Dossier Efficacité
La question de l’efficacité publicitaire n’est pas nouvelle, mais elle se pose aujourd’hui un peu différemment aux annonceurs. Les études se multiplient du côté des médias tandis que l’Union des marques vient de publier son Référentiel.

Plus de 5,4 milliards de faux comptes Facebook supprimés en 2019. C’est ce qu’indique un rapport sur la transparence paru en novembre dernier - qui ne prend donc pas en compte la fin de l’année - réalisé par le réseau social. Un chiffre démesuré, plus de deux fois plus élevé que le nombre d’utilisateurs actifs mensuels (2,45 milliards sur l’ensemble de ses plateformes, Instagram, Messenger et Whatsapp compris), et qui témoigne, d’un certain point de vue, d’une volonté de Facebook de renforcer ses efforts pour fournir de l’information fiable. Le géant américain a en effet de gros progrès à réaliser de ce côté-là. Il a longtemps été sous le feu des critiques pour avoir menti sur les chiffres censés illustrer les performances de ses publicités vidéo. Des accusations de nature à faire s’arracher les cheveux des directions marketing, communication et digital des entreprises. De quoi raviver également les inquiétudes et les questions autour du sujet de l’efficacité publicitaire.

La question n’est pas nouvelle. « Le digital a tout changé », entonnent la plupart des experts interrogés. C'était il y a une vingtaine d’années. Reste qu’aujourd’hui, les médias demeurent friands des études d’efficacité. « Il y a plus d’études qu’avant », observe un expert. « Elles se multiplient », confirme un autre. « Il n'y en a pas plus mais elles sont faites différemment », tempère un troisième. Le 14 novembre dernier par exemple, Stratégies faisait sa couverture sur une étude du SNPTV (Syndicat national de la publicité télévisée) consacrée à l’efficacité de la publicité télévisée. Ce média n’est pas le seul à vendre ses performances de cette façon. L’étude Balmétrie, qui se penche sur l’efficacité du média courrier, publiait en mars 2019 la synthèse des résultats de sa septième édition. « Pour la première fois, Balmétrie a sorti une mesure d’audience sur le prospectus avec Kantar Worldpanel », confie Eric Trousset, directeur du développement de la division média de La Poste, président de l’Irep (Institut de recherches et d’études publicitaires) et président du GIE Balmétrie. Une dizaine de campagnes basées sur des prospectus menées au premier semestre 2019 ont été testées pour voir les effets qu’elles avaient notamment sur les ventes.

Des silos très présents

Cette profusion d’études s’explique par plusieurs facteurs, à commencer par le fait que le digital a donné l’impression, si ce n’est l’illusion, que tout était mesurable. Les autres supports ont donc souhaité s’aligner en donnant eux aussi des chiffres d’efficacité afin de répondre à un besoin de résultats visibles pour les annonceurs.  

Deuxième raison : la fragmentation de l’écosystème, résultante d’une tendance des annonceurs à répartir leurs budgets sur différents points de contact, conduit les autres médias à vouloir apporter la preuve de leur propre efficacité. « Mediapost parle courrier, Facebook de Facebook Ads… Chaque opérateur, en silo, vient avec son prisme pour montrer, à l’heure de cette fragmentation, combien il est incontournable… Tout en montrant les effets de rebond avec les autres médias », dépeint Michel Sara, dirigeant de ROI Marketing, société de conseil en marketing et communication.

À cela s’ajoute une pression financière accrue. « La croissance est moins forte, donc les entreprises cherchent à rationaliser les coûts. D’où la nécessité de prouver l’efficacité des dépenses médias », complète Valérie Morrisson, directrice générale du CESP (Centre d’étude des supports de publicité). Et ce alors qu’en parallèle, les entreprises laissent globalement moins de temps aux marketeurs et à la communication pour faire leurs preuves. « Les timings sont raccourcis », constate Lina Tajirian, head of broadcast marketing chez Havas Media.

Enfin, le contexte économique global explique aussi une certaine tension autour de ces études. « Depuis plus de dix ans, le marché de l’investissement publicitaire est stable ou en récession sur les médias dits historiques, donc chacun souhaite préserver ses positions dans un marché en régression, sans compter que l’univers digital absorbe une partie des budgets », décrit Jean-Paul Le Fur, dirigeant fondateur de Medialist, agence média et digitale.

Approche court-termiste

Dans ce contexte, la question se pose de savoir quels indicateurs les annonceurs, devenus plus exigeants à cause des pressions liées aux résultats, scrutent en priorité. Si le digital, qui permet de mesurer immédiatement l’effet d’une action publicitaire, a eu tendance à favoriser une approche court-termiste, les professionnels semblent un peu en revenir. « On a été un peu trop loin dans la performance qui ne s’acquiert que quand les gens connaissent la marque », note Olivier Goulet, dirigeant fondateur d’Iligo, agence conseil et études, qui propose, entre autres, des mesures d’efficacité sur le branding. En témoigne, par exemple, l’initiative de Procter & Gamble de réduire les montants de ses investissements dans la publicité digitale, à cause notamment d’un manque de transparence dans ce domaine. De façon générale, « on commence à voir des annonceurs qui baissent leurs investissements digitaux. C’est un phénomène minoritaire. Un signal faible. Une tendance aussi en France », observe Olivier Goulet.

« Si les indicateurs restent globalement les mêmes, de nouveaux apparaissent comme l’engagement, depuis trois à quatre ans, et la réputation, c’est-à-dire la manière dont une marque est considérée par un public du point de vue de son engagement citoyen, depuis deux ans », observe Jean-Paul Le Fur. « Le pouvoir rassembleur et communautaire des marques est un sujet très émergent qui n’est pas mesuré. Nous nous penchons actuellement sur la question. Il faut inventer de nouveaux indicateurs sur la capacité d'une marque à fédérer des individus », renchérit Olivier Goulet.

Les « juges de paix »

Dans ce cadre où des indicateurs peuvent bouger, les annonceurs ont tout de même besoin de certitudes. « Notre rôle est de pouvoir être un tiers de confiance, un juge de paix dans la définition de l’efficacité des activations », affirme Anne-Lise Toursel, directrice de l’expertise média et créative chez Kantar Insights France. Elle met aussi en avant les « bases de données » de l’institut qui permettent de « positionner les campagnes des clients sur le marché ». Un rôle de tiers de confiance que s’attribuent aussi les agences médias. « Dans le brief, nous sommes de plus en plus challengés sur des objectifs marketing plutôt que sur du média pur. Nous sommes la tour de contrôle, note Aurélie Irurzun, head of video and publishing department chez Havas Media. Par exemple, on travaille sur le CRM pour mieux comprendre les audiences. C’est vrai depuis deux ans et cela s’accentue avec le développement des technologies ».

En parallèle, l’Union des marques a sorti mi-décembre une plateforme de mesure de l’efficacité de la communication. Baptisée « le Référentiel », la plateforme met à disposition des annonceurs un corpus d’indicateurs et a vocation aussi à relayer des études et outils provenant des instituts et agences. Moyennant vérification : le CESP prévoit en effet de sortir début 2020 un « visa efficacité » visant à signaler les études dont la méthodologie aurait été préalablement jugée « suffisamment solide » pour pouvoir y figurer. Une première vague de contrôle était en cours fin novembre, sur cinq critères (méthodologie, représentativité de l’échantillon, définition des indicateurs d’efficacité…). De quoi aller contre les doutes à l’égard du digital - et autres - qui n’ont pas disparu. « La fiabilité de Facebook reste un sujet », affirme Valérie Morrisson. Le CESP avait fait dès 2016 une demande d’audit, qui n’a toujours pas abouti. Facebook a été entendu par l’autorité américaine équivalente et un rapport international devrait bientôt voir le jour.

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