d'euros tandis que celui de La Belle Vie atteignait 42 millions d'euros et, à fin juin 2023, 28 millions d'euros, en croissance de 30% par rapport à l'année précédente.
Une nouvelle entité a été créée par les repreneurs, New Frichti, ce qui leur permet de ne pas hériter du lourd passif de la société, et des quelque « 200 procès en cours » actuellement aux prud'hommes, a indiqué à l'AFP Kevin Mention, avocat de livreurs indépendants ayant intenté une action en justice pour demander une requalification de leur contrat de travail.
Ces derniers ont « des managers, des tournées, des sanctions », comme des salariés classiques : « C'est du travail dissimulé », estime le conseil.
Après un message des anciens dirigeants de Frichti leur annonçant que leur collaboration prendrait fin le 25 septembre, plusieurs ont dit à l'AFP être « paniqués » et « choqués » et ont entamé un mouvement de grève le 19 septembre.
Le même jour, des salariés de Getir et Gorillas avaient manifesté devant le cabinet en charge de la liquidation, se plaignant notamment de ne toujours pas avoir leurs attestations Pôle Emploi, selon un communiqué de presse.
Une dizaine de salariés étaient encore en attente de leur salaire en début de semaine, a indiqué à l'AFP le représentant des salariés Getir France Johann Tchissambou. La société Flink SE et Guillaume Luscan, cofondateur de Cajoo, avaient également déposé une offre de reprise et se proposaient de reprendre 55 salariés de Frichti, selon le document consulté par l'AFP.