Tribune
Les entreprises doivent aujourd'hui faire face à une explosion de la parole des consommateurs et à une démultiplication des canaux sur lesquels elle circule. Répondre à cette parole est une nécessité qui comporte aussi des risques. Les marques ne sont pas forcément légitimes où elles pensent l'être, elles doivent découvrir où elles le sont.

Organisés autour de méta-communautés et de sous-communautés, les réseaux sociaux recèlent des structures d'influence complexes, d'une puissance sans précédent et avec lesquelles les entreprises doivent aujourd'hui compter, ce qui est loin d'être simple. 4,48 milliards d'utilisateurs dans le monde font désormais circuler en ligne une expression individuelle «sans filtre» et souvent radicale. Leurs avis, leurs opinions et leurs expériences bonnes ou mauvaises concernant leurs marques influencent fortement les comportements d'achat et renferment aussi des informations inédites.

La montée en puissance des réseaux sociaux constitue une révolution technologique et sociale d'une ampleur incomparable. Elle a fait émerger un véritable «sixième continent» riche de 5 à 8 millions de communautés plus ou moins stables et de 300 millions millions d'acteurs militant activement, dans les domaines de l'alimentation, la santé, l'éducation, l'énergie... En l'espace de deux ans et sous l'effet de la pandémie de covid, le nombre des conversations a ainsi triplé sur les réseaux, portées par des acteurs influents. Au point que depuis le début de la crise sanitaire, 65% des Français se déclarent plus sensibles à l'engagement des entreprises, une tendance globale et partagée par les collaborateurs.

La neutralité vis-à-vis des grands phénomènes de société n'est plus de mise (il suffira de penser à la puissance virale des phénomènes #Metoo et Black Lives Matter). L'attente d'engagement s'est étendue aux marques traditionnelles lesquelles sont «invitées» à entrer dans les conversations et affirmer un positionnement lisible en direction de leurs consommateurs, qu'il s'agisse de défense de l'environnement, de lutte contre les discriminations, d'équité...). À cela s'ajoute l'entrée sur le marché de nouvelles marques rivales fondant leur succès sur une revendication (C'est qui le Patron?!, la marque de lait des consommateurs, visant à rémunérer à juste prix les producteurs).

Mieux appréhender une transformation sans précédent

Si l'attente d'engagement est grande, elle ne dispense pas d'une certaine prudence puisque 62% des Français estiment qu'une marque qui communique trop sur ses valeurs perd en crédibilité. Le fait est qu'il est difficile aux entreprises d'assurer une crédibilité sur les réseaux lorsqu'il s'agit de grandes causes. On ne comptera plus les accusations de greenwashing portées à leur encontre, ni les prises en défaut largement relayées (Yves Rocher, Volkswagen, L'Oréal, Tesco…), accusations auxquelles elles doivent répondre stratégiquement.

Priées de s'engager, les marques sont aussi, en raison de la taille des communautés auxquelles elles s'adressent, plus vulnérables aux phénomènes de boycott et/ou de brand-bashing. Les entreprises tentent aujourd'hui de mieux appréhender cette transformation sociale, notamment en s'appuyant sur les outils de social listening, c'est-à-dire en traquant sur les réseaux la mention de leur marque, de leurs produits, en quantifiant les likes, les avis positifs, ceux des compétiteurs...

Pourtant, le social listening, s'il reste indispensable, ne suffit pas lorsqu'il s'agit d'analyser finement les communautés et leur ressenti. Il ne suffit pas non plus à anticiper les tendances et les phénomènes de consommation.

Comprendre où se situe la légitimité d'une marque

Les marques ne sont pas forcément légitimes où elles pensent l'être. Pour le découvrir, il faut écouter certes, mais il faut aussi comprendre, ce qui requiert des outils d'analyse plus fins de social media intellelligence. L'inférence sociale permet notamment de déduire l'intérêt d'une personne pour un sujet à partir des interactions sociales que sont les partages, les commentaires, les like, et cela, sans la mention directe du sujet en question.

L'inférence sémantique permet quant à elle de découvrir automatiquement des termes et sujets liés au sujet d'analyse initial, sans qu'ils soient mentionnés dans la recherche. Ces outils permettent l'écoute de signaux faibles et ce faisant, de mieux identifier les communautés et leurs intérêts. Il devient possible de détecter des tendances, des besoins, des préoccupations des consommateurs, des citoyens, des patients ; d'identifier de nouveaux marchés potentiels mais aussi des partenariats qui pourraient avoir un impact positif sur la visibilité d'une marque. Ils donnent l'accès à une smart data pertinente, granulaire et qualifiée, indispensable à une compréhension plus fine des échanges sur les réseaux (publications spontanées, partages...).

Savoir comment une marque est réellement perçue et où se situe sa crédibilité réclame d'aller au-delà du mot-clef et de l'analyse quantitative, d'aller plus loin que la simple mention de la marque dans un contenu et de découvrir des relations à l'intérieur des commentaires. Il s'agit en somme de s'intéresser à ce que les gens disent et ressentent pour adapter sa façon de communiquer.

Sachant que chaque secteur d'activité est confronté à des enjeux spécifiques, les marques ne peuvent se dispenser d’interagir avec leurs consommateurs, en pleine intelligence de ce qui les anime – intensité de leurs émotions comprise. Les réseaux sociaux, en révolutionnant la formation et l'expression des opinions ainsi que le rôle des citoyens, offrent une autre vision du monde dans laquelle la quête de sens est primordiale. Les marques doivent ainsi investir avec discernement ce ce « sixième continent».

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