En 1995, les quatorze derniers exemplaires de l'Alpine sortaient des usines de Dieppe, berceau de la marque. Dix-sept ans plus tard, Renault, propriétaire de la marque, annonce le retour sur l'asphalte de la mythique berlinette. Associé à son partenaire britannique Caterham, avec lequel il collabore déjà au sein de Renault Sport F1, le constructeur français fera de nouveau chauffer les machines de l'usine historique de Dieppe, qui assemble actuellement les versions sportives des Mégane et Clio, pour créer l'Alpine nouvelle génération, qui verra le jour à l'horizon 2016.
Afin de ressusciter la marque, Caterham entrera en janvier 2013 à hauteur de 50% dans le capital d'Automobiles Alpine Renault, jusqu'ici détenu à 100% par Renault. Cette coentreprise permettra à chacun des deux constructeurs de lancer sa propre version du bolide, tout en conservant l'âme d'Alpine.
L'annonce de cette relance, longtemps espérée par les aficionados, intervient quelques mois après que Renault a présenté son concept car Alpine A110-50 au Grand Prix F1 de Monaco, à l'occasion des cinquante ans de l'Alpine 110, championne des rallyes. Créée en 1955 par le coureur Jean Rédélé, Alpine, devenue filiale de Renault en 1973, fut la star des courses automobiles, avec notamment une prestigieuse victoire au rallye de Monte-Carlo.
Mais ce modèle iconique du constructeur français n'a jamais été une manne financière, et Renault a dû en cesser la production lorsque les dernières-nées des années 1990 ont fait chou blanc. Si aucun prix de vente ni objectif commercial n'a été annoncé, le relancement du modèle, à l'heure où le vintage a la cote, pourrait bénéficier à la marque, en termes d'image, et renforcer son aura de marque historique. Se lancer sur un segment haut de gamme et sportif ou règnent sans partage les marques allemandes n'est pas sans risque pour la marque au losange, qui ne part certes pas de zéro, avec son engagement dans la F1.
(paroles d'experts)
Un planneur stratégique
Loïc Mercier, directeur du planning stratégique de Proximity BBDO
Oui. Aujourd'hui, Renault n'a plus grand-chose à dire en termes de modèles, il ne change plus l'automobile comme il a pu le faire par le passé. Alpine est une injection d'audace pour une marque qui n'en a plus, mais le plus important est de réveiller le mythe, car à l'inverse de la DS, qui était populaire, l'Alpine était réservée aux «happy few». Si Renault est en perte de vitesse aujourd'hui, la marque sera peut-être en très bonne forme dans trois ou quatre ans lorsque l'Alpine sera lancée. Celle-ci ne sera donc plus juste une bouée de sauvetage comme on l'envisage aujourd'hui mais un modèle de niche parmi d'autres.
Un designer
Bertrand Barré, PDG de The Zebra company
Oui mais. Renault n'est ni engagé, ni audacieux, il fabrique des engins de déplacement. Avec l'Alpine, il a l'opportunité de redéployer la signature Renault pour les dix années à venir. A condition de relancer l'esprit sportif d'Alpine et d'éviter la réinterprétation. Il leur faut trouver un design qui sera un levier pour que l'esprit du sport rejaillisse sur les autres modèles de la marque. Ici, on ne joue pas sur la nostalgie du style mais sur l'esprit de ces voitures qui sont le symbole contestataire de l'automobile d'aujourd'hui. Renault doit trouver des signes identifiants forts, car l'ADN ne se trouve pas dans le logo.
Un publicitaire
Alban Callet, directeur général de l'agence V
Oui. C'est une initiative intéressante qui s'inscrit dans la lignée de certaines marques qui relancent leurs voitures mythiques. La Fiat 500 ou la DS de Citroën ont servi au renouveau de leur marque, même si elles n'ont rien à voir avec les voitures de l'époque. Les marques automobiles ont aujourd'hui plus que jamais besoin de faire rêver car les leviers utilisés comme le prix, la consommation ou la pollution, n'ont plus rien d'attractif. Attention cependant à ne pas faire de la nouvelle Alpine une coquille vide, car si le mythe n'est pas respecté, le retour de bâton des consommateurs ne se fera pas attendre.
