C'est une tendance insistante et répétée : au-delà des stratégies de contenu, les marques deviennent ou se réinventent en média, à l’instar, toujours extrême, de la Silicon valley, dont les moguls ont décidé de créer leur propre média, pour (enfin) maîtriser leur récit.
Poussées par une audience digitale native sensible à l’émotionnel, l’immersivité et la cohérence multicanal des marques, les marques - toujours elles - redoublent de créativité pour gagner l’engagement, la loyauté et l’ambassadorat de leur audience.
Le contenu tel que classiquement conçu en marketing n’y suffit plus et les marques, sous pression, soucieuses de maîtriser leur image à 360 degrés, poussent les murs des blogs, newsletters et autres vidéos, s'adjoignent les services de journalistes et deviennent leur propre média. Le «brand journalism» ou journalisme de marque est né.
Un glissement inquiétant
Structurellement, cette tendance est dangereuse parce qu’elle évince le pluralisme de l’équation et se satisfait d’un entre-soi qui va très vite devenir sclérosant. Le start-up bashing ambiant en est une manifestation : en ne parlant plus que de soi à ses pairs, dans des champs lexicaux très calibrés, on attise la réaction du rejet.
Sociologiquement, ce glissement vers une communication de propagande alimente également la défiance vis-à-vis des médias : ces derniers, pour rester dans la course, adoptent plus ou moins consciemment les codes de communication des marques du moment.
Intellectuellement enfin, la disparition du débat et du pluralisme (je vous épargne les harangues de pochtrons sur Twitter) prédit un avenir funeste au 4e pouvoir, désormais quotidiennement vilipendé.
On crée une agence de relations presse parce que l’on est convaincu.e (c’en est même une profession de foi) du rôle essentiel de la presse pour être sûr.e de disposer, en tant que lectrice ou lecteur, auditrice ou auditeur, d’une information vérifiée, mise en perspective, contre-dite ou même démentie. À ce titre, un tel glissement est glaçant.
Éducation, pédagogie, apprentissage
La compréhension du monde qui nous entoure est un ouvrage quotidien et infini. C'est un peu comme le vélo, mais en plus vaste. Pour mieux cerner les enjeux d’une presse indépendante, capable de moquer les nombrilistes cocasses, il faut militer pour une formation accrue aux médias. À tous les âges.
Pour les marques, il est essentiel de repenser leur communication vis-à-vis des médias, à l’aune de ce qui précède, de mieux se préparer aux échanges écrits comme oraux avec les journalistes, de s’exercer à la gestion des objections et de garder toujours en tête que c’est souvent par la comparaison à d’autres solutions, la confrontation concurrentielle, qu’elles tireront le mieux et le plus irréfutablement leur épingle du jeu.