Malgré leurs prix exhorbitants, les calendriers de l'Avent des marques de luxe, notamment dans le secteur de la beauté, continuent leur opération séduction auprès des consommateurs et murmurent à l'enfant qui sommeille en nous. Derrière cet outil marketing, le maître-mot est l’expérientiel.

Si les calendriers de l’Avent étaient encore il y a quelques années l'apanage des chocolatiers, désormais ils se déclinent  avec du vin, des bières, des jouets, des cosmétiques et même des sextoys. À l’image du père Noël, les calendriers sont devenus la norme au sein des foyers les plus aisés. Initialement, ces 24 cases à ouvrir avant le jour J étaient une tradition d’origine germanique destinée à faire patienter les enfants jusqu’à Noël. Il faudra attendre 1958 pour qu’un chocolatier mette sa truffe dans ce business. Et il a eu du flair ! Soixante ans plus tard, il s’en vend pour 72 millions d’euros soit 10% du marché des chocolats de Noël. « Nous avons observé entre 2018 et 2023, à l’aide d’un outil de mesure des recherches web, une hausse significative en France des recherches pour les calendriers, elles ont entre triplé et quadruplé », rapportent Lea König et Truong Nguyen, codirecteurs Retail Luxe d’OpinionWay.

Il n'en fallait pas plus pour attiser la convoitise d'autres marques. Le secteur de la beauté en tête. « Le calendrier de l'Avent, ce plaisir nostalgique lié à notre enfance, est devenu un pilier commercial central pour les marques en cette période de fêtes. Chaque grande marque propose le sien, en particulier les acteurs du secteur de la beauté haut de gamme. Et chaque année, ils dévoilent des coffrets de plus en plus extraordinaires, de véritables objets de collection et des cadeaux de Noël anticipés ! », résume Christophe Huck, cofondateur de l’agence Helmut. En 2022, les calendriers beauté ont connu une hausse de 50% avec près de 35 millions d’euros de ventes (source : Circana).

Une madeleine de Proust qui a tout de même un coût. L’enseigne de cosmétiques française Sisley propose son calendrier 24 cases pour 625 euros, l’experte du maquillage Charlotte Tilbury en offre plusieurs dont un « coffret de maquillage magique Pillow Talk, avec une sélection de 14 produits Pillow Talk iconiques grand format, parfaitement emballés dans un vanity avec miroir facile à offrir », même pas 24 cases donc pour 380 euros. Le parfumeur italien Acqua Di Parma, lui, propose un calendrier 24 cases pour 473 euros autour de ses senteurs phares – à noter qu’un produit est d’ailleurs offert dès 150 euros d’achat. « Ils coûtent cher mais dans le luxe, tout coûte cher. Quand on parle de luxe, tout est une question de pouvoir d’achat, ce sont des maisons qui fascinent et les consommateurs sont prêts à mettre les moyens, c’est un raffinement pour lequel ils sont prêts à casser leur tirelire. Les calendriers changent de design, les produits qui les constituent évoluent aussi, créant une désirabilité et une forme d’exclusivité sur un temps donné », clarifie Benoît Malphettes, cofondateur de l’agence Frénésie. À cela, les experts d’OpinionWay ajoutent : « Nous sommes dans l'irrationnel, ce n’est pas une affaire d’argent, c'est une question de plaisir. »

Plus qu’une grosse boîte en carton, les maisons proposent de véritables œuvres d’art en collaborant notamment avec des artistes. Pour certaines, elles vont jusqu’à proposer une seconde vie à leurs calendriers en les transformant en boîte à bijoux ou en coffret de rangement à l’image du calendrier Dior (600 euros), et même en petit train à l’instar du calendrier Louboutin (590 euros). Balayant au passage, d’un revers de la main, leurs détracteurs écolos : « Ces objets soulèvent la question de l'empreinte écologique car ils impliquent inévitablement un surplus d’emballage mais certaines marques de luxe ont pris conscience de cette problématique en optant pour des matériaux durables et des produits respectueux de l’environnement », avance Christophe Huck. Le spécialiste des bougies Diptyque (425 euros) souligne que ces calendriers sont réalisés en carton et papier provenant de forêt gérées durablement.

Gare à l'indigestion

Pour rappel, cela fait donc un cadeau par jour en attendant les cadeaux de Noël. Apogée du consumérisme ou égoïsme à son paroxysme ? Après réflexion, il s’agit bien là d’un achat réconfortant mais pas innocent. Les marques le savent bien, c’est un atout marketing majeur. « Ce produit est devenu un marronnier avec le temps, il permet une proximité avec les consommateurs inégalable et une expérience avec la marque durant 24 jours. En termes de relation client, ça a un potentiel génial », lance Benoît Malphettes. Additionné aux matraquages publicitaires des influenceuses sur leurs réseaux sociaux, au travers de hauls, de concours ou tout simplement de posts et stories, difficile pour les consommateurs de passer à côté du phénomène. 

En 2022, une vidéo avait enflammé les réseaux sociaux : celle d'une influenceuse qui venait de se procurer le calendrier de l’Avent de la maison Dior pour la modique somme de 2900 euros… Logiquement, à ce prix-là, on s’attend à un sac, même mini, mais elle n'a récolté que des bougies, des parfums et des savons. Vanité quand tu nous tiens… Un an plus tôt, c’est au tour de la maison Chanel de récolter les foudres des internautes. La tiktokeuse Elise Harmon voulait filmer les ouvertures de cases de ce luxueux calendrier à 700 euros. Aux premier abord, c'est un véritable coup de projecteur pour la marque. Jusqu’au désenchantement de l’influenceuse qui a découvert en plus des parfums et des crèmes, des pin's, des autocollants, des pochettes, et autres décorations que la maison offrirait gratuitement à ses clients. 

« Certaines marques ont fait face à des critiques sévères en raison de la proposition de produits miniatures à un prix jugé excessif. C’est pourquoi il est crucial de garantir que la qualité des produits et l'expérience globale justifient le coût plus élevé. Ces écrins offrent une expérience à la fois divertissante et raffinée, éveillant la joie associée à la surprise de découvrir un nouveau produit chaque jour », rappelle Helmut. « C’est la technique de l’échantillonnage, grâce aux calendriers, ils proposent des produits d’appel et misent sur leurs destinataires pour à terme acheter le vrai flacon de parfum ou la vraie crème de la marque. Avec ces calendriers, les marques ont réussi leur stratégie de vente : associer leur nom à la notion de cadeau de Noël », expliquent Lea König et Truong Nguyen. Tandis que les consommateurs perdent de l’argent pour gagner en expérience, les marques, elles, élargissent leur base clients et, qui sait, promettront encore plus d’expérience avec leurs futurs calendriers.

Chiffre clé

35 millions d’euros Montant des ventes réalisées par les calendriers de l'Avent beauté en 2022, représentant une progression de 50% (source :  Circana).

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