Tribune
Trop souvent, les stratégies data des entreprises s'inscrivent dans une approche tactique, aveugle et opaque. Il est temps d'élaborer une véritable stratégie d’entreprise offensive et long-termiste sur la data.

Depuis quelques temps, les entreprises se ruent sur un nouveau trésor : la first party data. Ces données de connaissance client, récoltées par l’annonceur lui-même, semblent plus précieuses que jamais depuis la décision de Google d’interdire les cookies tiers (données collectées par un partenaire) dans leur navigateur internet. Et même si la date d’exécution de ce bouleversement a récemment été reportée à 2023, cette annonce, additionnée aux enjeux de transformation accentués par le Covid-19, pousse les marques à accélérer leur approche «direct to consumer» afin de réduire leur dépendance aux intermédiaires, comme les distributeurs.

Ce stockage effréné de la data est pourtant inutile voire contre-productif, non seulement en termes d’efficacité et de coût financier pour l’entreprise, car les données sont souvent hétérogènes et périssables, mais également onéreuses pour ce qui est de l’impact environnemental. 0,8% de l’électricité mondiale était consommée par les datas center en 2020, soit approximativement la consommation annuelle globale d’un pays comme l’Australie ou l’Afrique du Sud, selon un rapport de l'International Energy Agency de juin 2020.

De plus, les méthodes de collecte et de conservation des données peuvent manquer de transparence et une accumulation déraisonnable porte un risque intrinsèque de fuites. Or, l’un des enjeux fondamentaux de l’amélioration de la publicité ciblée est bien la confiance et la protection de la vie privée des consommateurs. Nous touchons ici la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis des consommateurs et citoyens.

Trois règles d’or

Ces dérives montrent que notre rapport à la data est aujourd’hui encore très «adolescent» : nous sommes fascinés, un peu fougueux, un peu gauches. Nous devons maintenant passer à l’âge adulte pour devenir plus modérés, pragmatiques et long-termistes. Car en effet, au-delà de la question de l’accumulation, se pose celle de l’usage. Une fois récoltée, comment exploiter la donnée efficacement ?

Nos observations auprès de grands groupes montrent une grande diversité d’approches. Seuls les modèles réellement adaptés aux enjeux de l’entreprise se révèleront efficaces. Pour cela, il nous faut avant tout respecter trois règles d’or simples pour garantir une approche structurée et réellement tournée vers le consommateur final.

Première règle : demandez-vous inlassablement «pourquoi ?». La cohérence de votre stratégie est la base de votre modèle data. Avant de passer à l’âge adulte de la data, vous allez donc devoir retrouver votre âme d’enfant et inlassablement vous demander «pourquoi ?», car c’est bien cette insatiable curiosité, si caractéristique chez nos plus jeunes, qui vous permettra de débusquer les zones grises dans votre stratégie.

Demandez-vous pourquoi vous souhaitez accélérer sur la first party data, pourquoi cela servirait votre organisation. Pourquoi mieux connaître votre client vous aidera-t-il à améliorer votre produit ? Pourquoi les consommateurs seraient-ils plus réceptifs à un haut niveau de personnalisation de leur expérience ? Ce sont alors ces réponses, ramenées à leur plus simple expression, qui pourront vous guider lors de l’élaboration de votre modèle data : le type de données que vous allez rechercher en priorité, auprès de qui les obtenir, comment les valoriser, et avec quelle architecture et solutions technologiques. L’objectif : poser les enjeux stratégiques et opérationnels dès le début de la réflexion.

L’intérêt du consommateur avant tout

La deuxième règle à suivre sera de remettre «consumer» au cœur du «direct to consumer». Transparence, simplicité, responsabilité : tout doit être pensé dans l’intérêt du consommateur. En fin de compte, que lui apporte-t-on réellement ? Quelle est notre part du contrat passé avec lui ? Informations exclusives, accès à certains avantages dans un écosystème de partenaires, promotions, contenus gratuits... Les bénéfices potentiels sont nombreux et doivent systématiquement s’accompagner de la possibilité de contrôler à tout moment sa donnée.

Enfin, la stratégie data doit s’adapter aux évolutions du marché. Tout modèle data doit impérativement évoluer dans le temps car la donnée est périssable, la législation change et les technologies ne cessent de s’améliorer ­— tout comme la stratégie des entreprises. Accepteriez-vous de monter dans un avion qui était le nec plus ultra il y a 20 ans mais qui n’a jamais été mis aux normes ? La stratégie data, c’est un marathon où l’on n’est jamais tout à fait arrivé. C’est pour cela que l’accompagnement ne peut se faire que sur le temps long.

La question du modèle data des marques encapsule à elle seule tous les enjeux du marketing et de la communication en 2021. Il s'agit de passer d’une approche tactique, souvent défensive, à une véritable stratégie d’entreprise offensive et long-termiste, de passer d’une foi aveugle dans le big data à une utilisation rationnelle et raisonnée de la donnée. Et enfin, de passer d’un modèle opaque, ni efficace pour les marques, ni bénéfique pour les consommateurs, à un vrai contrat qui crée de la valeur pour tous. 2021 doit marquer un tournant dans l’approche de la data. Après plusieurs années d’exploration, il est temps de sortir de l’adolescence pour passer à l’âge adulte.

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