L'incertitude politique actuelle doit pousser les entreprises à renforcer leurs équipes affaires publiques. Plus que jamais en temps de crise politique, elles jouent le rôle de boussole.
Avec l’annonce par le président de la République du recours à l’article 12 de la Constitution entraînant la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation de nouvelles élections législatives les dimanches 30 juin et 7 juillet, un épisode rare de la vie politique française s’ouvre devant nous. La dernière cohabitation a pris fin en 2002. Depuis 1958, seules neuf années de la Ve République se sont écrites en période de cohabitation entre des partis politiques qui, en raison des alternances politiques, disposaient d'une expérience concrète de l'action à la tête de l'État.
La situation est tout autre aujourd'hui. En cas de cohabitation à l'issue des prochaines élections législatives, les principales inconnues porteront sur la couleur politique du Premier ministre. Ces considérations stratégiques sont majeures. Elles influenceront tout à la fois la formation du gouvernement, les portefeuilles qui leur seront attribués, la compétence des nouveaux nommés, la composition de leurs cabinets ministériels... Dans ce milieu où l'écosystème peut sembler réduit, se posent les questions du «qui ira ?» et du «comment exerceront-ils le pouvoir ?». Le fameux diagnostique du qui, quoi, comment.
Dans ce contexte, les organisations se posent à juste titre un certain nombre de questions concernant leurs activités de communication institutionnelle ou d'affaires publiques. Ont-elles encore du sens avec cette dissolution ? Les canaux traditionnels de communication entre les organisations et les pouvoirs publics sont-ils amenés à évoluer ? Une cohabitation entraînera-t-elle une paralysie de l'action publique ? Dans ce chamboulement politique, les organisations ont un objectif commun : pérenniser leur activité. Elles doivent pour cela s'appuyer sur leurs équipes affaires publiques qui, plus que jamais en temps de crise politique, jouent le rôle de boussole.
Mettre les représentants d’intérêts au cœur de la vie de l’entreprise en démocratie
Il est une constante de la vie économique : les organisations préfèrent évoluer dans un environnement stable pour prospérer. Pourtant, les soubresauts de la démocratie peuvent venir bouleverser leur écosystème. L’enjeu sera donc de s’adapter et d’assimiler dans leurs pratiques du quotidien une situation aux conséquences incertaines pour retrouver leur équilibre.
Dans cet ensemble, les représentants d’intérêts sont les acteurs tout désignés pour apporter la stabilité recherchée par l’organisation. Ce sont eux qui assurent la continuité du dialogue entre les travaux précédemment entrepris, ceux en cours et pour lesquels les besoins sont toujours d'actualité, et ceux à venir pour lesquels il faudra de nouveau sensibiliser les décideurs. Ils ont en ce sens l'habitude d'échanger avec l'ensemble des forces politiques, qu'elles soient au pouvoir ou dans les oppositions.
Outre leur capacité à rapidement cartographier et comprendre les intérêts et profils des nouveaux acteurs politiques, ils sont également parmi les seuls à manier des données empiriques de terrain. Ils sont par la même des «techniciens» incontournables des objets qu'ils défendent. Ce faisant, ils sont des rouages essentiels de la vie démocratique. Enfin, ils sont soumis à des règles strictes de transparence qui les obligent et renforcent leur pertinence.
Entretenir la mémoire de l’exercice des affaires publiques en période de cohabitation pour gagner en sérénité
L’expérience de la cohabitation est un saut dans l’inconnu et la question de savoir comment exercer en cas de forte polarisation du couple exécutif sera rapidement posée. Pour autant, la situation politique incertaine dans laquelle nous nous trouvons éclaire sous un nouveau jour la place toujours plus importante prise par les affaires publiques dans notre société. La professionnalisation de nos métiers et la reconnaissance de pratiques communes inhérentes à cette dernière en sont les composantes essentielles.
En effet, si notre profession s’appuie sur des aptitudes humaines et interpersonnelles, c’est bien la connaissance technique - plutôt que le réseau - et l’exercice d’un plaidoyer argumenté qui nous distinguent. Cette pratique nous permet d’entretenir une vision actualisée des acteurs d’importance tout en étant reconnus par ces derniers comme des interlocuteurs fiables et pertinents. Elles doivent nous permettre d’aborder plus sereinement cette période de la vie publique tout en renforçant la confiance que le grand public peut avoir dans notre profession.
C’est pourquoi, malgré la dissolution et les inconnus qui contraignent actuellement la projection des activités des organisations, celles-ci seraient bien avisées de renforcer leurs équipes affaires publiques et, par la même, d’analyser dès à présent les positions de ceux susceptibles d’être en responsabilité demain. L’arrivée d’un nombre important d'anciens acteurs des pouvoirs publics (ministres, députés, collaborateurs...) sur le marché du travail est, comme à chaque élection ou remaniement, une opportunité pour embarquer des personnalités au fait des modalités de la «fabrique de la loi».
À fin de conclusion provisoire, on rappellera que la décision de dissoudre l’Assemblée nationale est venue décorréler (définitivement ?) l’élection présidentielle des élections législatives. Dorénavant, il devrait être plus rare de voir un pouvoir exécutif présenter une forte cohérence politique.