Tribune
Le secteur de la communication, du marketing et des médias a profondément changé ces dernières années, notamment avec le développement de l’intelligence artificielle. Si elle permet de mieux comprendre les besoins des consommateurs et d’améliorer la performance des campagnes, l’IA fait naître des craintes, notamment en matière de désinformation et de biais. D'où la nécessité de réfléchir aux moyens de la rendre plus rassurante et plus éthique.

Ciblage, intégration des encarts, création de contenu… L'intelligence artificielle a plusieurs fonctions dans le domaine publicitaire digital. Elle permet d’abord de diffuser des annonces ciblées basées sur les données de navigation des internautes et leurs habitudes de consommation. Plus les algorithmes disposent de données, plus le ciblage publicitaire proposé est précis. Grâce à ces informations, il est plus facile de déterminer où, quand et à qui diffuser une publicité, et donc d’améliorer les performances des campagnes, et avec lui le retour sur investissement - ce qui pousse les acteurs du secteur à récolter toujours plus de données personnelles.

Mais bien cibler une publicité ne suffit pas, encore faut-il qu’elle soit vue. Pour éviter les encarts mal mis en valeur car mal situés sur la page, une IA comme celle utilisée par la technologie DPO (dynamic placement optimization) détecte le meilleur emplacement pour que l’annonce soit réellement vue par l’internaute. Loin du traditionnel pop-up ou encart en bas de page, la publicité peut en effet être directement intégrée à une image, une vidéo ou un contenu textuel. L’objectif est de créer un contenu publicitaire harmonieux avec le reste de l’article, moins agressif pour l’internaute et donc plus engageant.

Désormais, certains algorithmes créent même des accroches publicitaires, des titres d’articles voire des scripts de films publicitaires après avoir analysé les contenus similaires qui ont été les plus engageants. Pour comprendre le comportement d’un consommateur et sa réaction face à un contenu donné, d’autres sont capables de détecter les émotions humaines grâce à la reconnaissance faciale, comportementale, vocale et textuelle. C’est ce qu’on appelle le «feel data».

L’IA, une technologie qui fait peur

Si l’IA permet d’optimiser la publicité, elle génère pour autant des inquiétudes, souvent légitimes. Basée sur les cookies pour le ciblage, elle entretient une boulimie de données qui fait vivre une publicité sous perfusion de données personnelles.

Par ailleurs, les progrès de l’IA en matière de reconnaissance faciale et vocale génèrent de fortes appréhensions. Des intelligences artificielles sont aujourd’hui capables d’analyser les expressions faciales des passants et d’adapter la publicité diffusée sur des panneaux dynamiques dans l’espace public au sexe de la personne, à sa tranche d’âge ou encore à son humeur. Bien qu’elle soit fortement encadrée par la législation française, l’utilisation de cette technologie génère des inquiétudes sur l’usage actuel et futur de toutes ces données collectées parfois à notre insu, dans l’espace public comme privé.

Enfin, par essence, l’IA comporte un risque important de discriminations puisqu’elle repose sur l’analyse de bases de données qui peuvent être constituées en intégrant des stéréotypes racistes ou sexistes par exemple. En 2018, le département du logement et développement urbains des Etats-Unis (HUD) avait ainsi déposé une plainte contre Facebook. La plateforme avait établi des critères de ciblage pour des annonces de logement qui discriminaient les individus selon le sexe, la race, la religion, le handicap, les origines nationales ou encore le statut parental.

Améliorer la publicité en ligne

Il serait impossible de lister ici l’ensemble des réserves sur l’utilisation de l’intelligence artificielle en publicité. Pour autant, ces technologies sont de vraies opportunités pour le secteur, à condition qu’elles soient implémentées dans un souci constant du consommateur.

L’IA a ainsi rendu possible des évolutions majeures dans la publicité digitale d’aujourd’hui. Des technologies comme le ciblage contextuel permettent en effet de diffuser des publicités qui reposent non plus sur les données personnelles des internautes mais sur le contenu des pages web affichées. Pour cela, certaines IA sont capables d’une compréhension quasi-humaine du contenu web ciblé, permettant de diffuser des publicités basées sur les articles en eux-mêmes plutôt que sur les données des consommateurs. Elles protègent la vie privée des internautes et évitent leur sélection par des algorithmes biaisés - car la publicité affichée ne dépend pas de la personne mais du contenu.

Malgré les craintes qu’elle soulève, l’IA est maintenant un pilier de la publicité digitale telle qu’on la connaît. Aussi convient-il de réfléchir à des moyens pour la rendre plus éthique en corrigeant les biais et stéréotypes qu’elle peut développer, et de penser des applications publicitaires saines. Ce travail reposera notamment sur la prise en compte des avis de lanceurs d’alerte et en faisant travailler ensemble des individus qui viennent de milieux différents afin de faire disparaître les biais de l’IA.

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