Tribune
Après la disparition de Bernard Tapie, son ami, Jacques Séguéla, salue un homme généreux, à la vie rocambolesque, «le Wonder Man des annonceurs».

Bernard, tu aimais la pub et d’abord la tienne. Elle te l’a bien rendue. Pour nous, tu es, tu as été, tu resteras le Wonder Man des annonceurs. Tu nous as fait rêver de ces rêves qui ne meurent jamais.

Mais qui connaît vraiment Tapie ? L’homme privé était l’envers de l’homme public. J’ai trop pratiqué les coulisses du Bernard Show pour ne pas l’avoir percé. Entrer dans ta vie était forcer les portes de la vie ordinaire et s’embarquer sur la planète des grands frissons. Comment vouloir que l’on vous aime à ce point sans aimer les autres ? La réussite atrophie le cœur et hypertrophie la tête, mais le killer, chez BT, s’arrêtait aux frontières du business. Pour le reste, il était la générosité même.

On ne sort pas d’une enfance à la dure sans se soucier de son prochain. Le mépris est un atavisme de riche, toi, tu avais tes origines dans le sang, l’intelligence de l’instinct plus que celle de la lecture, un charme plébéien plus que de l’élégance, une gueule plutôt qu’une beauté, et en prime, un inoxydable dynamisme. Super-Tapie marchait à l’extraordinaire.

Tu as fait de ta vie l’un des plus rocambolesques contes médiatiques de ce demi-siècle - conte rose, conte noir, comptes sans fin. Bernard, tu rêvais d’être Franck Sinatra, tu t’es fait apprenti Rockfeller. Chasseur chassé de la grande battue du music-hall, tu joueras les nouveaux milliardaires pour n’avoir pu être un nouveau disque d’or. « There is no business like show-business », fredonnait déjà Marilyn.

Chemin faisant, tu n’en finiras plus de réussir les paris impossibles (impossible n’est pas Tapie), soulevant les montagnes et les foules. Et par voie de conséquence, la jalousie jusqu’à la rancœur des politiques, le mépris jusqu’au regret de l’intelligentsia et la haine des juges jusqu’à ton dernier souffle. Mais tu as eu le dernier mot sur eux : tu es parti blanchi à jamais. Entre temps, tu as gagné le cœur des Français par ton courage dans ton inextinguible face à face avec le mal.

Qu’importe le flacon, tu as continué de créer l’ivresse en nous électrisant par tes coups de gueule, tes coups de cœur, tes flashs sur ton intimité. Salieri ou Mozart, s’interrogeaient tes ennemis ? La réponse est simple, tu frimais comme l’un, tu étais surdoué comme l’autre.

Les êtres qui nous sont chers ne meurent pas, ils deviennent simplement invisibles mais plus présents que jamais. Bernard, je t’aime. Tu es là à nos côtés pour nous rappeler que la vie, qu’une pub sans passion, n’est que ruine de l’homme.

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